Adrienne Thomas

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Adrienne Thomas, photographiée en 1935 Franz Löwy

L’itinéraire d’Adrienne Thomas (* 24 juin 1897, Saint-Avold – † 7 novembre 1980, Vienne), figure majeure de l’humanisme et du pacifisme en Europe, entre la Moselle, l’Allemagne et l’Autriche, où elle s’installera définitivement après la Seconde Guerre mondiale, mérite largement d’être redécouvert.

Biographie

Adrienne Thomas, de son vrai nom Adrienne Hertha Strauch, issue d’une famille de la bourgeoisie juive allemande, découvre les horreurs de la guerre sur les quais de la gare de Metz où elle travaille pour la Croix-Rouge entre 1914 et 1916. Après la guerre, elle déménage à Magdebourg puis à Berlin avec son premier mari, Arthur Lesser[1], suit une formation de chant et de théâtre à Francfort, puis écrit pour différents journaux.

En 1930, son mari décède et son premier roman paraît, Katrin wird Soldat (Catherine soldat. Paris : Stock 1933). Fortement imprégné de son expérience d’infirmière et de son indignation face à la guerre et ses conséquences pour la population civile, ce roman pacifiste est rapidement traduit dans quinze langues, préfacé par Jean Giraudoux[2] pour la version française, et vendu à des millions d’exemplaires dans le monde entier. Mais l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes met fin à sa jeune carrière d’écrivain en Allemagne et Katrin est brûlé publiquement lors des autodafés de 1933.

L’engagement littéraire et politique d’Adrienne Thomas, pour autant, ne tarit pas. En 1936, son roman Katrin! Die Welt brennt (Katrin ! Le monde est en flammes. Paris : Albin Michel 1937) paraît à Amsterdam et résonne comme un avertissement fatidique devant l’imminence d’une nouvelle guerre. Adrienne Thomas s’exile tout d’abord en Suisse, puis en France et en Autriche, mais y devient rapidement la cible des nationaux-socialistes après l’Anschluss et fuit alors à nouveau vers la France. Elle se fixe d’abord à Sèvres et publie dans le Pariser Tageszeitung[3] et les Baseler Nachrichten. En mai 1940, elle est parquée avec plus de 5000 autres réfugiées allemandes et autrichiennes de la région parisienne dans le Vélodrome d’hiver, envoyée à Oloron-Sainte-Marie dans les Basses-Pyrénées, puis au camp de Gurs, d’où elle s’enfuit un mois plus tard avec deux de ses camarades. Après une étape à Dax, puis quelques semaines passées dans le petit village de Sauvagnon dans les Pyrénées-Atlantiques, elle rejoint Marseille, d’où elle réussit à quitter la France en direction des États-Unis.

Elle s’installe à New York où elle travaille comme secrétaire de la filiale européenne de la « Free Word Association » et journaliste du Free World Magazine. Parallèlement, elle poursuit ses activités littéraires, toujours fortement teintées d’une dimension autobiographique. En 1944 paraît Reisen Sie ab, Mademoiselle! (Partez, Mademoiselle !), qui s’inspire de ses années d’exil entre 1935 et 1940 et remet en question son idéal pacifiste en défendant la légitimité d’une guerre contre Hitler. C’est également à New York qu’elle se lie à Julius Deutsch. C’est lui qui l’incite à rentrer à Vienne en 1947, où ils se marient en 1950. Adrienne Thomas travaille dès lors pour le quotidien Neues Österreich et devient membre de la direction du PEN-Club.

Sa renommée lui vaut d’être récompensée par la grande médaille d’argent du mérite de la ville de Vienne en 1969, puis par l’obtention du titre de Professeur en 1973. À sa mort, elle obtient une tombe honorifique au cimetière de Grinzing.

Références et liens externes

Bibliographie

  • Gandebeuf, Jacques : Adrienne Thomas, le fantôme oublié de la gare de Metz. Marly : éd. Serpenoise 2009.
  • Metzger, Denis : Les origines et les attaches mosellanes d’Adrienne Thomas (1887–1980). Metz : Académie Nationale de Metz 1988.
  • Rohlf, Sabine : Zuhause war ich nur noch an irgend einem Schreibtisch. Autobiografie, Exil und Autorschaft in Texten von Irmgard Keun und Adrienne Thomas. In : Claus-Dieter Krohn (dir.) : Autobiografie und wissenschaftliche Biografik. Munich : Ed. Text und Kritik 2009, p. 128–149.
  • Thomas, Adrienne : Het venster aan de Eastriver. Amsterdam : Allert de Lange 1947 ; Ein Fenster am East River. Vienne : Alpenverlag vers 1950.

Auteur

Lucile Dreidemy

Mise en ligne : 21/03/2025