Artistes autrichiens en France (XXe siècle)
Au cours du XIXe siècle, l’industrialisation ainsi que la croissance démographique et économique confèrent à Paris le statut de métropole mondiale. La demande du plus vaste marché de l’art du monde et les nombreuses opportunités de présentations d’œuvres inédites constituent des facteurs essentiels de l’émergence de l’art moderne vers 1900. Paris, « capitale de la modernité », exerce ainsi une attraction considérable sur de nombreux artistes, designers et architectes originaires du monde entier, y compris d’Autriche. Ces derniers effectuent des séjours d’étude et de travail prolongés à Paris, en Provence ou sur les rives de l’Atlantique et de la Méditerranée, où les pionniers français de la modernité ont exercé leur art. Certains d’entre eux ont réussi à s’établir dans le milieu artistique parisien et à y acquérir une certaine notoriété.
L’Autriche au XXe siècle
Au XXe siècle, la notion d’Autriche fait référence à deux territoires de taille différente et à cinq formes distinctes d’État ou de gouvernement. Jusqu’en 1918, le territoire de l’Autriche (la moitié « cisleithanienne » de la monarchie austro-hongroise) comprend les territoires de l’archiduché d’Autriche, les pays tchèques avec la Bohême, la Moravie et la Silésie autrichienne, ainsi que la Galicie, la Bucovine et la côte nord-adriatique. Les artistes originaires de ces pays de la monarchie des Habsbourg sont considérés comme des Autrichiens, notamment lors des expositions universelles organisées à Paris. En France, ils ont également été soumis, en tant que citoyens autrichiens, aux conséquences du déclenchement de la guerre le 28 juillet 1914 (soit l’expulsion ou l’internement, soit l’engagement armé pour l’Entente). Depuis la création de la République d’Autriche allemande le 12 novembre 1918 (rebaptisée plus tard République d’Autriche), on entend par « Autrichiens » les citoyens et les habitants des régions germanophones de l’ancienne monarchie. La forme d’État de ce territoire change le 4 mars 1933 avec la mise en place de la dictature chrétienne-sociale (« austrofascisme », « État corporatiste »). Du 13 mars 1938, date de l’Anschluss, c’est-à-dire de l’annexion à l’Allemagne nazie, à la fondation de la Deuxième République le 27 avril 1945, l’État autrichien n’existe pas. Les Autrichiens deviennent des citoyens allemands et peuvent, sous certaines conditions, se rendre dans les territoires européens occupés par l’Allemagne, y compris en France. L’établissement de la neutralité de l’Autriche en 1955, son adhésion à l’Union européenne en 1995 ainsi que son adhésion aux accords de Schengen en 1997 instaurent d’autres paramètres importants qui influent sur les déplacements temporaires ou permanents des artistes autrichiens vers la France.
Artistes autrichiens en France de 1900 à 1914
Des années 1890 jusqu’au début de la Première Guerre mondiale, de nombreux courants artistiques, tant classiques que modernes, ont prospéré à Paris, dont l’Art nouveau, le fauvisme et le cubisme. Ils ont agi comme de puissants facteurs d’attraction sur les artistes autrichiens modernes.
Impressionnisme, Art nouveau, première période du cubisme
À Paris, quatre artistes de Bohème et de Moravie (territoires qui font alors partie de l’Autriche) constituent un groupe pionnier au début du XXe siècle. Ces créateurs tchèques aspirent à des sources d’inspiration distinctes de celles qu’ils ont pu recevoir à Vienne. Le graphiste et peintre morave Alfons Mucha, qui a visité l’Exposition universelle de 1889, prend la décision de rester à Paris. Il y partage brièvement un atelier-logement avec Paul Gauguin. En 1898, il enseigne dans les académies privées parisiennes Colarossi et Carmen. En 1902, il accompagne Auguste Rodin, qui a présenté l’année précédente une exposition influente de son œuvre à la Sécession et a réalisé en 1909 un portrait du compositeur viennois Gustav Mahler, lors d’un voyage en Moravie. En tant que graphiste, Mucha acquiert une renommée considérable à Paris avec ses célèbres affiches Art nouveau (par exemple pour Sarah Bernhardt ou pour l’Autriche à l’Exposition universelle de 1900), avant de s’installer à Prague en 1918. L’artiste tchèque František Kupka arrive quant à lui à Paris en 1894, il s’y établit d’abord comme illustrateur puis devient, à partir de 1911, l’un des pionniers de l’abstraction. En 1914, un grand nombre d’artistes tchèques de nationalité autrichienne sont contraints de faire un choix entre le retour dans leur pays d’origine ou l’engagement dans l’armée française. Kupka opte pour le service militaire et ne revient à Prague qu’en 1918, tout comme Mucha. De 1906 à 1910, le peintre et sculpteur tchèque Otto Gutfreund étudie à l’Académie privée de la Grande Chaumière[1] auprès d’Antoine Bourdelle. C’est dans la capitale française qu’il découvre le cubisme. Comme Kupka, il combat pour la France pendant la guerre, dans une légion tchèque, et retourne à Prague en 1920. Le peintre cubiste Emil Filla, enfin, originaire de Moravie, effectue plusieurs séjours à Paris aux alentours de l’année 1910. Il y fait la connaissance de Picasso et Braque par l’intermédiaire du collectionneur et historien de l’art pragois Vincenc Kramář. Pendant la guerre, Filla est en Hollande, puis il rentre, comme Mucha, Kupka et Gutfreund, à Prague pour contribuer au développement de l’art moderne de la nouvelle République tchécoslovaque sur le modèle parisien.
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František Kupka, La cathédrale, 1912-13
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Otto Gutfreund, Le joueur de violoncelle, 1912-13
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Rudolf Quittner, Les lingères place du Tetre, Paris, avant 1910
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Walter Bondy, Pavillon bleu à Saint-Cloud, 1907
Entre 1900 et 1914, l’Exposition universelle, la prospérité du marché de l’art et les divers courants artistiques modernes incitent un nombre croissant d’artistes autrichiens à s’établir à Paris ou à y réaliser de longs séjours d’étude et de travail. Ainsi, en 1900, la sculptrice Elsa Kövesházi-Kalmár peut admirer sur place l’art d’Auguste Rodin. Elle s’installe plus tard à Paris, dans les années 1912-1914. À partir de 1901, le peintre et fils d’industriel Rudolf Quittner passe tous ses étés dans la capitale de l’art moderne, où il étudie à l’Académie Julian de Montmartre et peint des paysages urbains impressionnistes tardifs. Il décède en 1910 à Neuilly-sur-Seine. De 1903 à 1914, le peintre viennois Walter Bondy, autre héritier d’une fortune industrielle, réside lui aussi à Paris. De 1918 à 1930, il fait des allers-retours entre la France, Vienne et Berlin. À partir de 1931, jusqu’à sa mort en 1940, Bondy s’installe à Sanary-sur-Mer, un village méditerranéen très apprécié des artistes. De 1904 à 1909, le peintre et illustrateur Ferdinand Michl vit à Paris, où il travaille dans le style de l’Art nouveau pour des revues illustrées comme Le Rire et Le Témoin. En 1909, Gustav Klimt entreprend son premier et unique voyage à Paris. Il y rend visite à Rodin, qu’il connaît depuis sa participation réussie à la IXe exposition de la Sécession en 1901. En outre, Klimt recherche de manière ciblée des œuvres de Toulouse-Lautrec, Van Gogh, Gauguin et Matisse, qui ont nettement influencé son œuvre tardive.

Influence de Cézanne
Depuis le début du XXe siècle, l’œuvre de Paul Cézanne commence à exercer une influence considérable sur les artistes, notamment grâce à une salle qui lui est dédiée au Salon d’automne de 1904, par l’entremise de son marchand Ambroise Vollard. En 1905, le peintre Georg Merkel et son épouse Louise Merkel-Romée arrivent à Paris et s’inspirent nettement dans leurs tableaux de l’art de Cézanne et de Puvis de Chavannes. Ils vivent à Paris jusqu’en 1908, puis y résident à nouveau de 1909 à 1914. À partir de 1922, ils exposent leurs tableaux d’inspiration française au Hagenbund de Vienne. En 1938, ils fuient vers la France. Après avoir subi un internement temporaire dans le sud, ils retournent à Vienne après 1945. Ils font alors des séjours réguliers à Montauban, au nord de Toulouse.
Cinq femmes peintres fauves


Avant la Première Guerre mondiale, un groupe de cinq artistes autrichiennes, dont certaines ont été formées à l’École des arts appliqués de Vienne vers 1900, font leurs études en France. Ces femmes peintres, jusqu’à présent insuffisamment reconnues, peuvent être considérées comme des pionnières de la peinture expressionniste en Autriche. Elles se familiarisent sur place avec la peinture des Nabis et des Fauves, bien avant Oskar Kokoschka et d’autres expressionnistes qui ne viendront à Paris que dans les années 1920. Helene Funke, issue d’une famille allemande aisée, réside ainsi à Paris et dans le sud de la France de 1905 à 1913. Elle est l’une des premières artistes autrichiennes à s’imprégner des influences fauvistes de Matisse, Braque et Derain. Emma Schlangenhausen étudie quant à elle à l’Académie Ranson[2] entre 1909 et 1914, sous la direction de Maurice Denis[3], puis se rend à partir de 1914 en Suisse, chez Cuno Amiet, lequel a vécu à Pont-Aven en 1892-1893 où il a découvert l’art de Gauguin, Sérusier, Bernard et Denis. En 1918, elle s’installe à Salzbourg. Marie Cyrenius et Magda Mautner-Markhof, belle-sœur de Kolo Moser, suivent également leur formation à l’Académie Ranson en 1909-1910, puis chez Cuno Amiet en 1910, avant de s’établir à Salzbourg. Helene von Taussig, fille d’un banquier viennois influent, rejoint Emma Schlangenhausen à Paris en 1911 et vit également à Salzbourg à partir de 1918. En 1942, elle est assassinée durant la Shoah. Hilde Exner, enfin, suit l’enseignement d’Aristide Maillol à Paris avant 1914 et s’installe, comme ses collègues, à Salzbourg à partir de 1918.
École de Pont-Aven
Les Nabis et l’École de Pont-Aven ont exercé une influence notable sur l’œuvre de Carl Moser et Heinrich Schröder. Moser, originaire du Tyrol du Sud, fait ses études à l’Académie Julian de 1906 à 1907. Il se rend ensuite à Concarneau et Douarnenez en Bretagne, vraisemblablement sur les conseils de son ami Max Kurzweil, ainsi qu’à Deauville en Normandie. Après son retour en Autriche, les motifs caractéristiques de ces lieux côtiers constituent le cœur de ses célèbres gravures sur bois colorées. Heinrich Schröder, pour sa part, soutenu par la peintre Broncia Koller-Pinell, effectue un voyage en France en 1910. En Bretagne, il réalise des tableaux qui s’inspirent fortement de l’École de Pont-Aven.
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Carl Moser, Marché aux poissons à Douarnenez, 1929
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Heinrich Schröder, Bateaux à Étretat, 1909
Réception du cubisme
Avant 1914, les peintres Alfred Wickenburg, Felix Albrecht Harta, Albert Paris Gütersloh et Aloys Wach ont été particulièrement influencés par le cubisme. Wickenburg étudie à l’Académie Julian en 1906-1909, puis auprès d’Adolf Hölzel à Stuttgart. A partir des années 1920, son œuvre présente des variations autour du cubisme. Harta séjourne à Paris en 1908 (participation au Salon d’automne), en 1912-1913 et en 1926-1927. Avant 1914, il peint déjà des scènes de rue expressives et cubistes de la capitale française. Gütersloh, qui réside pour sa part à Paris en 1911-1912 et y fait la connaissance de Maurice Denis, développe lui aussi par la suite sa propre vision du cubisme, caractérisée par des couleurs intenses. Enfin, le peintre expressionniste-cubiste originaire de Haute-Autriche Aloys Wach fréquente l’Académie Colarossi à Paris en 1913-1914. Il y fait la connaissance d’Amedeo Modigliani et se lie d’amitié avec des collègues artistes au Bateau-Lavoir, avant de devoir rentrer en Autriche à cause de la guerre.
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Alfred Wickenburg, Rinaldo et Armida, 1923
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Felix Albrecht Harta, Carrefour parisien, 1913
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Albert Paris Gütersloh, Portrait de femme, 1913
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Aloys Wach, Femme devant une ruine, 1917
Membres du Hagenbund et Neukunstgruppe


Les derniers séjours d’artistes autrichiens en France avant 1914 sont marqués par l’ombre de la guerre. Peu avant le déclenchement du conflit, plusieurs peintres du Hagenbund viennois, Leopold Gottlieb, Beni Ferenczy, Robert Kloss et Kazimierz Sichulski, séjournent en France. Les deux jeunes peintres carinthiens Anton Kolig et Franz Wiegele[4], qui ont fondé avec Egon Schiele et Anton Faistauer la Neukunstgruppe à Vienne et ont présenté leurs œuvres dans des expositions marquantes en 1909 au Kunstsalon Pisko et en 1911 aux côtés d’Oskar Kokoschka au Hagenbund, obtiennent en 1912 des bourses de voyage pour la France par l’intermédiaire de Carl Moll. À Paris, ils continuent à se former en tant qu’artistes indépendants avant que Kolig ne parte pour le sud de la France et Wiegele pour les colonies françaises d’Afrique du Nord. Surpris par le déclenchement de la guerre en août 1914, Kolig et sa famille doivent fuir précipitamment Cassis et rentrer en Autriche, en abandonnant leurs tableaux. Wiegele, quant à lui, est interné à Sebdou, en Algérie, et sur l’île de Sainte-Marguerite, au large de Cannes, avant d’être libéré en 1916 dans le cadre d’un échange de prisonniers. La peintre impressionniste et réaliste Marie Egner est elle aussi prise au dépourvu par la déclaration de guerre lors d’un voyage en France en 1914 et se retrouve internée pendant plusieurs mois.
Après le début de la Première Guerre mondiale, la France reste pendant près d’une décennie une destination quasiment inaccessible pour les artistes autrichiens, à cause de nombreux obstacles politiques et financiers qui entravent leur voyage. À l’issue du conflit, les relations artistiques entre la France et l’Autriche sont presque au point mort.
Artistes autrichiens en France de 1918 à 1933
À partir du début des années 1920, de nombreux artistes quittent de nouveau Vienne pour Paris, qui demeure le centre de l’art moderne en Europe. Alors qu’avant 1914, les peintres étaient prédominants parmi les artistes autrichiens en France, la période de l’entre-deux-guerres témoigne d’une émergence notable des architectes et des designers.
Adolf Loos
L’architecte autrichien le plus en vue qui séjourne en France pendant l’entre-deux-guerres est Adolf Loos. Il jouit déjà d’une grande renommée dans les cercles parisiens de l’avant-garde grâce aux publications sur ses premiers bâtiments précurseurs ainsi qu’à la première parution de son célèbre essai Ornement et Crime en juin 1913 dans la revue Les Cahiers d’aujourd’hui (traduit par Marcel Ray). Étant donné que « Vienne la rouge » (gouvernement municipal social-démocrate de 1919 à 1933) refuse de mettre en œuvre les projets architecturaux de Loos pour la construction de logements communaux et que l’activité de construction privée en Autriche est réduite à son minimum, il commence à se rendre de plus en plus souvent en France à partir de 1920. Entre 1922 et 1923, il réside sur la Côte d’Azur et adapte son concept de maison en terrasse à l’atmosphère méditerranéenne de nouveaux projets d’immeubles résidentiels et d’hôtels, tels que le Grand Hôtel Babylon à Nice, un ensemble de vingt villas avec jardins sur les toits, ainsi qu’une villa destinée à Paul Verdier. Son projet d’hôtel situé dans une pinède de la Côte d’Azur est présenté en 1931 dans la revue L'Architecture d'aujourd'hui.

En 1923, Loos s’installe chez le musicien autrichien Jan Śliwinski (Hans Effenberger) au 20 quai d’Orléans à Paris. Celui-ci dirige la galerie d’avant-garde « Au sacre du printemps », entre 1925 et 1929, située 5 rue du Cherche-Midi. Cette galerie a notamment accueilli la deuxième exposition surréaliste en 1928. Des artistes autrichiens y présentent leurs œuvres, comme le graphiste Heinrich Sussmann, qui a étudié à l’Académie de la Grande Chaumière et vécu en France jusqu’en 1945, avec des interruptions dues à ses voyages à Vienne et à son emprisonnement dans un camp de concentration. La fréquentation par Adolf Loos de l’avant-garde parisienne le met également en contact avec Marcel L’Herbier, Willi Baumeister, Piet Mondrian et Enrico Prampolini. En 1925, il habite au 42 rue de Rivoli, chez Erwin Rosenberg, pour lequel il dessine un projet de maison avenue Junot à Montmartre, qui ne sera pas réalisé. Entre 1926 et 1928, Loos réside au 101 rue de la Boétie et à l’hôtel Californie, situé au 16 rue de Berri. Parmi les projets réalisés à Paris, il dessine les plans de la maison du poète dadaïste Tristan Tzara en 1925-1926, située au 15 avenue Junot, en collaboration avec Zlatko Neumann, Heinrich Kulka, Jean Welz et Walter Loos. Il construit également la filiale parisienne du magasin viennois de vêtements pour hommes Kniže au 146 avenue des Champs-Élysées. En 1927, Loos conçoit pour la célèbre danseuse américaine Joséphine Baker une maison parisienne avec piscine qui n’a finalement pas été réalisée.
Art Déco et néoplasticisme



En 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes suscite un grand intérêt à Paris, attirant de nombreux architectes et designers du monde entier. En raison des tensions politiques de l’après-guerre, le gouvernement français organisateur n’a pas convié l’Allemagne à participer à cet événement, tandis que les États-Unis ont décliné l’invitation, arguant par la voix du secrétaire au commerce Herbert Hoover qu’ils ne possédaient pas de scène de design moderne. L’Autriche présente un pavillon national remarqué ainsi que de nombreux objets exposés dans d’autres sections. Le pavillon, conçu par Josef Hoffmann et préfabriqué à Vienne, a été acheminé à Paris par train et monté sur place (en partie sur une terrasse surplombant la Seine). En plus des espaces dédiés à l’art et à l’artisanat, il propose une « Maison de verre » de Peter Behrens, une « Tour d’orgue » d’Oskar Strnad et un café conçu par Josef Frank. Au Grand Palais, on peut voir deux autres contributions autrichiennes : les installations d’Oswald Haerdtl (architecture d’Autriche) et de Friedrich Kiesler (théâtre d’Autriche) présentent des dispositifs d’exposition avant-gardistes, nettement inspirés du néoplasticisme du mouvement De Stijl autour de Piet Mondrian et Theo van Doesburg. L’exposition consacrée à l’architecture présente des maquettes, des tableaux et des plans d’architectes établis (comme le Palais Stoclet de Josef Hoffmann à Bruxelles) et d’élèves de l’École des arts appliqués de Vienne[5].
L’exposition dédiée au théâtre de Friedrich Kiesler met quant à elle en avant des projets de décors et des maquettes avant-gardistes au sein d’une structure suspendue constituée de tasseaux de bois et de plateformes aux couleurs primaires. Cette installation, présentée au Grand Palais, est en même temps le modèle d’une ville futuriste flottant librement dans l’espace (« Cité dans l’espace »). Kiesler publie un manifeste à ce sujet dans la revue De Stijl. Après l’exposition des arts décoratifs de 1925, il décide de rester à Paris, comptant y trouver de meilleures opportunités professionnelles qu’à Vienne en raison des succès de l’avant-garde internationale (pavillons de Le Corbusier et de Konstantin Melnikow). Kiesler entretient notamment des contacts avec Fernand Léger et Theo van Doesburg, avec lequel il partage une amitié étroite. En 1926, il s’installe avec sa femme Stefi à New York, à l’invitation du magazine d’avant-garde new-yorkais Little Review. D’août à octobre 1930, le couple Kiesler séjourne à nouveau à Paris afin de renouveler ses visas pour les États-Unis. En 1947, l’architecte se rend également à Paris pour organiser une exposition sur les surréalistes.
Le cercle autour de Le Corbusier


En 1922, l’architecte arménien-iranien Gabriel Guévrékian, qui a étudié de 1915 à 1919 à l’École des arts appliqués de Vienne auprès d’Oskar Strnad et de Josef Frank, puis a travaillé de 1919 à 1923 pour Josef Hoffmann, s’établit à Paris. Architecte cosmopolite, il s’associe immédiatement à l’avant-garde autour de Le Corbusier, André Lurçat et Sigfried Giedion. De 1922 à 1926, il travaille avec Robert Mallet-Stevens sur les bâtiments conçus par ce dernier dans la rue du même nom, située dans le XVIe arrondissement. Mallet-Stevens est le neveu de Suzanne Stevens, épouse du banquier et industriel belge Adolphe Stoclet. C’est pour cette famille que Josef Hoffmann a construit son célèbre Palais Stoclet à Bruxelles en 1906-1911 avec des artistes de la Wiener Werkstätte. Grâce à son impact significatif sur Mallet-Stevens et le couturier Paul Poiret, Hoffmann a exercé une influence majeure sur l’Art déco parisien. Pour la villa Noailles à Hyères, conçue par Mallet-Stevens, Guévrékian dessine un jardin cubiste composé de parterres orthogonaux et de carrés maçonnés colorés. À partir de 1928, à la demande de Le Corbusier, il devient secrétaire général des Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM). En 1929-1932, il réalise sa maquette de maison double sur pilotis pour la Werkbundsiedlung de Vienne.
Jean (Hans) Welz, qui a également étudié à l’École des arts appliqués de Vienne et travaillé aux côtés de Josef Hoffmann, prend part en 1925 à l’Exposition internationale des Arts décoratifs.

Il travaille ensuite pour Adolf Loos sur la maison de Tristan Tzara ainsi que pour l’architecte parisien Raymond Fischer. Il fréquente les cercles d’avant-garde autour de Robert Mallet-Stevens et admire Le Corbusier. En 1933, il conçoit, en respectant rigoureusement les principes de planification de ce dernier, une étroite maison d’habitation sur pilotis, située sur une pente abrupte et offrant une large vue sur Paris. Le maître d’ouvrage de la maison, située au 70 rue Georges Lardennois dans le XIXe arrondissement de Paris (Buttes-Chaumont), est l’ingénieur grec Athanase Zilveli. Malgré les pétitions des amateurs d’architecture, elle a été démolie en 2022.
À l’automne 1929, un contact direct avec Le Corbusier se noue grâce au volontariat de trois mois du jeune architecte de Graz Herbert Eichholzer au sein du célèbre atelier du 35 rue de Sèvres. Ce dernier poursuivra l’enseignement corbuséen de manière particulièrement cohérente en Autriche en réalisant plusieurs maisons individuelles pour des familles de maîtres d’œuvre progressistes à Graz. Communiste, Eichholzer figure en 1943 parmi les victimes politiques du régime nazi.
En 1930, enfin, Jacqueline Groag (Hilde Blumberger, née Pick), qui a suivi des études à l’École des arts appliqués de Vienne avec Franz Čižek et Josef Hoffmann, se rend à Paris et fournit des échantillons de textile aux maisons de couture Chanel, Lanvin, Rodier, Elsa Schiaparelli et Paul Poiret. En 1937, elle épouse Jacques Groag, un collaborateur temporaire de Paul Engelmann et de Singer & Dicker, qui a déjà séjourné à Paris en 1926 pour participer à la conception de la maison Tzara d’Adolf Loos. Par la suite, le couple s’établit à Vienne avant de s’enfuir à Prague en 1938, puis à Londres.
Le Cercle de Vienne et l’architecture
En 1933, la revue L'Architecture d'aujourd'hui (fondée en 1930 par André Bloc et Eugène Cahen) présente dans la galerie Vignon, au 17 rue Vignon à Paris, de nombreuses œuvres emblématiques de l’architecture moderne provenant d’Autriche, de Belgique, d’Espagne, de Hongrie, d’Italie, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie. Concernant l’Autriche, les visiteurs peuvent voir des œuvres d’Otto Wagner, de Josef Hoffmann, Josef Frank, Lois Welzenbacher et d’Adolf Loos, ainsi que plusieurs bâtiments de lotissements viennois. Le musée viennois de la société et de l’économie, fondé en 1924 par Otto Neurath, un membre influent du Cercle de Vienne autour de Moritz Schlick, participe à l’organisation de l’exposition.
Fauvisme, cubisme, Nouvelle Objectivité
Outre les architectes et les designers, de nombreux peintres autrichiens ont vécu et travaillé en France durant l’entre-deux-guerres. Comme avant la Première Guerre mondiale, il est possible d’identifier différents regroupements. L’un d’eux se compose des artistes proches du Hagenbund viennois. Les peintres de ce cercle partagent des conceptions artistiques s’apparentant au fauvisme, au cubisme et à la Nouvelle Objectivité. À partir de 1921, Willy Eisenschitz, membre correspondant du Hagenbund en 1930, vit pendant des années en Provence et à Paris, où il a fait ses études en 1912-1914. Il survit à l’occupation allemande en se cachant dans le sud de la France. De 1923 à 1925, Ilse Bernheimer, qui a étudié à l’École des arts appliqués de Vienne et exposé au Hagenbund, séjourne quant à elle à Saint-Tropez où elle fait la connaissance des pionniers du fauvisme Henri Matisse et Henri Manguin. Entre 1925 et 1941, le peintre Josef Floch réside à Paris et expose à la prestigieuse galerie Berthe Weill, au 50 rue Taitbout. En 1940, il doit fuir l’occupation allemande et se réfugie en Amérique. En 1927, la peintre Lilly Steiner s’installe à Paris avec son mari Hugo, qui y dirige la filiale de vêtements pour hommes Kniže, conçue par Adolf Loos. Tous deux vivent en France jusqu’à leur mort. Viktor Tischler, pour sa part, a déjà entrepris des voyages d’études en France avant 1914. Il y vit ensuite de 1928 à 1941, puis fuit aux États-Unis. En 1929, Georg Pevetz se rend lui aussi en France et se familiarise avec les œuvres de Vlaminck et Matisse. Il y reviendra en 1940 en tant qu’officier d’occupation. L’un des artistes autrichiens les plus engagés dans le mouvement cubiste est le peintre originaire de Graz, Ernst Paar, qui vit à Paris de 1930 à 1933. Son ami Hans Stockbauer y poursuit ses études de 1929 à 1930, réalisant lui aussi des œuvres cubistes. Albert Reuss, qui séjourne pendant un an à Cannes en 1930, est également l’auteur de tableaux cubistes-expressifs. La même année, la jeune artiste émailleuse et peintre de la Nouvelle Objectivité Franziska Zach s’installe dans un atelier à Paris. Elle y prépare une exposition personnelle, interrompue par son décès prématuré. De 1931 à 1933, Eduard Bäumer habite à Paris, où il est influencé par le cubisme et la peinture de la Nouvelle Objectivité. Les peintres du Hagenbund Theo Fried, Karl Josef Gunsam, Theodor Kern, Robert Kohl, Viktor Planckh, Frieda Salvendy, Otto Rudolf Schatz, Ferdinand Stransky et Fritz Schwarz-Waldegg, marqués eux aussi par ces divers mouvements artistiques, passent également chacun quelques mois à Paris durant l’entre-deux-guerres.
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Willy Eisenschitz, L'Estaque, 1928
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Lilly Steiner, Portrait de Fernande Olivier, 1934
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Viktor Tischler, Marseille, vers 1925
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Ernst Paar, Nature morte avec cruche, 1934
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Hans Stockbauer, Nature morte, vers 1930
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Franziska Zach, Paris-Belleville, 1930
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Eduard Bäumer, Nature morte aux melons, 1931
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Fritz Schwarz-Waldegg, Rue à Paris, vers 1930
Courants expressifs
Oskar Kokoschka et Herbert Boeckl, les deux figures emblématiques de la peinture expressionniste autrichienne de l’entre-deux-guerres, ne voient pour leur part guère d’opportunités de carrière en France et ne s’y rendent que pour des séjours relativement courts. Kokoschka a séjourné à Paris lors de ses longs voyages à travers l’Europe en 1924 et 1930-1931. C’est là, par exemple, qu’il a réalisé son tableau de l’Opéra Garnier en 1924. En 1931, le peintre présente une exposition individuelle chez Georges Petit, au 8 rue de Sèvres. Pour sa part, Herbert Boeckl bénéficie d’un contrat avec le marchand d’art viennois Gustav Nebehay, qui lui permet de passer un séjour d’étude d’environ quatre mois à Paris au printemps 1923, où il réalise des croquis inspirés des maîtres anciens au Louvre et peint les fortifications de la porte de Gentilly.
Comme Boeckl, Jean Egger est originaire de Carinthie. Il réside à Paris entre 1924 et 1931 et réussit, avec l’aide de son camarade d’études et ami munichois Arne Bjørnson-Langen, à s’établir dans les cercles d’avant-garde autour du frère de Le Corbusier, le pédagogue de la danse Albert Jeanneret, et de la galerie Au sacre du printemps. Ses paysages dynamiques aux touches épaisses et ses portraits de personnalités célèbres, rencontrées dans le cercle de Sophie Szeps-Clemenceau, sont exposés au Salon des Artistes Indépendants, au Salon des Tuileries, au Salon du Franc et à la Galerie Louis (Lewis) Sloden, située au 43 rue du Faubourg Saint-Honoré. Le peintre originaire de Graz, Wilhelm Thöny, effectue son premier voyage à Paris en 1929, où il s’établit ensuite de 1931 à 1938, tout en séjournant également sur la Côte d’Azur. Au sein des cafés artistiques parisiens, il consigne dans ses journaux divers portraits de Pablo Picasso ainsi que de ses amis. En 1938, il s’installe à New York. De 1929 à 1934, le peintre expressionniste viennois Sylvain Vigny vit lui aussi à Paris, avant de s’établir à Nice, où il vivra principalement jusqu’à sa mort en 1970. Erich Schmid, originaire de Vienne, s’inscrit également dans le courant de la peinture expressive. Il fuit à Paris en 1938 et est interné avec son ami Jean Améry au camp de Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques, de 1940 à 1942. En 1945, il vit à Paris jusqu’à son suicide en 1978.
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Oskar Kokoschka, Opéra de Paris, 1924
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Herbert Boeckl, Fortificationen de Paris, 1923
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Jean Egger, Sophie Szeps-Clemenceau, 1925
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Wilhelm Thöny, Paris, Île de la Cité I, 1929
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Erich Schmid, Montmartre, 1972
Surréalisme et dadaïsme



Parmi les artistes marqués par le surréalisme, Edgar Jené, Wolfgang Paalen et Raoul Hausmann se distinguent particulièrement. Tous ont passé une partie significative de leur existence en Autriche, mais ils ont aussi résidé pendant plusieurs années à Paris durant l’entre-deux-guerres. Edgar (Erhard) Jené, originaire de Sarrebruck, étudie ainsi à Paris de 1924 à 1928 à l’École nationale des Beaux-arts, à l’Académie Julian et à l’Académie de la Grande Chaumière, avant de retourner vivre en Sarre de 1928 à 1935. Il est l’un des rares artistes allemands à avoir fui le régime nazi non pas vers l’ouest, mais vers l’Autriche. Avant et après 1945, il joue un rôle majeur en tant que médiateur du surréalisme en Autriche, d’abord dans la clandestinité. En 1950, il retourne à Paris, où il entretient des relations étroites avec le cercle d’André Breton. En 1965, il s’installe à La Chapelle-Saint-André où il décède en 1984. Le peintre viennois Wolfgang Paalen vit pour sa part à Paris de 1934 à 1939. Il étudie brièvement auprès de Fernand Léger avant de rejoindre le groupe Abstraction-Création en 1934-1935, puis les surréalistes juste après. En 1936, il présente ses œuvres à la galerie Pierre Loeb, 13 rue Bonaparte, et organise en 1937-1938, aux côtés de Marcel Duchamp, Man Ray et Salvador Dalí, l’Exposition Internationale du Surréalisme à la galerie Beaux Arts, située au 140 rue du Faubourg Saint-Honoré. En 1939, Paalen se rend au Mexique, puis réside de nouveau à Paris de 1951 à 1954 où il expose à la galerie Pierre ainsi qu’à la galerie Galanis-Hentschel. Il passe les dernières années de sa vie au Mexique jusqu’à son suicide en 1959. Raoul Hausmann, enfin, vit à Vienne jusqu’à l’âge de quinze ans, avant de rejoindre Berlin avec sa famille et de cofonder le groupe Dada de Berlin en 1918. En 1933, il fuit l’Allemagne et traverse plusieurs pays avant d’arriver à Paris, où il réalise certaines de ses séries de photos les plus connues vers 1938. Il vit à Limoges jusqu’à sa mort en 1971.

Photographie
Madame d’Ora (Dora Kallmus) a elle aussi été une pionnière de la photographie artistique. De 1907 à 1927, elle dirige avec succès un atelier de portraits et de photos de mode à Vienne, comptant parmi ses clients de nombreux artistes et intellectuels de renom, et même la famille du dernier empereur Charles Ier. En 1925, elle ouvre un deuxième atelier à Paris, où elle réalise des portraits de Maurice Chevalier, Joséphine Baker, Tamara de Lempicka, Fritzi Massary, Marlene Dietrich et Coco Chanel, entre autres. En 1940, elle se réfugie dans le sud de la France, où elle survit en se cachant. En 1946, elle retourne en Autriche. Entre 1949 et 1957, elle se rend à plusieurs reprises à Paris, où elle réalise entre autres des portraits de Picasso et une célèbre série de photos des abattoirs d’Ivry et de la rue Brancion. En 1958, Jean Cocteau prononce le discours d’ouverture de son exposition à la galerie Montaigne à Paris.
Artistes autrichiens en France de 1933 à 1938

L’« autodissolution » du Parlement le 4 mars 1933 ainsi que la mise en place de la dictature du chancelier Engelbert Dollfuß (communément désignée par les termes « Ständestaat » ou « austrofascisme ») entraîne un changement de système politique en Autriche. Par ailleurs, la « prise de pouvoir » des nationaux-socialistes allemands en janvier 1933 a des répercussions directes sur les relations culturelles austro-françaises. En effet, l’Autriche se trouve désormais confrontée à la menace croissante d’un « rattachement » forcé à l’Allemagne et cherche à se rapprocher des puissances protectrices que sont l’Italie et la France. C’est dans ce contexte qu’un accord culturel franco-autrichien est signé le 2 avril 1936. Il donne lieu à l’organisation de nombreuses expositions d’art français en Autriche et d’art autrichien en France. Les deux événements parisiens les plus importants dans ce cadre sont l’Exposition d’art autrichien et la participation de l’Autriche à l’Exposition Internationale des Arts et Techniques dans la Vie Moderne.
L’Exposition d’art autrichien est organisée par un comité officiel de premier plan, composé d’experts et de personnalités politiques sous la direction d’Alfred Stix[6], directeur du Kunsthistorisches Museum de Vienne. Elle se déroule de mai à juin 1937 au musée du Jeu de Paume, parallèlement à l’Exposition universelle de Paris. L’exposition est présentée sur deux niveaux : le rez-de-chaussée est dédié à l’art du Moyen Âge au XIXe siècle, tandis que l’étage supérieur met en lumière l’art moderne et les arts décoratifs. La partie plus récente expose des œuvres de tous les grands noms de l’art moderne autrichien, de Gustav Klimt à des artistes ayant vécu ou vivant à Paris, comme Jean Egger. L’ambassadeur d’Autriche à Paris se montre satisfait du succès de l’exposition, comme en témoigne le nombre élevé d’articles publiés dans la presse.
Le pavillon autrichien de l’Exposition Internationale des Arts et Techniques dans la Vie Moderne (25 mai - 25 novembre 1937) a pour sa part été conçu par Oswald Haerdtl. Élève d’Oskar Strnad à l’École des arts appliqués de Vienne, celui-ci est aussi un collaborateur et partenaire de longue date du bureau d’architecture dirigé par Josef Hoffmann. En 1925, il participe pour la première fois aux manifestations artistiques internationales de l’Autriche en organisant une exposition d’architecture inspirée du néoplasticisme au Grand Palais. Le pavillon autrichien de 1937 est conçu comme une vitrine surdimensionnée reposant sur de fins supports. À travers cette réalisation, qui évoque l’idée d’architecture « flottante » de Le Corbusier, enrichie d’un photomontage en grand format de Robert Haas représentant un panorama alpin, l’Autriche se positionne aussi bien comme une destination culturelle que touristique. Les projets d’infrastructure de la route alpine du Großglockner, ouverte en 1935, et de la Wiener Höhenstraße jouent également un rôle important dans ce contexte. De nombreux artistes autrichiens se rendent à nouveau à Paris pour le montage et la visite de cette exposition, suivis pour la plupart de séjours de travail dans la capitale. Herbert Boeckl, par exemple, réalise à cette occasion de nouveaux tableaux urbains de Notre-Dame et de la place de la Concorde.


Au cours des années précédant la Seconde Guerre mondiale, il faut noter l’arrivée à Paris des peintres Kurt Weber, Greta Freist[7] et Gottfried Goebel, ainsi que des architectes Margarete Schütte-Lihotzky et Wilhelm Schütte. En 1934, Weber étudie à l’Académie de la Grande Chaumière, il fait alors la connaissance de Delaunay et de Léger, puis retourne à Graz en tant que peintre cubiste. Freist et Goebel ont étudié à l’Académie de Vienne et se rendent à Paris en 1937, où ils exposent au Salon d’automne et au Salon des indépendants. Freist, qui crée au départ des tableaux alliant réalisme et magie, se tourne ensuite vers le surréalisme avant d’évoluer vers l’abstraction après 1945. Elle réside à Paris jusqu’à son décès en 1993. Le couple Schütte (-Lihotzky) a travaillé pour sa part de 1930 à 1937 avec un groupe d’architectes autour de l’urbaniste de Francfort Ernst May, notamment sur des projets d’écoles et de jardins d’enfants destinés à la ville industrielle soviétique de Magnitogorsk. À la suite de l’expiration de leurs passeports et du non-renouvellement de leurs contrats de travail, ils quittent la Russie pour arriver à Paris au début de 1938. Ils y collaborent avec Pierre Forestier et Tibor Weiner, avant de partir pour Istanbul en juin 1938.
Artistes autrichiens en France de 1938 à 1945
Après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie le 13 mars 1938, un grand nombre de juifs ainsi que des personnes persécutées pour des motifs politiques fuient Vienne pour se réfugier à Paris. Certains artistes juifs s’exilent rapidement vers l’Angleterre ou l’Amérique, tandis que d’autres restent en France jusqu’à l’invasion allemande en juin 1940. Le marchand d’art Otto Kallir (né Nirenstein), fervent défenseur de l’art moderne et contemporain au sein de sa Neue Galerie et de sa maison d’édition, organisateur de nombreuses expositions (notamment au Hagenbund), s’enfuit lui aussi à Paris en 1938. Au printemps 1939, il inaugure la galerie Saint-Étienne au 40 rue du Faubourg-Saint-Honoré, nommée en hommage à l’emplacement de sa galerie viennoise située près de la cathédrale Saint-Étienne. À partir du 9 juin 1939, Kallir présente à Paris l’exposition « Jean Egger - peintre-symphoniste ». Pierre Mornand, rédacteur en chef de la revue Le courrier graphique, contribue à la rédaction d’un bref texte pour le carton d’invitation. Kallir conserve cet emplacement parisien pendant à peine un an avant d’ouvrir en 1939 la galerie St. Étienne à New York, où il réside à partir de 1940.
Entre le début du conflit, le 1er septembre 1939, et l’occupation allemande du nord de la France consécutive à l’armistice du 22 juin 1940, il devient impossible pour les artistes de s’y rendre ou même d’y trouver refuge, en raison des opérations militaires en cours.

Entre 1939 et 1942, les artistes juifs autrichiens qui se sont déjà installés à Paris ou qui s’y étaient réfugiés après l’Anschluss tentent de trouver refuge en zone libre ou encore en Angleterre et aux États-Unis. Cependant, la zone libre ne garantit aucune sécurité, puisque le régime de Vichy y livre les juifs à l’Allemagne. Un exemple est celui du graphiste Bil Spira, également connu sous le nom de Willi Freier, qui a fui Vienne en 1938 pour se rendre Paris, puis à Marseille en 1939, où il a travaillé comme faussaire de passeports au service de Varian Fry. Trahi par un informateur en 1941, il est emprisonné successivement au Vernet, à Auschwitz et à Buchenwald jusqu’en 1945, avant de rentrer en France où il décède en 1999.
En novembre 1942, la zone libre est également occupée par l’armée allemande, entraînant de nouveau la fuite des juifs et des personnes persécutées pour des motifs politiques, le plus souvent en passant par l’Espagne neutre du dictateur Franco. Cependant, entre 1940 et la libération de Paris le 25 août 1944, des artistes autrichiens appartenant à l’armée allemande ou entretenant de bonnes relations avec les autorités d’occupation peuvent effectuer des séjours d’études et de travail dans la capitale ou sur les côtes atlantique et méditerranéenne. Ainsi, en 1943-1944, Gerhild Diesner étudie avec le soutien d’un collaborateur de l’Organisation Todt à Paris chez André Lhote et à l’Académie de la Grande Chaumière. Elle entreprend également des voyages notables dans le sud de la France, sur les traces de Van Gogh et Gauguin. Le peintre Georg Pevetz, de son côté, est officier dans l’armée allemande et peut se consacrer à la peinture de paysage pendant les périodes où il n’est pas en service.
Artistes autrichiens en France de 1945 à 1995
Avec la fin de la guerre le 8 mai 1945 et le rétablissement de la République d’Autriche, les conditions générales des relations culturelles entre l’Autriche et la France connaissent un changement radical. Le Tyrol et le Vorarlberg deviennent une zone d’occupation française jusqu’en 1955. La politique artistique engagée du général Marie Émile Antoine Béthouart, l’un des quatre hauts commissaires alliés en Autriche de 1946 à 1950, encourage les voyages d’études de nombreux jeunes artistes en direction de la France.
Le 15 mars 1947, l’accord culturel franco-autrichien de 1936 est renouvelé et élargi. De 1947 à 1958, l’historien de l’art Maurice Besset dirige le nouvel Institut français d’Innsbruck, qui fait découvrir la modernité française à de nombreux jeunes artistes tyroliens, parmi lesquels figure Oswald Oberhuber. Un Institut culturel français ainsi qu’un Lycée français sont également fondés à Vienne. En 1952, ces deux établissements s’installent dans le palais Clam-Gallas et dans un nouveau bâtiment situé dans son parc. Les diverses activités proposées par ces institutions culturelles françaises incitent également de nombreux jeunes Autrichiens à se rendre en France.
Tout comme en 1900 et durant l’entre-deux-guerres, de nouveaux « ismes » se succèdent sur la scène artistique parisienne, s’affirmant comme des courants artistiques momentanément dominants. Après le surréalisme, au sein duquel André Breton, en tant que porte-parole, reçoit la visite de quelques jeunes artistes autrichiens en quête de reconnaissance, c’est la peinture gestuelle et abstraite qui suscite le plus d’attention vers 1950, sous l’appellation d’Informel. Ce courant est ensuite remplacé par le Nouveau Réalisme vers 1960.
Surréalisme et réalisme fantastique



Après la guerre, plusieurs artistes autrichiens, tels que Lilly Steiner, Greta Freist et Gottfried Goebel, qui se sont déjà établis à Paris avant le conflit, continuent à y vivre. De manière indirecte, les échanges artistiques entre l’Autriche et la France sont ravivés par la colonie d’artistes installée à New York : Marcel Duchamp y noue une amitié avec l’exilé autrichien Friedrich Kiesler, qui a quitté Paris pour New York en 1926 et a temporairement séjourné chez lui. André Breton vit également en exil à New York de 1941 à 1946 et sollicite en 1945 Kiesler, désormais surréaliste, pour concevoir le graphisme de son Ode à Charles Fourier. Cela conduit à la première grande manifestation d’un artiste autrichien en exil à Paris après 1945 : Kiesler réalise l’exposition « Le Surréalisme en 1947 » à la galerie Maeght, située au 13 rue de Téhéran, présentant des dispositifs aux couleurs vives ainsi que des objets sculpturaux symboliques tout au long d’un parcours initiatique aux accents surréalistes.
Bientôt, de jeunes peintres viennois se rendent à Paris sur les traces du surréalisme. Entre 1950 et 1960, Friedensreich Hundertwasser (Fritz Stowasser) réside en France, où il fréquente les futurs artistes du Nouveau Réalisme autour du critique Pierre Restany. En 1975, il bénéficie d’une exposition personnelle au musée national d’Art moderne. En 1950, Ernst Fuchs arrive également à Paris, où il demeure jusqu’en 1962. À l’instar de Hundertwasser, il rattrape, durant cette période, les voyages à travers l’Europe dont cette génération d’artistes a été privée pendant la guerre. Arik Brauer et Maître Leherb (Helmut Leherbauer) constituent d’autres figures du réalisme fantastique qui ont passé plusieurs années à Paris dès les années 1950. En mai 1956, la peintre réaliste fantastique viennoise Reny Lohner présente ses œuvres à la galerie Allard à Paris. Le compositeur Henri Sauguet rédige la préface du catalogue de l’exposition.
Pérennité du modernisme classique

Outre le surréalisme, de nombreux autres courants et tendances du modernisme classique continuent de s’épanouir au sein de la vie artistique parisienne qui se caractérise par sa grande diversité après 1945. Cela inclut, par exemple, la peinture et la sculpture cubistes, la photographie de reportage ainsi que divers styles individuels qui ne peuvent être classés dans aucun courant dominant.
En 1948, la première exposition personnelle d’un artiste autrichien se tient dans l’un des musées nationaux français les plus prestigieux. Il s’agit du sculpteur Fritz Wotruba, qui a fui Vienne en 1938 avec son épouse juive pour se réfugier en Suisse et qui est revenu en 1945 en tant que professeur à l’Académie des beaux-arts de Vienne sous la direction du recteur Herbert Boeckl. C’est au musée national d’Art moderne, fondé en 1937 sous la direction de Jean Cassou au Palais de Tokyo, qu’il présente ses sculptures caractéristiques, qui semblent être composées de cubes.
En 1949, la journaliste allemande Inge Morath, qui travaille à Salzbourg et à Vienne depuis 1945, arrive à Paris. Elle rédige d’abord des textes pour l’agence Magnum avant de passer à la photographie et de fournir des photos à Paris Match et Vogue à partir de 1953. En 1962, elle épouse l’écrivain américain Arthur Miller et vit ensuite principalement aux États-Unis.
La peintre viennoise Trude Waehner[8], quant à elle, qui a étudié à l’École des arts appliqués de Vienne et au Bauhaus de Dessau, et a fait partie du comité directeur du Werkbund autrichien, acquiert en 1950 une maison dans le village de Dieulefit, situé dans le sud de la France, à 90 km au nord d’Avignon. De nombreux autres artistes y ont vécu avant et pendant la guerre, dont le peintre autrichien Willy Eisenschitz. L’ancien professeur de Waehner, l’architecte Josef Frank, qui vit depuis 1934 en Suède et aux États-Unis, lui rend souvent visite. C’est là qu’il réalise des aquarelles et peint des projets de maisons multicolores qui s’opposent de manière programmatique aux dogmes de l’International Style.
En 1950-1951, le sculpteur viennois Josef Pillhofer étudie pour sa part chez Ossip Zadkine à l’Académie de la Grande Chaumière à Paris. En 1951-1952, c’est le jeune peintre salzbourgeois Rudolf Hradil qui se forme auprès de Fernand Léger grâce à une bourse d’études en France. Le style cubiste de Léger est très perceptible dans ses premières toiles.
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Inge Morath, Miss Eveleigh Nash, London, 1953
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Trude Waehner, Josef Frank, 1950er Jahre
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Josef Pillhofer, La Cycliste, 1951
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Rudolf Hradil, Nature morte à la corbeille de mais, 1951
Informel, Tachisme, Expressionnisme abstrait, ZERO
En 1951, la peintre Maria Lassnig et le peintre Arnulf Rainer se rendent également à Paris depuis Klagenfurt. Leur aspiration à s’engager dans le mouvement surréaliste a émergé au sein d’un cercle d’artistes carinthiens réunis autour de Max Hölzer, qui, en collaboration avec Edgar Jené, a édité des publications surréalistes. Lassnig et Rainer présentent leurs travaux à André Breton, mais cela n’entraîne pas de répercussions significatives. Ils en profitent néanmoins pour visiter l’exposition « Véhémences confrontées », organisée en mars 1951 à la galerie Nina Dausset (galerie Dragon), 19 rue du dragon. Les œuvres abstraites de Bryen, Capogrossi, Hartung, de Kooning, Mathieu, Pollock, Riopelle, Russel et Wols, qui y sont présentées, illustrent l’évolution des principes créatifs du surréalisme vers une peinture gestuelle libre. Ces nouvelles tendances dominent rapidement la scène artistique occidentale sous les termes d’Informel, de tachisme et d’expressionnisme abstrait. Après ses trois voyages en France en 1951, Lassnig réside pleinement à Paris de 1961 à 1968, avant de s’établir à New York.
Dans les années 1950, de nombreux autres artistes autrichiens désireux de découvrir les dernières tendances se rendent à Paris. En 1952-1953, le futur artiste concret Marc Adrian étudie dans la classe d’Ossip Zadkine à l’Académie de la Grande Chaumière. Entre 1954 et 1960, Hans Staudacher séjourne lui aussi à plusieurs reprises dans la capitale. Il est si bien intégré dans le monde de l’art local qu’il lui arrive de représenter la France lors d’expositions internationales. En 1957, Markus Prachensky se rend également à Paris pour participer à une exposition à la galerie Arnaud. Dans la revue Art d’aujourd’hui, Pierre Guéguen établit une comparaison entre ses tableaux et ceux de Hans Hartung sous le titre « Le Rouge et le Noir - ou Stendhal tachiste ». En 1958, Prachensky effectue un nouveau séjour de travail à Paris. L’artiste carinthienne Kiki Kogelnik y vit également en 1958-59. C’est là qu’elle fait la connaissance du peintre américain Sam Francis, avec lequel elle s’installera aux États-Unis en 1961.
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Maria Lassnig, Informel, 1951
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Arnulf Rainer, Centralisation, 1951
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Marc Adrian, K3, 1961
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Hans Staudacher, Vienne-Paris, 1957
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Markus Prachensky, Liechtenstein, 1956-57
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Kiki Kogelnik, Sans titre, 1957

Le peintre, architecte, artiste d’objets et designer Hans Bischoffshausen entre pour sa part en contact avec les stratégies minimalistes du groupe ZERO par le biais de l’artiste Lucio Fontana. En 1959, il s’installe à Paris où il aménage un espace pour lui et sa famille dans une ancienne manufacture désaffectée, au 93 rue de la Glacière, pour en faire un atelier-logement. En 1962, la petite colonie d’artistes de la Glacière doit certes déménager, afin de faire place à un nouvel immeuble d’habitation, mais la municipalité loue à la famille Bischoffshausen un autre appartement situé juste à côté, au 75 boulevard Auguste Blanqui. Un an plus tard, Bischoffshausen s’établit à la galerie Weiller, 5 rue Gît-le-coeur, avec une exposition individuelle qui sera suivie de nombreuses autres expositions personnelles. Ses aménagements d’espaces libres, ses reliefs en béton ainsi que ses vitraux colorés sur des bâtiments publics comptent parmi les plus subtils du genre en France. Bischoffshausen réalise ainsi deux murs en relief en béton pour le conservatoire de Grenoble (1964-1968), des murs en relief en verre pour un groupe Scolaire à Épinay-sur-Seine (1967-1968) et d’importants aménagements extérieurs avec des reliefs en béton au Lycée Jeanne d’Arc à Rouen (1971-1974). À la manufacture de porcelaine de Sèvres, à l’invitation du directeur Serge Gauthier, il crée en 1965-1968 de nombreux reliefs en céramique conçus comme des prototypes pour des sculptures architecturales, qui ne trouveront cependant pas d’utilisation au sein du programme artistique dans les constructions publiques et ne seront jamais produits en série. Des prototypes de coupes et de vases en céramique sont toutefois réalisés à Sèvres et connaissent un certain succès lors de l’aménagement de plusieurs bâtiments d’ambassades de France à l’étranger. En 1971, Bischoffshausen retourne dans sa ville natale de Villach.
Architecture

Le retour des architectes autrichiens à Paris s’effectue de manière progressive après 1945. Un grand nombre d’architectes confirmés sont alors engagés dans la reconstruction en Autriche tandis que certains étudiants privilégient les bourses Fulbright aux États-Unis. Par conséquent, la présence de l’architecture moderne et contemporaine autrichienne à Paris se limite dans un premier temps à des expositions. En 1956, le Musée pédagogique accueille l’exposition « L’architecture autrichienne contemporaine », où sont présentés des projets de reconstruction. En 1962, une modeste exposition consacrée à Adolf Loos est organisée à la maison des Beaux-arts. Enfin, au cours des années 1960, la présence de jeunes architectes autrichiens en France se renforce, leur permettant d’évoluer dans un milieu progressiste, de travailler dans des ateliers innovants ou de participer à des expositions.

Bernhard Leitner grandit dans le Vorarlberg et à Innsbruck jusqu’en 1956, où il fréquente l’Institut français. Il étudie à l’École technique supérieure de Vienne. De 1963 à 1966, il travaille dans l’Atelier interdisciplinaire d’urbanisme et d’architecture (AUA) autour de Jacques Allégret et Jean Perrottet ainsi que dans le bureau de Paul Bossard. Plus tard, il développe ses espaces sonores de renommée internationale, dont LE CYLINDRE SONORE au Parc de la Villette (1987).


En 1965, les architectes de Graz Günther Domenig et Eilfried Huth conçoivent le projet « Neue Wohnform Ragnitz ». Cinq ans après le « Tokyo Bay Plan » de Kenzo Tange, ils enrichissent le structuralisme international d’un des projets les plus aboutis de systèmes urbanistiques flexibles et extensibles, composés de grandes constructions primaires et de cellules spatiales organoïdes intégrées. Domenig et Huth en présentent avec succès une grande maquette (perdue) à Cannes en 1969, lors du Grand prix d’urbanisme et d’architecture, devant un jury éminent composé entre autres de J.B. Bakema, Jürgen Joedicke, Louis Kahn, Jean Prouvé, Karl Schwanzer, Heikki Siren et Bruno Zevi. Un modèle de reconstruction du projet a été acquis en 2001 par le FRAC Centre-Val de Loire.
L’architecte Helmut Richter, également originaire de Graz, a étudié la théorie de l’information à Los Angeles avant d’enseigner à l’École nationale supérieure des beaux-arts de 1971 à 1975. De cette expérience d’enseignement, il tire une esthétique d’ingénieur à la fois froide et précise qu’il parvient à intégrer dans l’architecture contemporaine autrichienne par le biais de son enseignement à l’Université technique de Vienne.
Après ses études à l’Université technique de Graz, le jeune architecte Dietmar Feichtinger intègre pour sa part en 1988 le bureau parisien de Philippe Chaix et Jean-Paul Morel, avant de fonder en 1993 son propre atelier, qui connaît un grand succès. Parmi ses réalisations les plus emblématiques en France figurent la passerelle Simone de Beauvoir à Paris (2004-08), les installations d’accès à la tour Eiffel (2014), un campus de l’université d’Aix-en-Provence (2015), le pont du Mont Saint-Michel (2015) ainsi que le siège de Veolia à Aubervilliers (2016).

Autour de l’an 2000, deux importants projets de musées sont réalisés en France par des architectes autrichiens, qui illustrent de manière exemplaire des positions postmodernes et déconstructivistes. En 1987, le Centre Pompidou accueille une première grande exposition d’architecture avec «Hans Hollein - métaphores et métamorphoses », renforçant ainsi la place du postmodernisme dans le discours architectural français. En 1994-1997, après avoir remporté un concours international, Hollein construit avec l’Atelier 4 de Clermont-Ferrand le musée Vulcania à Saint-Ours-Les-Roches en Auvergne. En 2001, lors du concours international pour le Musée des Confluences à Lyon, Coop Himmelb(l)au remporte le projet aux côtés du pionnier du déconstructivisme Wolf Prix. L’inauguration de cet établissement, situé au confluent du Rhône et de la Saône, a lieu en 2014.
Au cours des années 1990, les échanges culturels entre l’Autriche et la France sont considérablement facilités. L’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne en 1995 permet la liberté de circulation et d’établissement. La signature de l’accord de Schengen en 1997 entraîne la suppression des contrôles aux frontières nationales. Cette évolution favorise un rapprochement significatif des espaces culturels européens. Enfin, la mondialisation et la numérisation conduisent à une relativisation marquée de l’importance de la localisation géographique dans le domaine de la production artistique.
Références et liens externes
- ↑ https://www.academiegrandechaumiere.com/celebrites
- ↑ https://www.idref.fr/150010028
- ↑ https://www.musee-mauricedenis.fr/maurice-denis/
- ↑ https://sammlung.belvedere.at/people/2544/franz-wiegele
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Kunstgewerbeschule
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Alfred_Stix
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Greta_Freist
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Trude_Waehner
Bibliographie indicative
- Angerer, Thomas, Porpaczy, Barbara (dir.): « Ein Frühling, dem kein Sommer folgte » ? Französisch-österreichische Kulturtransfers seit 1945. Vienne : Böhlau 1999.
- Husslein-Arco, Agnes (dir.), Wien-Paris. Van Gogh, Cézanne und Österreichs Moderne, Catalogue d’exposition. Vienne : Belvedere 2007.
- Koller, Gabriele, Withalm, Gloria : Die Vertreibung des Geistigen aus Österreich. Zur Kulturpolitik des Nationalsozialismus, Catalogue d’exposition. Vienne 1985.
- Poulot, Cécile : Adolf Loos: un architecte au carrefour de l’Europe (1870-1933). Paris : Hermann 2024.
- Stadler, Friedrich, Weibel Peter, (dir.) : Vertreibung der Vernunft. The Cultural Exodus from Austria. Vienne, New York : Springer 1995.
Tirol-Frankreich. Spurensicherung einer Begegnung, Catalogue d’exposition. Innsbruck (Tiroler Landesmuseum Ferdinandeum) 1991.
Auteur
Matthias Boeckl
Traduit de l'allemand par Irène Cagneau
Mise en ligne : 07/03/2025