Moritz Hartmann

Moritz Hartmann (*15 octobre 1821 Dušnik, aujourd’hui en République tchèque, † 13 mai 1872, à Vienne) est né dans une famille de confession juive, installée à Dušnik, près de Přibram en Bohême. Ses relations avec la France sont associées à son amitié avec François Sabatier et Saint-René Taillandier[1], ainsi qu’à ses séjours à Paris et dans le sud de la France (Languedoc et Provence), ou encore en Bretagne.
Biographie
Il fréquenta d’abord le lycée de Prague pendant un an, puis le lycée des Piaristes à Mladá Boleslav (Jungbunzlau). Il commença ensuite ses études à l’Université de Prague, tenta de les poursuivre à Leipzig où, faute de passeport, il ne put rester. Il revint donc étudier à Prague de 1838 à 1841 et se lia alors avec des personnalités telles que Isidor Heller[2], Alfred Meißner et Friedrich Szarvady[3]. La revue pragoise Ost und West (1837-1848) de Rudolf Glaser publia ses premiers poèmes. Contrairement à son ami Meißner, il échoua dans ses études de médecine à cause d’un examen de mathématiques et quitta alors Prague pour Vienne où il exerça la fonction de précepteur pendant deux ans et d’où, lassé des entraves de la censure autrichienne, il gagna Leipzig au mois d’août 1844. C’est à Leipzig qu’il fit paraître en 1845, sous son nom, le recueil Kelch und Schwert [Calice et Glaive]. Hartmann n’y fut toutefois nullement à l’abri des poursuites policières et lorsque son passeport expira, redoutant une extradition, il partit pour Bruxelles et Paris et ne revint à Leipzig qu’en 1846 où il publia un nouveau recueil de poésies.
Se languissant de sa patrie, il tenta d’y retourner mais échappa de peu à une arrestation et s’enfuit à Berlin. Quand la nouvelle lui parvint que les poursuites étaient abandonnées, il rentra en Bohême où il séjourna jusqu’en octobre 1847 en partie dans la maison de ses parents ainsi qu’à Františkovy Lázně (Franzensbad) et Mariánské Lázně (Marienbad). Lorsqu’à la fin de l’année 1847 il revint à nouveau en Bohême après un court séjour à Leipzig, les poursuites policières reprirent. Ses démêlés avec la police contribuèrent à faire de lui « un martyre politique du Vormärz[4] », ce à quoi il doit en partie, selon Constantin von Wurzbach, son élection comme député de Litomĕřice (Leitmeritz) au Parlement de Francfort où il fit entendre sa voix à l’extrême gauche.

En octobre 1848, il fut envoyé avec Robert Blum[5] et Julius Fröbel[6] à Vienne pour apporter le soutien du Parlement de Francfort au soulèvement et parvint à s’enfuir à temps, contrairement à Blum, qui fut exécuté. Lorsque l’Autriche rappela ses députés de Francfort, Hartmann n’en tint pas compte, ce qui lui valut un mandat d’arrêt pour désertion. Il suivit alors plusieurs autres députés du parti démocrate à Stuttgart où il resta jusqu’à l’occupation du grand-duché de Bade par les troupes prussiennes. La Suisse l’accueillit ensuite et il y publia sa Reimchronik des Pfaffen Mauritius [Chronique rimée du prêtre Mauricius] dans laquelle il laissait éclater sa rancœur envers l’Autriche.
Après la Suisse, il redécouvrit la France et Paris et son ami, le critique d’art et traducteur germaniste François Sabatier[7] (1818–1891), l’introduisit dans les salons des mélomanes, où ses poèmes traduits en français par Sabatier et mis en musique par la femme de celui-ci, la cantatrice Caroline Ung(h)er[8], contribuèrent à le faire connaître et apprécier. Il accompagna ses amis dans leur propriété du sud de la France, à la Tour de Farges, et ce séjour lui inspira son Tagebuch aus Languedoc [Journal du Languedoc].
Hartmann rassembla également des chansons populaires provençales qu’il retravailla et publia. L’amitié qui le lia par la suite à Taillandier, professeur de langue et littérature allemandes à l’Université de Montpellier qui rendait compte régulièrement de cette littérature dans la prestigieuse Revue des Deux Mondes, fut largement à l’origine du succès que rencontra Hartmann en France. Il passa les années 1850–1852 à Paris et en Bretagne où il s’intéressa à la langue et aux chants populaires bretons.
De retour à Paris, il fut incarcéré en février 1853, soupçonné d’intriguer contre le pouvoir. Libéré dix-sept jours plus tard, il quitta la France pour l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande et se rendit en 1854, pendant la guerre de Crimée, comme correspondant pour le Kölnische Zeitung, sur les bords de la mer Noire ; puis ce furent encore des séjours alternés entre l’Allemagne, la France, l’Italie et la Suisse où il épousa en 1860 Bertha Rödiger[9], fille du propriétaire d’un établissement éducatif à Genève. Il ne revit jamais la Bohême et mourut à Vienne.
Références et liens externes
- ↑ https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/rene-taillandier-dit-saint-rene-taillandier
- ↑ https://encyclopedia.yivo.org/article/402
- ↑ https://d-nb.info/gnd/117391522
- ↑ Wurzbach 1862
- ↑ https://www.deutsche-biographie.de/118511947.html
- ↑ https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013473/2010-10-01/
- ↑ https://www.deutsche-biographie.de/116713356.html
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Caroline_Unger
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Bertha_Hartmann
Bibliographie
Œuvres de Moritz Hartmann (sélection)
- Kelch und Schwert. Dichtungen. Leipzig : Weber 1845.
- Gesammelte Werke, 10 vol., Stuttgart : Verlag der J. G. Cotta'schen Buchhandlung 1873-1874.
- Reimchronik des Pfaffen Maurizius. Francfort-sur-le-Main 1849.
- Tagebuch aus Languedoc und Provence. 2 vol. Darmstadt : Leske 1853.
Littérature critique
- Beutin, Heidi: „Der ich komm’ aus dem Hussitenlande. Tradition, Revolution und Demokratie in der Gedankenwelt von Moritz Hartmann”, in Dvořák, Johann (éd.), Radikalismus, demokratische Strömungen und die Moderne in der österreichischen Literatur, Frankfurt am Main: Peter Lang, 2003, p. 87-105.
- Knopper, Françoise: « Moritz Hartmann et le nomadisme de l’âme », in Cozic, Alain, *Knopper, Françoise (éd.), Formes et figures du déchirement. La « Zerrissenheit » dans les lettres et la pensée allemandes, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 131-152.
- Knopper, Françoise : « Moritz Hartmann et la première laïcisation dans le Midi de la France », in Jean-Paul Cahn (dir.) : Religion und Laizität in Frankreich und Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert. Stuttgart, Steiner 2008, p. 22-38.
- Laß, Hans : Moritz Hartmann. Entwicklungsstufen des Lebens und Gestaltwandel des Werkes. Hambourg : thèse 1963.
- Leclerc, Hélène : Une littérature entre deux peuples. Écrivains de langue allemande en Bohême 1815-1848, Toulouse : Presses Universitaires du Mirail, 2011.
- Pazi, Margarita: „Moritz Hartmann, der Reimchronist des Frankfurter Parlaments”, in Jahrbuch des Instituts für deutsche Geschichte, Band II, Tel-Aviv, Fakultät für Geisteswissenschaften, Forschungszentrum für Geschichte, Institut für deutsche Geschichte, 1973, p. 239-266.
- Wittner, Otto : Moritz Hartmanns Leben und Werke. Ein Beitrag zur politischen und literarischen Geschichte Deutschlands im 19. Jahrhundert, 2 vol., Prague : Calve’sche k. u. k. Hof- und Universitäts-Buchhandlung, 1906-1907.
- Wurzbach, Constantin von : Hartmann, Moritz. In : Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreich. 8. Theil. Kaiserlich-königliche Hof- und Staatsdruckerei. Wien 1862, p. 4–11.
Auteur
Hélène Leclerc
Mise en ligne : 14/10/2024