Richard Beer-Hofmann

De decaf-fr
Richard Beer-Hofmann, 1927

Richard Beer-Hofmann (1866–1945) est un écrivain fortement marqué à ses débuts par le contexte culturel de la Vienne de la Fin de siècle et, au fil du temps, de plus en plus intéressé par l’héritage culturel juif qui va devenir dans sa maturité sa principale source d’inspiration. Son intérêt pour la littérature française est surtout perceptible dans ses premières œuvres poétiques ou narratives, dans lesquelles on peut reconnaître l’influence d’écrivains français tels que Paul Bourget[1] ou Maurice Barrès[2], initiateurs du courant psychologique du « culte du moi », thème qui inspirera souvent les auteurs de la Jeune Vienne.

Présentation de Richard Beer-Hofmann

Richard Beer-Hofmann, fils de l’avocat Hermann Beer, est né à Vienne en 1866. Orphelin de mère, il est adopté par son oncle Alois Hofmann dont il portera le nom. Il passe son enfance et sa jeunesse principalement à Brünn (Brno) avant de poursuivre des études de droit à l’université de Vienne (1883–1890). En 1898, il épouse Pauline Anna Lissy (« Paula »), trois enfants naîtront de cette union.

Il se tourne vers la littérature à partir des années 1890 et noue de premiers contacts avec les écrivains Hermann Bahr, Arthur Schnitzler et Hugo von Hofmannsthal. Il publie d’abord des nouvelles (Novellen, 1893) ainsi que des poèmes dont le plus célèbre, « Schlaflied für Mirjam », est composé à l’occasion de la naissance de sa fille. Le bref roman Der Tod Georgs (1900) ainsi que le drame historique Der Graf von Charolais (1904) contribueront également à sa célébrité au sein de la Jeune Vienne. Il obtient en 1905 le « Volks-Schillerpreis », nouvellement créé, le prix étant attribué également aux deux frères Gerhart et Carl Hauptmann. En outre, Richard Beer-Hofmann manifeste très tôt un intérêt particulier pour l’héritage culturel juif – à l’invitation d’organisations sionistes, il se rend en Palestine en 1936 – et il travaille à partir de 1906 à la trilogie Die Historie von König David (Jaákobs Traum. Ein Vorspiel, 1918 / Der junge David. Sieben Bilder, 1933 / Vorspiel auf dem Theater zu König David, 1936), trilogie restée inachevée. À partir des années 1920, il exerce également comme metteur en scène à Vienne, Salzbourg et parfois à Berlin en collaboration avec Max Reinhardt.

En 1939, il doit quitter l’Autriche avec sa femme Paula et le couple réside brièvement à Zurich avant un départ prévu pour les États-Unis. Richard Beer-Hofmann fera finalement le voyage seul, deux semaines après le décès de sa femme à Zurich fin octobre 1939. Il s’installe à New York et dispense plusieurs conférences dans les universités de Columbia, Harvard ou Yale. Il obtient la nationalité étatsunienne en 1945 mais décède cette même année, le 26 septembre.

Beer-Hofmann, la France et la culture française

Richard Beer-Hofmann, à la différence d’autres écrivains de la Jeune Vienne (comme Hugo von Hofmannsthal ou Leopold von Andrian), ne semble pas avoir manifesté un intérêt particulier pour la culture française : il n’a pas voyagé en France et on ne trouve pas dans sa correspondance (avec Hofmannsthal, Schnitzler ou sa femme Paula) de références ou de recommandations de lecture à propos d’auteurs français. Le titre de son drame Der Graf von Charolais (1904) ne peut être interprété qu’indirectement comme un emprunt à un épisode de l’histoire de France, puisque l’auteur indique s’être inspiré du drame anglais The fatal dowry (1632), coécrit par Philipp Massinger et Nathanael Field, l’arrière-plan français n’apparaissant que dans quelques noms de lieux ou prénoms des protagonistes.

Il convient plutôt de considérer que, comme pour les autres auteurs de la Jeune Vienne, toutes ses premières œuvres (ses poèmes, ses nouvelles dont Der Tod Georgs ou encore son drame Der Graf von Charolais) ont été composées dans un contexte culturel fortement marqué par l’influence de courants littéraires venus de France et principalement diffusés auprès de ces jeunes écrivains par leur mentor Hermann Bahr. C’est en particulier à la suite et de la parution des premiers essais de Paul Bourget (dont les Essais de psychologie contemporaine, 1883) et de la publication par Maurice Barrès de sa « trilogie romanesque » intitulée Le culte du moi (Sous l’œil des barbares, Un homme libre, Le Jardin de Bérénice, 1888–1891) que se produit dans la littérature européenne la rupture avec la tradition réaliste ou le « dépassement du naturalisme » (Hermann Bahr) et que prévaut, pour cette jeune génération d’esthètes, une forme de « mystique des nerfs » (Hermann Bahr). Le jeune Hofmannsthal consacre par exemple deux essais à ces deux auteurs français (« Zur Physiologie der modernen Liebe », 1891 / « Maurice Barrès », 1891), manifestant ainsi son intérêt pour cette culture de la sensibilité, de l’exploration du moi et du solipsisme, alliant en outre psychologisme, esthétisme et décadentisme. Ce sont ici des thèmes que l’on retrouve chez Beer-Hofmann dans ses poèmes de jeunesse et en particulier dans son bref roman Der Tod Georgs, récit dans lequel le monde extérieur s’évanouit au profit d’un entrelacs de pensées, de perceptions et de sensations où se mêlent onirisme et exploration du moi à propos de la vie et de la mort.

Références et liens externes

Bibliographie

Œuvres, Correspondances

  • Beer-Hofmann, Richard : Der Graf von Charolais. Ein Trauerspiel. Éd. par Andreas Thomasberger. Paderborn : Igel Verlag Literatur 1994.
  • Beer-Hofmann, Richard : Der Briefwechsel mit Paula 1896–1937. Éd. par Peter Michael Braunwarth. Paderborn : Igel Verlag Literatur 2002.
  • Hofmannsthal, Hugo von – Beer-Hofmann, Richard : Briefwechsel. Éd. par Eugen Weber. Francfort-sur-le-Main : Fischer 1972.
  • Schnitzler, Arthur – Beer-Hofmann, Richard : Briefwechsel 1891–1931. Éd. par Konstanze Fliedl. Vienne-Zurich : Europa Verlag 1992.

Littérature critique

Auteure

Marie-Claire Méry

Mise en ligne : 27/11/2025