Leopold von Andrian

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[[File: ||thumb| ]] Leopold von Andrian (* 9 mai 1875, à Vienne, † 19 novembre 1951 à Fribourg, Suisse) est un écrivain autrichien dont la célébrité est principalement liée à la publication, en 1895, de l’ouvrage Le Jardin de la connaissance (Der Garten der Erkenntnis), bref opus narratif qui suscite alors l’admiration de son ami Hugo von Hofmannsthal. Issu d’une famille aristocratique, il fait dès son enfance de nombreux séjours dans diverses villes de l’Empire habsbourgeois mais également à Nice où sa famille, propriétaire d’une villa, réside régulièrement.

Leopold von Andrian et la France

Après avoir renoncé très jeune à son activité littéraire et suivi des études de droit – il obtient son doctorat en 1899 –, Andrian commence une carrière diplomatique (à partir de 1899) qui le mènera successivement à Athènes, Rio de Janeiro, Saint-Pétersbourg, Kiev, Bucarest et Varsovie. Ses voyages en France sont surtout d’ordre privé et le conduisent souvent à Nice (en 1894, 1896 ou encore en 1921, pour la vente de la villa familiale), mais aussi dans les Alpes françaises (il fait un séjour à Aix-les-Bains en 1895 et en 1940) ou à Paris (par exemple en 1922).

En 1938, après l’annexion de l’Autriche, la France devient pour Andrian un lieu où il réside fréquemment (en alternance avec la Suisse) et finalement une étape sur le chemin de l’exil. En juin 1940, alors qu’il avait prévu de se rendre à Genève, il quitte précipitamment Aix-les-Bains où il séjournait, rejoint Narbonne en voiture avec son chauffeur suisse avant de poursuivre son voyage par le train pour rejoindre, via Portbou, l’Espagne puis le Portugal avant de s’installer finalement au Brésil à partir d’août 1940. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il regagne l’Europe fin 1945 (en avion) et retrouve alors à Nice Andrée-Hélène Bourrée, veuve Wimpffen, sa femme depuis 1923, qui a pu rester en France grâce à sa nationalité française, mais elle décède peu de temps après son retour. Si l’on excepte un séjour en Afrique du Sud (entre décembre 1950 et avril 1951), pays dont était originaire sa seconde épouse, Nice reste finalement son lieu principal de résidence à partir de 1946, jusqu’à sa mort en Suisse (Fribourg) en novembre 1951.

Présentation de Leopold von Andrian

Leopold von Andrian est une personnalité dont l’activité littéraire précoce s’inscrit parfaitement dans la Vienne fin de siècle : avant son opus Le jardin de la connaissance qui le fait découvrir à un public sensible à cette forme d’impressionnisme littéraire, il publie dès 1894 quelques poèmes dans la revue littéraire Blätter für die Kunst dirigée par Stefan George[1] et entre en contact avec de nombreux représentants de la Jeune Vienne : il est ami avec Hofmannsthal[2], mais fait aussi la connaissance de Hermann Bahr, Richard Beer-Hofmann, Arthur Schnitzler ou Felix Salten. Après ces débuts très prometteurs, il décide pourtant de renoncer à l’écriture littéraire, sans doute assailli par des doutes quant à ses propres talents d’écrivain alors qu’était unanimement célébré son ami Hugo von Hofmannsthal pour ses nombreuses publications.

Après avoir été nommé directeur des théâtres viennois (Burgtheater et Opéra) en juillet 1918, poste qu’il occupe jusqu’en novembre 1918, Andrian rompt avec le monde des belles-lettres mais il va ensuite se tourner vers un autre genre d’écriture : dès 1920, en lien avec son activité très diverse comme diplomate et nourri par les expériences qu’il a glanées pendant la Première Guerre mondiale en tant que représentant de l’empire autrichien à Varsovie, il se consacre à des réflexions historiques et géopolitiques sur le futur possible de cette Europe déchirée par les conséquences de la guerre et réorganisée selon des frontières nouvelles. Très fortement ébranlé par l’effondrement de la monarchie austro-hongroise, il s’adresse à son public en tant que monarchiste convaincu, mû par des idéaux légitimistes et conservateurs, et nourrit sa réflexion d’un fort catholicisme susceptible de rétablir, selon la philosophie de Thomas d’Aquin, une sorte d’ordo du monde. De telles convictions entrent alors en résonance avec les réflexions de Otto de Habsbourg[3] dont il devient, au fil des ans, un fidèle conseiller. Il expose ses conceptions philosophiques et politiques principalement dans trois ouvrages : Politische Adventsgedanken über das alte und neue Europa (1920), Die Ständeordnung des Alls. Rationales Weltbild eines katholischen Dichters (1930) et Österreich im Prisma der Idee. Katechismus der Führenden (1936). Ces projets font aussi d’Andrian un ennemi résolu de l’idéologie et de la politique du national-socialisme, ce qui lui vaut de devoir quitter son pays en 1938, au moment de l’annexion de l’Autriche au Reich allemand.

Les liens d’Andrian avec la France et la culture française

Au fil de son cursus scolaire dans différents lycées, Leopold von Andrian reçoit dès son enfance une éducation solide et manifeste très jeune un intérêt particulier pour la littérature, d’autant plus qu’il bénéficie quelque temps de cours particuliers dispensés par le professeur Oskar Walzel (1864-1944), auteur de divers ouvrages universitaires. De sa correspondance avec Hofmannsthal, il ressort que les deux jeunes auteurs ont souvent échangé au sujet de leurs lectures d’auteurs français, classiques ou plus contemporains. Ainsi lit-on dans ses lettres les noms de Racine, Saint-Simon, Voltaire ou Balzac, mais aussi ceux de Baudelaire, Verlaine, Bourget ou Anatole France.

Comme il est alors d’usage dans son milieu familial, il possède également une très bonne connaissance de la langue française : en témoigne en particulier sa correspondance avec sa femme, rédigée uniquement en français[4]. Il fait de nombreux séjours en France et, dans une lettre à Hofmannsthal du 16 décembre 1922, il affirme avoir de « nombreuses relations en France », voire se sentir « un grand Français[5] ». Après avoir été sollicité par l’éditeur Kurt Wolff en 1922, il traduit en allemand le recueil de nouvelles de Maupassant Miss Harriet, ouvrage qui paraît en 1924[6]. Cette francophilie ne lui sera pourtant d’aucune utilité en 1939, au moment où, venant de quitter l’Autriche, il adresse une demande de nationalité française aux autorités qui la lui refusent.

À l’occasion de ses divers passages par la France ou par Paris, il fait la connaissance en mars 1922 de Paul Claudel[7] et du compositeur Darius Milhaud[8] (qu’il orthographie « Miot » dans une lettre à Hofmannsthal du 3 mars 1922). Il rédige en 1930 une recension sur un ouvrage de Charles Du Bos, lequel insère en 1931 le texte d’Andrian au cinquième tome de son ouvrage Approximations. Il noue également des contacts en 1932 avec l’écrivain et théologien Jacques Maritain.

À partir de 1938, alors qu’il devient persona non grata dans l’Autriche d’après l’annexion – son éditeur l’informe que son ouvrage Österreich im Prisma der Idee est désormais interdit –, Andrian cultive de nombreux contacts avec des intellectuels français proches de ses conceptions politiques, tout en cultivant une certaine discrétion. Il s’entretient à plusieurs reprises avec l’historien Jean de Pange[9], particulièrement attaché aux liens historiques entre la Lorraine et l’Autriche ainsi qu’avec le journaliste Wladimir d’Ormesson[10], chargé des sujets de politique étrangère au Figaro (de 1934 à 1940) et intéressé par la situation politique de l’Autriche. C’est à la suite de ces rencontres qu’en février 1940, il propose à la Revue de Paris une contribution intitulée « Le rôle de l’Autriche dans l’Europe d’après-guerre », rédigée d’après un texte manuscrit intitulé Europa und die Selbständigkeit Österreichs. Malheureusement, la revue cesse de paraître en mai 1940 avant que l’article d’Andrian ait pu être publié.

En exil au Brésil à partir de l’été 1940, il fait encore la connaissance de Georges Bernanos[11], lors d’un séjour dans la station thermale de Barbacena où réside l’écrivain français. C’est peut-être dans ce contexte particulier de son exil au Brésil – pays dans lequel la langue française est alors fréquemment parlée par une certaine intelligentsia – que ce grand nostalgique de l’ancienne Autriche qu’était Andrian a pu cultiver sa francophilie en retrouvant chez certains penseurs français, partisans comme lui d’une vision du monde nourrie de catholicisme, certains des idéaux politiques qui lui étaient chers.

Références et liens externes

Bibliographie

Correspondance

  • Perl, Walter H. (dir.) : Briefwechsel Hugo von Hofmannsthal – Leopold von Andrian. Francfort-sur-le-Main : Fischer 1968.
  • Delle Cave, Ferruccio (dir.) : Correspondenzen. Briefe an Leopold von Andrian (1894-1950). Marbach am Neckar : Deutsche Schillergesellschaft 1989.
  • Prutsch, Ursula / Zeyringer, Klaus (dir.) : Leopold von Andrian (1875-1951). Korrespondenzen, Notizen, Essays, Berichte. Veröffentlichungen der Kommission für Neuere Geschichte Österreichs 97. Vienne : Böhlau 2003.

Traduction

  • Maupassant, Guy de : Miß Harriet: Novellen [Übertr. von Leopold Andrian]. Munich : Kurt Wolff 1924.

Ouvrages critiques

  • Stoupy, Joëlle : Maître de l’heure. Die Rezeption Paul Bourgets in der deutschsprachigen Literatur um 1890, Francfort-sur-le-Main : Peter Lang 1996.
  • Prutsch, Ursula : „Leopold von Andrian – Ein Legitimist im Exil (Frankreich, Brasilien)“. In : Anne Saint Sauveur-Henn (dir.) : Zweimal verjagt. Die deutschsprachige Emigration und der Fluchtweg Frankreich – Lateinamerika 1933-1945. Berlin : Metropol Verlag 1998, p. 155–166.
  • Prutsch, Ursula, „Leopold von Andrian, Paul Frischauer und Otto Maria Carpeaux im Exil“. In : Pandaemonium Germanicum 24 (2021), Nr. 44, p. 51–73, http://dx.doi.org/10.11606/1982-8837244451.

Auteur

Marie-Claire Méry

Mise en ligne : 27/01/2025