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À côté de Hugo Wittmann (1839-1923), Ernst Zieger (22 novembre 1847 à Stettin, † 24 décembre 1902 à Vienne) a joué un rôle essentiel dans la réception du naturalisme dans l'Empire austro-hongrois, voire, au-delà, dans le monde germanique. Son action en faveur de l'œuvre d'Émile Zola est révélatrice de la tâche qu'un médiateur littéraire peut accomplir pour un écrivain étranger.

Biographie

Né en 1847 à Stettin, il a d'abord été représentant de la Berliner Photographische Gesellschaft dans plusieurs pays, avant de s'installer, dans les années 1870, à Paris comme libraire, éditeur et marchand d'estampes. C'est au début de l'année 1882 qu'il semble avoir fait la connaissance personnelle de Zola. En 1883, il déménage à Vienne où il vivra jusqu'à sa mort comme journaliste, patron de presse (en 1888 il crée avec Carl Colbert le magazine bi-mensuel Wiener Mode, qu'il co-dirige jusqu'en 1893), traducteur, romancier et auteur dramatique. Pendant quelques années (1884-1888), il a été l'agent littéraire exclusif de Émile Zola pour tout ce qui concernait la publication de ses œuvres dans les pays germanophones et (partiellement) en Europe centrale. Pour ce travail, Zola lui avait cédé 25% des droits d'auteurs négociés (lettre de Zola à Ziegler datée du 25 août 1885).

L'action de Ziegler en faveur de la réception de l'œuvre de Zola réside non seulement dans sa traduction des romans Germinal (1884/85), L'Œuvre (1885/86) et La Terre (1887), mais aussi dans leur diffusion. Ainsi, il a pu faire paraître fin 1884 / début 1885 sa traduction de Germinal comme roman-feuilleton dans plusieurs journaux germanophones (entre autres dans Die Presse de Vienne, dans le Pester Lloyd, dans l' Agramer Zeitung [Zagreb], la Frankfurter Zeitung, l' Intelligenzblatt de Hambourg) avant leur publication en volume chez l'éditeur Minden[1] à Dresde, ce qui laisse penser que ce roman a atteint un public assez large. En plus, il a accompagné ces publications d'articles expliquant ce qu'était le naturalisme et la méthode de travail de Zola, par exemple dans le quotidien pragois Politik ("Über 'Germinal'", 14 déc. 1884) à l'occasion de la traduction de Germinal, ou dans la Wiener Allgemeine Zeitung ("Wie Emil Zola arbeitet", 22 déc. 1885) à propos de L'Œuvre.

Comme c'était souvent le cas, à l'époque, pour la publication de romans étrangers en feuilleton, les traductions souffrent de la rapidité avec laquelle elles ont dû être accomplies (on relève des coupes plus ou moins importantes, quelques imprécisions au niveau du vocabulaire etc.) : la traduction de Germinal – sous ce même titre – a été publié dans Die Presse du 25 novembre 1884 au 28 mars 1885, soit quasiment en même temps que l'original français dans le Gil Blas (25 nov. 1884 – 25 février 1885) ; les dates de la publication de L'Œuvre sous le titre Aus der Werkstatt der Kunst dans la Wiener Allgemeine Zeitung du 22 décembre 1885 au 14 avril 1886 coïncident également avec celle de l'original dans Gil Blas.

La correspondance de Ziegler avec Zola, assez intense entre 1882 et 1888, éclaire le contexte de cette réception, la situation littéraire et éditoriale en Autriche(-Hongrie) à ce moment-là et les difficultés qu'elle a représentées pour un traducteur. Ainsi explique-t-il dans une lettre à Zola datée du 13 décembre 1884 à propos de la traduction de Germinal : "Je ne voudrais pouvoir faire qu'une chose : rendre tout cela en allemand, comme je le sens et tel que vous l'avez fait. Hélas, c'est impossible, on me lapiderait ; dans cent ans, peut-être, quelqu'un osera faire une belle édition de votre œuvre en allemand. […] Aujourd'hui tout ce que l'on peut faire, c'est d'entrer le plus possible dans l'esprit de votre œuvre et de tâcher de traduire l'esprit", justifiant ainsi le choix d'une traduction cibliste.

Ces difficultés se sont fait sentir particulièrement au moment de la traduction de La Terre en 1887 pour laquelle, suite au scandale provoqué par ce roman en France, Ziegler n'a pas trouvé de périodique pour la publication en feuilleton et a dû se contenter d'un contrat modeste de publication en volume avec l'éditeur Minden. (Ce dernier finit d'ailleurs, lui aussi, par renoncer à la publication de La Terre et cède ses droits à l'éditeur Grimm à Budapest qui publie le roman sous le titre Mutter Erde ; la traduction signée Armin Schwarz est basée sur celle de Ziegler). On peut néanmoins reconnaître à Ziegler avoir rempli un rôle important au moment où le roman naturaliste a connu un grand succès, en Allemagne, Autriche-Hongrie et en Europe centrale, auprès d'un large public.

La proximité de Ziegler avec Zola explique la présence du romancier français dans un périodique où l'on l'attend probablement le moins : la Wiener Mode, un magazine de mode illustré doté d'un supplément littéraire, que Ziegler co-dirige, en tant que rédacteur en chef, avec Carl Colbert (Colbert assurant la direction commercial et et administrative). À coté de la nouvelle "Die Tanzordnung", traduction de "Carnet de danse", un extrait des Contes à Ninon (1864), dans le numéro du 1er février 1894 (un choix qui correspond au public visé et montre un 'autre' Zola), on y trouve également des extraits de lettres de Zola à Ziegler et des comptes rendus (non signés) de tous les romans de Zola parus entre 1888 et 1894, date à laquelle Ziegler abandonne la co-direction du périodique. Ces articles sont intéressants par le talent d'"équilibriste" de leur auteur : d'un côté, ils mettent en garde le public sans doute très majoritairement féminin que les romans de Zola ne lui sont pas forcément destinés et qu'ils contiennent des scènes « difficiles » qui pourraient le choquer ; mais, de l'autre, ils sont bien présentés comme des œuvres majeures, des « classiques modernes », des « fresques monumentales du présent », le cycle des Rougon-Macquart comme une « Histoire culturelle de l'époque contemporaine ». Vu la grande diffusion du magazine (près de 100.000 exemplaires), la présence inattendue de Zola n'est pas anecdotique, mais corrobore le fait que l'auteur des Rougon-Macquart ait joui, à cette époque, d'une popularité qui dépasse les milieux strictement littéraires. À noter toutefois que sa présence semble s'effacer avec le départ de Ziegler de la direction du magazine.

Ziegler a aussi essayé de créer – avec un succès modeste – une œuvre littéraire personnelle : un premier recueil de nouvelles, Mein Debut, paru en 1885, contient une "lettre-préface" de Zola (qui est, en fait, une lettre de remerciement pour la traduction de Germinal avec une éloge du travail accompli par Ziegler) ; ce recueil est suivi de deux romans qui relèvent plutôt de la littérature de colportage : Spinngewebe (1886), Monte Carlo (1888), qui semble avoir été le plus grand succès de l'auteur et dont une traduction française, non signée, Monte-Carlo. Roman du jeu, paraît en 1893 chez Albert Savin à Paris, ainsi que de pièces de théâtre : Frühling (1895), Ein Drama (1896) et Minna Kühne (1896).

Références et liens externes

Bibliographie

  • Kola, Richard: Rückblick ins Gestrige. Wien: Rikola Verlag, 1922, p. 194 sqq.
  • Venus, Th.: Ziegler, Ernst. In: Österreichische Biographisches Lexikon, 1815-1950, vol. 16 (73, 2022), p. 520 sq. (biographien.ac.at)
  • Zieger, Karl : Die Aufnahme der Werke von Emile Zola durch die österreichische Literaturkritik der Jahrhundertwende. Bern etc.: Peter Lang, 1986.

Auteur

Karl Zieger

Mise en ligne : 02/07/2024