L'Architecture d'aujourd'hui

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Numéro de L'Architecture d'aujourd'hui, janvier 1935

Durant l’entre-deux-guerres, de nouvelles revues d’architecture ont permis de mettre en avant la production artistique d’autres pays et de créer des espaces de dialogues autour des nouveaux enjeux théoriques, esthétiques et idéologiques de l’architecture moderne. Parmi ces revues, L’Architecture d’aujourd’hui a contribué significativement à la diffusion et à la reconnaissance de l’architecture moderne autrichienne en France, à la fois dans les pages de ses numéros, mais également par le biais d’une grande exposition en 1933.

La revue

La revue L’Architecture d’aujourd’hui est fondée en novembre 1930 par les architectes André Bloc[1] et Marcel Eugène Cahen[2]. La revue, mensuelle, bénéficie dès sa sortie du patronage d’autres grandes figures de l’architecture de l’entre-deux-guerres comme Auguste Perret[3], Robert Mallet-Stevens[4] et Frantz Jourdain[5]. Rapidement, Pierre Vago[6] rejoint le comité éditorial et la revue reçoit également le soutien de Le Corbusier et de son entourage, qui contribuent régulièrement aux numéros.

Outre son activité éditoriale, L’Architecture d’aujourd’hui organise de nombreuses manifestations, expositions et voyages, afin de promouvoir sa visibilité et le dialogue architectural au-delà des frontières nationales. Les architectes en charge de la publication souhaitent que leur revue ait une portée mondiale, puisqu’ils estiment que le mouvement moderne est international et que les architectes français connaissent mal l’architecture étrangère[7]. Ils développent ainsi un réseau de correspondants internationaux, en charge de réunir le matériel nécessaire à l’élaboration des numéros de la revue : les rédacteurs en chef préviennent en amont les correspondants des thématiques à traiter, en leur demandant de rassembler des photographies, des plans et des documents qu’ils envoient ensuite aux rédacteurs de la revue pour la préparation d’articles à paraître dans le numéro.

La place de l'Autriche dans la publication (années 1930)

Page présentant le pavillon autrichien lors de l’Exposition universelle de 1937, numéro d'août 1937, p.18

L’Autriche apparaît très régulièrement dans les numéros de la revue durant les premières années de sa création. L’architecte Egon Riss[8] est le premier correspondant autrichien pour L’Architecture d’aujourd’hui, il est alors très actif sur la scène architecturale viennoise, où il contribue avec son collègue Fritz Judtmann[9] au développement de nouveaux modèles de bâtiments et de logements répondant aux nouvelles normes sanitaires, afin de lutter contre la tuberculose. Pierre Vago a fait sa connaissance lors de son enquête sur l’habitat à Vienne, où le Karl-Marx-Hof[10] est largement mis à l’honneur grâce à de très nombreuses photographies. Egon Riss fournit à L’Architecture d’aujourd’hui de nombreux documents permettant de souligner le dynamisme de l’architecture moderne en Autriche. Le lectorat de la revue découvre au fil des numéros l’architecture, mais aussi la théorie et l’esthétique qui voient alors le jour à Vienne et dans le reste du pays.

Dès ses premiers numéros, L’Architecture d’aujourd’hui publie une dizaine de contributions traitant de l’architecture autrichienne. Dans son second numéro, elle propose la traduction d’un essai d’Adolf Loos. Le numéro d’octobre 1931 consacre pour la première fois une rubrique supplémentaire à un pays étranger : l’Autriche est alors le premier pays choisi pour inaugurer ce nouveau segment. Ce numéro explore les travaux de Josef Hoffmann, l’habitation à Vienne et les arts appliqués en Autriche. Jusqu’à l’ « Anschluss » en 1938, L’Architecture d’aujourd’hui publie très régulièrement d’autres articles traitant de l’Autriche, parmi lesquels une étude sur l’Autriche, Vienne et le Werkbund[11] (août-septembre 1932) ; une présentation du gratte-ciel de la Herrengasse par les architectes Theiss[12] et Jaksch[13] (mars 1934) ; une analyse de l’activité de la construction en Autriche (novembre 1935) ; une présentation de différents jardins autrichiens contemporains (avril 1937) et une présentation du pavillon de l’Autriche lors de l’Exposition universelle de 1937 (août 1937). À ces articles traitant spécifiquement de l’Autriche s’ajoutent également des mentions dans des articles de synthèse de travaux d’architectes autrichiens sur des thématiques spécifiques : les maisons de campagne, les sanatoriums, les magasins, les hôpitaux, etc. Cette importante présence autrichienne au sein des pages de la revue présente le pays comme une scène essentielle de l’architecture moderne, le plaçant au même niveau que d’autres bastions des créations contemporaines, tels que la France, l’URSS ou l’Allemagne.

L’Architecture d’aujourd’hui connaît en retour une bonne réception en Autriche, elle est souvent mentionnée dans les revues spécialisées d’art et d’architecture comme la Profil. Österreichische Monatsschrift für bildende Kunst ou la Illustrierte Technik für Jedermann, qui en republient les photographies. Les offres de voyages organisés par L’Architecture d’aujourd’hui sont également publiées dans ces revues spécialisées autrichiennes, laissant penser qu’il existe un public intéressé par de telles manifestations en Autriche.

L'exposition de 1933

Photographie de la section autrichienne, lors de l'exposition de 1933

La valorisation de l’architecture autrichienne par L’Architecture d’aujourd’hui dépasse le seul cadre de la revue, puisque le pays est également mis à l’honneur lors d’une grande exposition organisée en 1933.

Après une première exposition en février 1933 qui s’intéresse à l’architecture française, L’Architecture d’aujourd’hui propose du 1er au 13 avril 1933 sa seconde exposition, qui met cette fois-ci en lumière l’architecture de plusieurs pays : l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. L’exposition est accueillie, comme pour celle de février, à la galerie d’art de la rue Vignon et présente l’architecture étrangère par le biais de photographies, de plans et des maquettes de plusieurs projets architecturaux des différents pays invités.

Le musée social et économique de Vienne[14] et l’architecte Egon Riss, correspondant autrichien pour la revue, contribuent à fournir en photographies, esquisses, maquettes et plans la partie autrichienne de l’exposition. Lors de l’inauguration, le vendredi 31 mars 1933, Anatole de Monzie[15], ministre de l’Éducation nationale accueille les ambassadeurs des différents pays invités, dont le chargé d’affaires de la mission diplomatique autrichienne à Paris, Heinrich Schmid[16] et l’attaché de presse et conseiller d’ambassade Ivo Jorda.

La section autrichienne expose les travaux d’architecture moderne comme ceux d’Otto Wagner, de Josef Hoffmann, Josef Frank[17], Lois Welzenbacher[18] et d’Adolf Loos. Elle contient aussi une présentation de la transformation de la Michaelerplatz depuis le règne de Marie-Thérèse jusqu’à celui de François-Joseph. L’exposition salue l’importance que l’Autriche a su garder, même après la Première Guerre mondiale et la chute de l’empire des Habsbourg, dans le milieu de l’architecture. Le musée social et économique de Vienne a cherché à présenter dans l’exposition le programme de construction des logements sociaux viennois, comme une continuité avec l’architecture autrichienne du XVIIIe siècle. L’implication d’Egon Riss et du musée social et économique de Vienne explique l’importance accordée à la thématique du programme viennois de logements sociaux, qui elle-même trouve un écho dans la revue L’Architecture d’aujourd’hui à plusieurs occasions. L’exposition propose donc une vision alors très contemporaine du paysage architectural en Autriche, donnant à voir au public français toute la diversité de la création autrichienne.

En Autriche, la presse se félicite du succès de la section autrichienne lors de l’exposition de 1933 : l’intérêt porté par le ministre Anatole de Monzie à la présentation de la Maison Loos et aux croquis d’un projet de villa par Josef Frank en 1913 témoigne, d’après le Reichspost, du succès de l’architecture moderne autrichienne[19].

L’Autriche dans la revue après 1945

Numéro 151 de la revue L'Architecture d'aujourd'hui

Le début de la Seconde Guerre mondiale contraint les membres du comité de rédaction à arrêter la publication. La revue ne reprend qu’en mai-juin 1945, toujours sous le pilotage d’André Bloc. Si le système de correspondants étrangers est bien repris, il semble n’y avoir aucun correspondant pour l’Autriche, ce qui explique peut-être pourquoi le pays n’est plus aussi présent dans les numéros d’après-guerre. Quelques articles abordent les réalisations autrichiennes au milieu des années 1950, comme les travaux des architectes Bruno Tinhofer[20] ou Roland Rainer[21], offrant peu de visibilité aux développements de l’architecture de la Nachkriegsmoderne en Autriche.

C’est surtout à partir des années 1970 que l’architecture autrichienne retrouve une place plus importante au sein de L’Architecture d’aujourd’hui : la restructuration urbaine de Vienne fait l’objet d’une attention particulière, mais la revue accorde aussi de l’importance aux réalisations dans les autres villes autrichiennes – Graz, Linz, Innsbruck, Eisenstadt. Cette période fait écho à la notoriété croissante d’architectes autrichiens sur la scène internationale, parmi lesquels Hans Hollein, Wilhelm Holzbauer[22], Friedensreich Hundertwasser, Klaus Kada[23], Gustav Peichl[24], Johannes Spalt[25], Michael Szyszkowitz[26] et aux groupes Haus-Rucker Co[27] et Coop Himmelb(l)au[28]. La présentation de leurs travaux dans L’Architecture d’aujourd’hui rend compte de cette montée en puissance. Deux nouveaux numéros sont à nouveau intégralement consacrés à l’Autriche, celui d’août 1970 (no151), qui revient sur l’évolution historique de l’architecture en Autriche pendant la première moitié du XXe siècle et celui de septembre 1989 (no264), qui s’intéresse plus particulièrement à l’architecture à Vienne et Graz.

Depuis la relance du journal en 2009 sous l’impulsion de Jean Nouvel, la production architecturale autrichienne continue d’être régulièrement évoquée dans L’Architecture d’aujourd’hui, ancrant la revue comme l’un des espaces de médiation des plus importants et pertinents pour l’architecture depuis les années 1930.

Références et liens externes

  1. https://collections.frac-centre.fr/collection-art-architecture/rub/rubauteurs-58.html?authID=25
  2. http://www.wikipasdecalais.fr/index.php?title=Marcel_Cahen_(1883-1930)
  3. https://archiwebture.citedelarchitecture.fr/archive/fonds/FRAPN02_PERAU
  4. https://www.mallet-stevens.paris/bio/
  5. https://cths.fr/an/savant.php?id=106043
  6. https://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_VAGPI
  7. Deyres 1995, 197-199
  8. https://www.architektenlexikon.at/de/510.htm
  9. https://www.architektenlexikon.at/de/265.htm
  10. https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Karl-Marx-Hof
  11. https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Österreichischer_Werkbund
  12. http://www.architektenlexikon.at/de/641.htm
  13. http://www.architektenlexikon.at/de/255.htm
  14. https://gwm.museum/
  15. https://www.senat.fr/senateur-3eme-republique/de_monzie_anatole0605r3.html
  16. https://d-nb.info/gnd/112116062X
  17. https://www.biographien.ac.at/oebl/oebl_F/Frank_Josef_1885_1967.xml
  18. http://www.loiswelzenbacher.at/
  19. Reichspost 6 avril 1933, p. 7
  20. https://archiv-baukunst.uibk.ac.at/archive_showperson_pure.php?id=75
  21. https://www.architektenlexikon.at/de/1393.htm
  22. https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Wilhelm_Holzbauer
  23. https://www.nextroom.at/actor.php?id=6966&inc=datenblatt
  24. https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Gustav_Peichl
  25. https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Johannes_Spalt
  26. https://www.austria-forum.org/af/AEIOU/Szyszkowitz%2C_Michael
  27. https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/personne/ck4MK8e
  28. http://www.coop-himmelblau.at/

Bibliographie

Sources

Littérature secondaire

  • Deyres, Joëlle : « Les correspondants à l’étranger de l’architecture d’aujourd’hui et l’information sur l’actualité internationale de l’architecture (1930-1950) ». In: Gérard *Monnier et José Vovelle (éd.) : Un art sans frontières : L’internationalisation des arts en Europe (1900-1950). Paris : Éditions de la Sorbonne 1995, p. 197‑206.
  • Ragot, Gilles : « Pierre Vago et les débuts de L’Architecture d’Aujourd’hui 1930-1940 ». In : Revue de l’Art 89, no1, 1990, p. 77‑81.

Auteur

Solène Scherer

Mise en ligne : 21/12/2024