« Carl Treumann » : différence entre les versions
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C’est également grâce à lui qu’une opérette d’Offenbach est donnée pour la première fois en langue allemande à Vienne : pour la représentation à son bénéfice du 16 octobre 1858, il traduit, adapte et met en scène ''Le Mariage aux lanternes'', sous le titre ''Die Hochzeit bei Laternenschein'', où il joue le rôle de Peter. Le succès est tel que six autres opérettes en un acte suivent. Treumann introduit aussi les œuvres d’Offenbach en Hongrie, avec des représentations au ''Budai Színkör'' en 1859. Enfin, le 17 mars 1860, a lieu la première d’un ouvrage long du compositeur : ''Orpheus in der Unterwelt'', dans lequel Nestroy interprète Jupiter et Treumann Aristeus-Pluto. | C’est également grâce à lui qu’une opérette d’Offenbach est donnée pour la première fois en langue allemande à Vienne : pour la représentation à son bénéfice du 16 octobre 1858, il traduit, adapte et met en scène ''Le Mariage aux lanternes'', sous le titre ''Die Hochzeit bei Laternenschein'', où il joue le rôle de Peter. Le succès est tel que six autres opérettes en un acte suivent. Treumann introduit aussi les œuvres d’Offenbach en Hongrie, avec des représentations au ''Budai Színkör'' en 1859. Enfin, le 17 mars 1860, a lieu la première d’un ouvrage long du compositeur : ''Orpheus in der Unterwelt'', dans lequel Nestroy interprète Jupiter et Treumann Aristeus-Pluto. | ||
L’importance de Treumann pour la diffusion des opérettes d’Offenbach à Vienne s’accroît lorsqu’il devient directeur de théâtre : entre 1860 et 1863, le ''Theater am Franz-Josefs-Kai'' détient presque un monopole. Hüttner<ref>1970, 102</ref> recense 476 représentations en langue allemande et 22 œuvres différentes. Du 28 au 30 janvier 1861, Treumann invite le compositeur à venir diriger ses œuvres (''Die Hochzeit bei Laternenschein'', ''Die Zaubergeige'', ''Der Ehemann vor der Thüre'') : lors de cet événement, les Viennois découvrent leur orchestration originale. Offenbach fait une nouvelle tournée, avec la troupe des Bouffes-Parisiens, du 8 juin au 8 juillet 1861. La troupe revient du 1er au 12 juillet 1862. Quatorze opérettes du compositeur sont créées en langue allemande au ''Theater am Franz-Josefs-Kai'', qui lui doit ses plus grands succès. La programmation comprend aussi des ouvrages d’autres compositeurs français (Caspers, Adam, Massé, Poise). | L’importance de Treumann pour la diffusion des opérettes d’Offenbach à Vienne s’accroît lorsqu’il devient directeur de théâtre : entre 1860 et 1863, le ''Theater am Franz-Josefs-Kai'' détient presque un monopole. Hüttner<ref>Hüttner 1970, 102</ref> recense 476 représentations en langue allemande et 22 œuvres différentes. Du 28 au 30 janvier 1861, Treumann invite le compositeur à venir diriger ses œuvres (''Die Hochzeit bei Laternenschein'', ''Die Zaubergeige'', ''Der Ehemann vor der Thüre'') : lors de cet événement, les Viennois découvrent leur orchestration originale. Offenbach fait une nouvelle tournée, avec la troupe des Bouffes-Parisiens, du 8 juin au 8 juillet 1861. La troupe revient du 1er au 12 juillet 1862. Quatorze opérettes du compositeur sont créées en langue allemande au ''Theater am Franz-Josefs-Kai'', qui lui doit ses plus grands succès. La programmation comprend aussi des ouvrages d’autres compositeurs français (Caspers, Adam, Massé, Poise). | ||
Lorsque Treumann revient au ''Carl-Theater'' (1863–1866), il continue d’accorder une place importante aux opérettes d’Offenbach. Sous sa direction artistique ont lieu les créations viennoises de ''Signor Fagotto'' (11 février 1864), ''Französische Schwaben'' (16 avril 1864), ''Die schönen Weiber von Georgien'' (5 octobre 1864), ''Der Regimentszauberer'' et ''Hanni weint – der Hansi lacht'' (4 février 1865). Mais, à partir de 1864, il perd sa position d’agent et adaptateur viennois inofficiel d’Offenbach et subit la concurrence de Friedrich Strampfer<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Friedrich_Strampfer</ref>, directeur du ''Theater an der Wien''<ref>Obermaier, 1999, 22</ref>. | Lorsque Treumann revient au ''Carl-Theater'' (1863–1866), il continue d’accorder une place importante aux opérettes d’Offenbach. Sous sa direction artistique ont lieu les créations viennoises de ''Signor Fagotto'' (11 février 1864), ''Französische Schwaben'' (16 avril 1864), ''Die schönen Weiber von Georgien'' (5 octobre 1864), ''Der Regimentszauberer'' et ''Hanni weint – der Hansi lacht'' (4 février 1865). Mais, à partir de 1864, il perd sa position d’agent et adaptateur viennois inofficiel d’Offenbach et subit la concurrence de Friedrich Strampfer<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Friedrich_Strampfer</ref>, directeur du ''Theater an der Wien''<ref>Obermaier, 1999, 22</ref>. |
Version du 12 septembre 2024 à 18:59

Si le rôle de Johann Nestroy pour l’introduction de l’opérette française, d’abord de Jacques Offenbach, à Vienne est connu, celui de Carl Treumann l’est moins. Pourtant, il a contribué de manière décisive à l’importation de ce genre, grâce auquel sa carrière a atteint un sommet.
Biographie
Comme Nestroy, Carl Treumann (* 27 juillet 1828 à Hambourg, † 18 avril 1877 à Baden) se caractérise par sa polyvalence : il est à la fois acteur, auteur, traducteur-adaptateur, metteur en scène et directeur de théâtre. Comme lui, il a une formation de chanteur (ténor) et il maîtrise le français. Né à Hambourg le 27 juillet 1823, Treumann débute en 1841 au Deutsches Theater de Pest en tant que choriste, avant d’interpréter des rôles plus importants. En 1847, il est engagé comme premier comique au Theater an der Wien et il devient rapidement l’un des acteurs favoris du public. En 1852, il rejoint la troupe du Carl-Theater, où il forme avec Nestroy et Wenzel Scholz[1] un célèbre trio comique. À partir de 1860, Treumann fait construire son propre théâtre, le Theater am Franz-Josefs-Kai, qui ouvre le 1er novembre 1860 et est détruit par un incendie le 9 juin 1863. Il revient au Carl-Theater en tant que directeur de 1863 à 1866, année où il démissionne. Il continue d’effectuer des tournées et de traduire des livrets français jusqu’à sa mort, à Baden, le 18 avril 1877.
Treumann a d’abord œuvré à l’introduction de l’opérette française à Vienne en tant qu’acteur et proche collaborateur de Nestroy, directeur du Carl-Theater' de 1854 à 1860. C’est probablement à son initiative que Levassor[2] (du théâtre du Palais-Royal) y fait une tournée du 26 mars au 19 avril 1856. À cette occasion sont présentés pour la première fois au public viennois des extraits de deux pièces en un acte d’Offenbach, Le Violoneux et Les Deux aveugles. Après son départ, Treumann reprend une partie du répertoire de Levassor qu’il imite en français, puis en allemand lors de spectacles appréciés du public.
C’est également grâce à lui qu’une opérette d’Offenbach est donnée pour la première fois en langue allemande à Vienne : pour la représentation à son bénéfice du 16 octobre 1858, il traduit, adapte et met en scène Le Mariage aux lanternes, sous le titre Die Hochzeit bei Laternenschein, où il joue le rôle de Peter. Le succès est tel que six autres opérettes en un acte suivent. Treumann introduit aussi les œuvres d’Offenbach en Hongrie, avec des représentations au Budai Színkör en 1859. Enfin, le 17 mars 1860, a lieu la première d’un ouvrage long du compositeur : Orpheus in der Unterwelt, dans lequel Nestroy interprète Jupiter et Treumann Aristeus-Pluto.
L’importance de Treumann pour la diffusion des opérettes d’Offenbach à Vienne s’accroît lorsqu’il devient directeur de théâtre : entre 1860 et 1863, le Theater am Franz-Josefs-Kai détient presque un monopole. Hüttner[3] recense 476 représentations en langue allemande et 22 œuvres différentes. Du 28 au 30 janvier 1861, Treumann invite le compositeur à venir diriger ses œuvres (Die Hochzeit bei Laternenschein, Die Zaubergeige, Der Ehemann vor der Thüre) : lors de cet événement, les Viennois découvrent leur orchestration originale. Offenbach fait une nouvelle tournée, avec la troupe des Bouffes-Parisiens, du 8 juin au 8 juillet 1861. La troupe revient du 1er au 12 juillet 1862. Quatorze opérettes du compositeur sont créées en langue allemande au Theater am Franz-Josefs-Kai, qui lui doit ses plus grands succès. La programmation comprend aussi des ouvrages d’autres compositeurs français (Caspers, Adam, Massé, Poise).
Lorsque Treumann revient au Carl-Theater (1863–1866), il continue d’accorder une place importante aux opérettes d’Offenbach. Sous sa direction artistique ont lieu les créations viennoises de Signor Fagotto (11 février 1864), Französische Schwaben (16 avril 1864), Die schönen Weiber von Georgien (5 octobre 1864), Der Regimentszauberer et Hanni weint – der Hansi lacht (4 février 1865). Mais, à partir de 1864, il perd sa position d’agent et adaptateur viennois inofficiel d’Offenbach et subit la concurrence de Friedrich Strampfer[4], directeur du Theater an der Wien[5].
Après son départ en 1866, Treumann continue de traduire pour le Carl-Theater des livrets d’opérettes d’Offenbach. Il adapte La Vie parisienne (Pariser Leben, première le 31 janvier 1867), La Permission de dix heures (Urlaub nach dem Zapfenstreich, 13 février 1868) et La Jolie parfumeuse (Schönröschen, 6 novembre 1874). Enfin, il contribue à la diffusion des œuvres du compositeur dans l’espace germanophone par ses traductions publiées chez les éditeurs viennois Carl Anton Spina[6] et berlinois Bote & Bock.
Parmi les 32 premières d’opérettes d’Offenbach en langue allemande qui ont lieu à Vienne de 1858 à 1863, huit à dix sont jouées dans une traduction de Treumann, ce qui le situe à la première place. Entre 1864 et 1874, il traduit encore le livret de quatre premières sur 35. Il a adapté en tout une dizaine d’opérettes d’Offenbach, d’abord en un, puis en plusieurs actes : Le Mariage aux lanternes (Die Hochzeit bei Laternenschein, 1858), Pépito (Das Mädchen von Elisonzo, 1858), probablement Le savetier et le financier (Schuhflicker und Millionär, 1859), Le Violoneux (Die Zaubergeige, 1859), Le 66 (Die Savoyarden, 1859), Un Mari à la porte (Der Ehemann vor der Thüre, 1859), Ba-ta-clan (Tschin-Tschin, 1860), probablement Geneviève de Brabant (Genofeva von Brabant / Die schöne Magellone, 1861), La Chanson de Fortunio (Meister Fortunio und sein Liebeslied, 1861), peut-être Le Pont des soupirs (Die Seufzerbrücke, 1862 : rôle de Cornino), Les Bavards (Die Schwätzerin von Saragossa, 1862 : rôle de Roland), Les Géorgiennes (Die schönen Weiber von Georgien, 1864), La Vie parisienne (Pariser Leben, 1867), La Permission de dix heures (Urlaub nach dem Zapfenstreich, 1868) et La Jolie parfumeuse (Schönröschen, 1874). De plus, les chants d’Orpheus in der Unterwelt (1860) ont certainement été traduits par lui[7].
Dans ses traductions-adaptations d’Un Mari à la porte, Les Bavards, La Vie parisienne, La Permission de dix heures et La Jolie Parfumeuse, Treumann suit assez fidèlement l’action de la source. Il déplace parfois – notamment dans les premières années de transition entre la farce locale et l’opérette – la scène à Vienne et germanise le nom des personnages (par exemple dans Die Savoyarden, Der Ehemann vor der Thüre). Dans les autres œuvres citées, plus tardives – l’opérette d’Offenbach est alors établie à Vienne –, il conserve les lieux et noms originaux, sauf lorsqu’un rapprochement avec le contexte culturel du public est nécessaire (dans Pariser Leben, la gare de l’Ouest est remplacée par celle de Strasbourg à Paris et les localités de l’ouest de la France deviennent des villes allemandes et autrichiennes ; les nationalités sont changées dans le chœur final du premier acte, avec un déplacement vers l’est). Les références culturelles, toponymes, événements historiques non familiers aux spectateurs sont supprimés ou remplacés par des équivalents. La langue des personnages a une coloration viennoise plus ou moins marquée en fonction de leur catégorie sociale et de leur statut comique ou non.
À cause de la censure, Treumann élimine ou transforme les passages pouvant être considérés comme une atteinte aux mœurs (description des courtisanes dans La Vie Parisienne, évocation de liaisons sensuelles, allusions érotiques, scènes licencieuses, en particulier dans La Jolie Parfumeuse), à l’État, aux classes sociales (délation réciproque des deux soldats dans La Permission de dix heures, mésalliance à la fin de La Jolie Parfumeuse) ou à la religion. Mais il arrive aussi qu’il accentue les connotations sensuelles (avec Isidor dans Der Ehemann vor der Thüre, Euridice dans la scène de la mouche d’Orpheus).
Un autre changement majeur concerne le comique. Treumann maintient, lorsqu’il le peut, les effets présents dans la source et il en crée d’autres : noms parodiques (Pariser Leben), jeux de scène, parfois jeux de mots. Il développe le comique de certains personnages, interprétés par des acteurs et actrices phares (Gabrielle par Josefine Gallmeyer[8], le baron Gondremarck par Wilhelm Knaack[9] dans Pariser Leben), et celui de ses propres rôles, avec parfois un aspect autoréférentiel (Isidor dans Ein Ehemann vor der Thüre, Frick, le Brésilien, le major et Prosper dans Pariser Leben). Enfin, il invente de nouveaux personnages comiques, reliés ou non à l’intrigue (Persiflage dans Schönröschen, Tirebouchon et Peter Stangelmaier, substitué au Brésilien, dans Pariser Leben), qu’il dote des caractéristiques du personnage comique central de la comédie populaire viennoise : virtuosité verbale, distance vis-à-vis de l’action et commentaire de celle-ci, rapport au public, rupture de l’illusion dramatique, couplets se référant à Vienne et pouvant contenir une critique de la société et de l’époque.
Par rapport à Nestroy, chez qui l’on peut parler d’adaptation créatrice, Treumann reste assez proche de l’original. En connaisseur du public, de la troupe du Carl-Theater et de la censure, il donne à ses traductions une coloration viennoise, atténue la grivoiserie de la source, développe le comique et ajoute quelques pointes critiques.
Treumann a également traduit et adapté des comédies et vaudevilles français (Tricoche et Cacolet de Meilhac et Halévy), ainsi que des livrets d’opéras-comiques et opérettes d’autres compositeurs (Le Pacha de Barbier, Ma Tante dort de Caspers, Le joueur de flûte de Hervé, Graziella et Kosiki de Lecoq, la transposition scénique parisienne du roman de Jules Verne dans Reise um die Erde in 80 Tagen, le livret français de Wilder et Delacour pour Prinz Methusalem de Johann Strauss). Des travaux de recherches approfondis permettraient de mieux (faire) connaître les activités et œuvres de cet homme aux multiples talents.
Références et liens externes
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Wenzel_Scholz
- ↑ https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb14654232x
- ↑ Hüttner 1970, 102
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Friedrich_Strampfer
- ↑ Obermaier, 1999, 22
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Anton_Spina
- ↑ Obermaier, 2019, 200–201
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Josefine_Gallmeyer
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Wilhelm_Knaack
Bibliographie
- Gänzl, Kurt: The Encyclopedia of the Musical Theatre. Oxford: Blackwell 1994, vol. 2 L-Z, p. 1466–1468.
- Hüttner, Johann: „Baugeschichte und Spielplan des Theaters am Franz Josefs Kai“, Jahrbuch der Gesellschaft für Wiener Theaterforschung, 1970, XVII, p. 87–163.
- Obermaier, Walter: „Offenbach in Wien“ in Rainer Franke (dir.): Offenbach und die Schauplätze seines musikalischen Theaters. Laaber: Laaber 1999, p. 11–30.
- Obermaier, Walter (éd.): Orpheus in der Unterwelt. Text und Aufführung unter Mitwirkung Johann Nestroys. Wien: Lehner 2019.
- Platelle, Fanny : « Carl Treumann, traducteur d’opérettes de Jacques Offenbach à Vienne (1856-1874) », in Irène Cagneau/Sylvie Grimm-Hamen/Marc Lacheny (dir.) : Les traducteurs, passeurs culturels entre la France et l’Autriche. Berlin : Frank & Timme 2020, p. 59–72.
Auteur
Fanny Platelle
Mise en ligne : 12/09/2024