Exposition du Salon d'Automne « Paris à Vienne »

De decaf-fr
Affiche de l'exposition

À l’été 1946, plus de 250 artistes du Salon d’Automne sont invités à présenter leurs œuvres à Vienne pendant une exposition accueillie au musée des Arts décoratifs (Kunstgewerbemuseum), actuel Musée des Arts appliqués (MAK). L’exposition reçoit un accueil très favorable à Vienne et témoigne de la vitalité de la politique culturelle menée par la France en Autriche après la Seconde Guerre mondiale.

Aux origines de l’exposition

Le Salon d’Automne est créé en 1903 comme un lieu d’exposition alternatif aux salons officiels par Yvanhoé Rambosson[1] et Frantz Jourdain[2], qui en est le premier président. L’objectif de ce salon est d’offrir une visibilité à de jeunes artistes auprès d’un large public populaire, en présentant plusieurs types d’œuvres : peinture, photographie, architecture, sculpture, gravure, arts appliqués, etc. Les premiers salons intègrent déjà des œuvres d’artistes étrangers, mais c’est après la Seconde Guerre mondiale que le Salon s’exporte lui-même à l’étranger.

En 1946, le nouveau président du Salon, Pierre-Paul Montagnac[3], décide d’organiser à Vienne une exposition de plusieurs centaines d’œuvres des sociétaires du Salon d’Automne. L’exposition est prévue pour l’été et le musée des Arts décoratifs est choisi pour l’accueillir. L’administration militaire française souhaite que l’exposition soit perçue comme une nouvelle étape dans le renforcement des liens culturels entre l’Autriche et la France. C’est une façon de montrer que chaque pays partage un héritage culturel fort, où l’importance accordée à la culture consolide le lien entre les deux États. Le musée des Arts décoratifs profite à cette occasion d’une restauration de son bâtiment, endommagé par les bombardements aériens et les combats de la libération de Vienne. Les travaux de reconstruction et de restauration sont rendus possibles grâce à l’aide de l’administration militaire française, qui met à disposition des restaurateurs et des matériaux pour déblayer et reconstruire les parties détruites. L’exposition « Paris à Vienne » est organisée sous la supervision du commandant André Rivaud[4], qui est lui-même un artiste graveur, en étroite collaboration avec Pierre-Paul Montagnac.

L’inauguration

Le 11 juillet 1946, le général Antoine Émile Béthouart inaugure l’exposition en présence de très nombreux représentants officiels des deux pays parmi lesquels le président autrichien Karl Renner[5], le chancelier Leopold Figl[6], ainsi que plusieurs membres du gouvernement dont le ministre de l’Éducation Felix Hurdes[7], le ministre des Affaires étrangères Karl Gruber[8], le ministre des Finances Georg Zimmermann[9] et le ministre sans portefeuille Lois Weinberger[10]. Le maire de Vienne Theodor Körner[11] est également présent, tout comme les directeurs du Künstlerhaus Karl Maria May[12] et de la Sécession Karl Stemolak[13]. Plusieurs représentants des forces alliées américaines, britanniques et soviétiques sont conviés à l’événement, tandis que la France est représentée par le général Paul Cherrière[14], l’ambassadeur français à Vienne Louis de Monicault, ainsi que par le président du Salon d’automne, Pierre-Paul Montagnac. Certains des artistes exposés sont également présents lors du vernissage de l’exposition comme les peintres Robert Lotiron[15] et Marcel Roche[16], ainsi que le sculpteur Raoul Lamourdedieu[17]. Le nombre important de responsables politiques et militaires présents au vernissage témoigne de l’importance de cette exposition, accentuée par la diffusion à la radio, le jour même de l’inauguration, d’un reportage pour en présenter le contenu et les artistes aux auditeurs autrichiens.

557 œuvres sont exposées, allant du tableau à la sculpture, de la gravure aux plans d’urbanisme et photographies d’architecture jusqu’aux arts appliqués. Elles sont signées de 250 hommes et femmes artistes de plusieurs nationalités, dont Pierre Bonnard[18], Suzanne Duchamp[19], Raoul Dufy[20], André Jacquemin[21], Henri Matisse, Fernand Léger[22], André Lhote, Auguste Perret[23], Pierre Puvis de Chavanne[24], Léopold Survage[25].

L’exposition met également à l’honneur des aménagements d’urbanisme et des reconstructions urbaines d’après-guerre, grâce à des documents mis à disposition par le ministère de la Reconstruction. La destruction, puis la reconstruction des villes de Normandie (Caen, Rouen, Lisieux) sont particulièrement mises en avant, tandis que des projets-types et des principes d’urbanisme font aussi partie des documents, plans et photographies exposés. Les services municipaux et départementaux de plusieurs collectivités françaises ont également fourni de la documentation pour mettre en lumière l’évolution topographique ou des projets d’aménagement de leur territoire, parmi lesquels Albi, Clermont-Ferrand, Quimper, Tours, le département des Bouches-du-Rhône, celui de l’Indre et le service de l’aménagement de la région parisienne. Un accueil très favorable à Vienne

Succès et prolongation de l'exposition

Photographie de l'exposition publiée dans l’article « Ausstellungen – Salon d’automne », Die Wiener Bühne, no8, août 1946, p. 19

L’exposition connaît un grand succès populaire : à la fin du mois de juillet 1946, elle accueille jusqu’à 10 000 visiteurs par jour et ses horaires d’ouverture sont alors allongés de 10h jusqu’à 20h pour permettre au plus grand nombre de visiteurs d’y accéder chaque jour. À partir du 15 août, la poste autrichienne installe même un stand au musée afin de proposer aux visiteurs un cachet commémoratif du Salon d’automne, sur lequel sont représentées la cathédrale Notre-Dame de Paris et la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. En raison de ce succès, le président Renner demande au général Cherrière de prolonger l’exposition – qui devait initialement s’achever au 31 août 1946 – jusqu’au 15 septembre 1946.

La presse autrichienne accueille très positivement le Salon d’automne. Il est la preuve, selon les divers articles, que Vienne a retrouvé le rang de capitale artistique mondiale, au même titre que Paris. Les journaux saluent également la diversité et la modernité des œuvres exposées et s’émeuvent que l’un des artistes, Luc Albert Moreau[26], ait même fait don, à l’issue du Salon, de quatre gravures au musée Albertina, un musée qu’il avait pu visiter avant la guerre. Le 31 juillet 1946, les services culturels français invitent le critique artistique Gaston Diehl[27] à une conférence organisée sur « Les grandes traditions de la peinture française moderne, de Matisse aux jeunes ». Tenue en français, elle est traduite en allemand par des interprètes pour le public autrichien. Des visites guidées gratuites pour des groupes comptant jusqu’à 100 élèves sont aussi proposées aux écoles à partir de la rentrée 1946. Un incident se produit toutefois durant l’été : le tableau Nature morte de la peintre Gisèle Ferrandier est dérobé quelques jours après l’inauguration, le 14 juillet 1946, et ne semble pas avoir été retrouvé.

Le Salon d’automne à Vienne ouvre ses portes le 11 juillet, soit quelques jours après l’inauguration, le 6 juillet 1946, d’une autre rétrospective d’art français au musée Albertina. Si l’exposition à l’Albertina mettait en avant les grands noms de l’art français, celle du Salon d’Automne présente des artistes moins connus du public autrichien. Une autre exposition, Visages de la France, au palais Lobkowitz se tient quant à elle quelques jours après le vernissage du Salon d’automne. Toutes ces expositions s’inscrivent dans la politique culturelle menée alors par la France durant l’occupation alliée de l’Autriche. Elles permettent à l’administration militaire française de mettre en avant son action culturelle à Vienne, notamment en matière de beaux-arts, qui se poursuit durant les dix années d’occupation alliée de l’Autriche.

Références et liens externes

  1. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb14972413n
  2. https://cths.fr/an/savant.php?id=106043
  3. https://www.ledelarge.fr/4361_artiste_MONTAGNAC_Pierre-Paul
  4. https://e-monumen.net/patrimoine-monumental/rivaud/
  5. https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Renner/140686
  6. https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Leopold_Figl/119491
  7. https://austria-forum.org/af/AEIOU/Hurdes,_Felix
  8. https://austria-forum.org/af/AEIOU/Gruber,_Karl
  9. https://austria-forum.org/af/AEIOU/Zimmermann,_Georg
  10. https://maitron.fr/spip.php?article197765
  11. https://maitron.fr/spip.php?article197538
  12. https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Karl_Maria_May
  13. https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Karl_Stemolak
  14. https://museedesetoiles.fr/piece/general-de-corps-darmee-cherriere/
  15. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb13181130v
  16. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb149790884
  17. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb126180040
  18. http://www.museebonnard.fr/index.php/fr/musee/pierre-bonnard
  19. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb149731550
  20. https://cths.fr/an/savant.php?id=1538
  21. http://www.andre-jacquemin.com/
  22. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb11912166r
  23. https://archiwebture.citedelarchitecture.fr/archive/fonds/FRAPN02_PERAU
  24. http://www.comitepierrepuvisdechavannes.com/biographie.html
  25. https://www.universalis.fr/encyclopedie/leopold-survage/
  26. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb120373504
  27. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb119001600

Bibliographie

Catalogue d’exposition

Littérature secondaire

  • Angerer, Thomas, Le Rider, Jacques, Porpaczy, Barbara et Feurstein, Michaela (éd.) : „Ein Frühling, dem kein Sommer folgte?“ Französisch-österreichische Kulturtransfers seit 1945. Vienne : Böhlau 1999.
  • Coret, Noël-Marie (éd.) : L’art en effervescence : 100 ans de Salon d’automne 1903-2003. Paris : Casta Diva 2003.
  • Cullin, Michel : « L’Action culturelle française en Autriche après 1945 ». In : Austriaca, Numéro spécial colloque « Relations franco-autrichiennes, 1870-1970 ». Rouen : PUR 1986.
  • Eisterer, Klaus : La présence française en Autriche I (1945-1946) : Occupation, dénazification, action culturelle. Rouen : PUR 1998.

Auteur

Solène Scherer

Mise en ligne :

06/11/2024