Louis Réau

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Louis Réau en 1961

Louis Réau (*1er janvier 1881 à Poitiers, † 10 juin 1961 à Paris) est un historien de l’art, surtout reconnu pour ses recherches sur l’influence de l’art français au XVIIIe siècle. Possédant une excellente maîtrise de la langue allemande et russe, et ayant dirigé l’Institut Français de Saint-Pétersbourg, puis l’Institut Français de Vienne entre 1930 et 1938, Louis Réau s’est distingué en France en tant que pionnier de l’histoire de l’art russe et a été l’un des contributeurs les plus actifs à la compréhension de l’art allemand et autrichien.

Biographie

Né le 1er janvier 1881 à Poitiers, Louis Réau grandit dans sa ville natale avant d’entrer à l’École normale supérieure de Paris en 1900, dont il est licencié en allemand en 1901. Il continue de se former aux universités de Berlin et de Vienne en 1903, puis il est reçu premier à l’agrégation en 1904. De 1905 à 1908, Réau est secrétaire général de la Revue germanique, tout en devenant pensionnaire de la fondation Thiers. Il suit les cours du slaviste Paul Boyer, l’administrateur de l'École des langues orientales de Paris (actuelle INALCO), et prend conscience à ses côtés de « l’impossibilité de limiter l'étude de la littérature, de l'histoire à un seul pays et la nécessité de dégager les influences qui s'étaient exercées par-dessus les frontières » (Hautecœur 1961, 379). Son choix d’aire géographique suit la volonté de son temps, où le contexte antigermanique en France pousse des chercheurs à se tourner vers des territoires encore peu étudiés, au sein desquels il est possible de prétendre à une domination française sur celle des Allemands. C'est également à ce moment qu'il commence à s'intéresser à l'histoire de l'art.

De 1908 à 1911, Louis Réau est nommé maître de conférences en littératures comparées à la Faculté des lettres de Nancy, où il s’intéresse d'abord à l'art le long du Rhin, publiant des études sur la ville de Cologne, sur la Franconie ou encore sur les primitifs allemands. Réau s’attachait à faire connaître l’art germanique qui souffrait, d’après lui, « d’un injuste discrédit [du fait de] l’étroitesse de notre culture intellectuelle qui […] reste trop exclusivement gréco-romaine » (Marot 1961, 233). En 1911 est créé, sous l’impulsion de Paul Boyer et avec l’appui de Paul Doumer, l'Institut français de Saint-Pétersbourg, dépendant de la faculté de Nancy. Réau en est le tout premier directeur. Pendant son séjour en Russie, il rédige plusieurs publications sur l’art russe, marquant une première depuis Viollet-le-Duc, et noue des liens avec des historiens de l'art et des artistes tels que Igor Grabar, Alexandre Benois et Nikolay Wrangel. En 1913, Réau est remplacé par Jules Patouillet, puis mobilisé en 1914 et il devient officier interprète d’allemand et de russe. Il est mis à la tête du service de presse russe à l’État-Major général de l’Armée. En 1918, il enseigne à l’École normale de Sèvres et l’École du Louvre, puis accepte en 1930 le poste de directeur de l’Institut français de Vienne.

À la tête de l’Institut de 1930 à 1938, il donne des cours d’histoire de l’art. Le reste du corps enseignant se compose de Marcel Dunan, André Robert et Raymond Schiltz, qui enseignent respectivement l’histoire, la littérature et l’architecture. Réau propose par ailleurs à Ambroise Jobert, spécialiste de l’histoire de la Pologne à la Sorbonne, d’être le professeur principal de l’Institut. Réau dynamise l’Institut français, dont l’activité est accueillie avec enthousiasme par la presse autrichienne qui y voit « un renforcement des échanges entre Vienne et Paris » (Neues Wiener Journal, 5 nov. 1931).

Au cours de ses séjours à Vienne, Louis Réau s’attache à mettre en valeur les personnalités agissant en tant que médiateurs entre la France et l'Autriche. Le 2 décembre 1931, il invite le professeur Henry Lichtenberger à prononcer une conférence sur le poète Hugo von Hofmannsthal, mettant en avant l'influence de ce dernier dans le milieu intellectuel en France. Cet événement ne s'est pas limité au cercle universitaire ou aux amateurs, mais a également rassemblé des personnalités importantes d'Autriche, telles que l'ambassadeur français Bertrand Clauzel, le vice-chancelier autrichien Johann Schober et le ministre de l'Éducation Emmerich Czermak. Reconnu comme un travailleur infatigable, « unermüdlicher Arbeiter » (Neues Wiener Journal, 15 juil. 1934), par la presse autrichienne, Réau donne des conférences annuelles sur l'histoire de l'art français. Le succès de ces événements est croissant et attire toujours davantage d’amateurs et de spécialistes viennois.

Avec l’achèvement de la publication de son magnum opus en 1934 – Histoire de l’expansion de l’art français en quatre volumes –, Louis Réau se voit décerner le grand prix Gobert de l’Académie française, un événement célébré en grande pompe par le monde artistique viennois. Réau partage alors son temps entre Vienne et Paris, consacrant une partie de l'année à chaque ville. Ses séjours en Autriche constituent une opportunité d'explorer l'espace urbain viennois à travers des ouvrages comme Vienne, Schönbrunn et les Abbayes d’Autriche (1932), tout en faisant découvrir à un lectorat francophone les travaux de chercheurs autrichiens. Dans la décennie précédant la direction de l’Institut français à Vienne, Louis Réau s’était déjà intéressé aux méthodologies élaborées par l’École viennoise. Il rédige notamment en 1916 une recension élogieuse de l’ouvrage de Hans Tietze , Die Methode der Kunstgeschichte, dont il suit les préceptes. En 1932, lors de la parution de son ouvrage Vienne, Schönbrunn et les Abbayes d’Autriche dans la collection « Villes d’Art célèbres », il exprime de nouveau son admiration pour les travaux de Tietze, mais aussi de sa femme Erica. Il conçoit son travail pour un lectorat français, voire francophone et écarte ce qui ne revêt qu’un intérêt local, afin de privilégier les relations artistiques entre la France et l’Autriche, en se concentrant particulièrement sur les affinités entre Vienne et Paris. L'aboutissement de la volonté de renforcer les liens entre les deux capitales se concrétise par l'organisation en 1937 de l'exposition de l'art autrichien à Paris au musée du Jeu de Paume. À Vienne, Louis Réau joue un rôle actif dans la création d'expositions portant sur des artistes français, comme celle dédiée à Honoré Daumier à l'Albertina en 1936. À chaque exposition, il approfondit les thématiques à travers des conférences et des articles, qu’il tient en français et en allemand. En 1938, Louis Réau est nommé professeur d’histoire de l’art à l’Université de la Sorbonne, quittant alors son poste de directeur de l’Institut français de Vienne. À partir de cette date et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il ne produira plus d’ouvrage centré sur l’Autriche ou sur Vienne, il faut attendre 1948 et ses Tableaux du Musée de Vienne. En parallèle, il continue de mettre à profit ses compétences linguistiques en réalisant un Dictionnaire illustré et un Lexique polyglotte en douze langues. Le 19 février 1947, Réau est nommé membre libre de l’[Académie des Beaux-arts] et continue de publier des ouvrages importants jusqu’au dernier moment de sa vie. Il décède le 10 juin 1961 à Paris.


Bibliographie

Littérature primaire

  • Réau, Louis, « Un théoricien de l’Histoire de l’art : Hans Tietze ». In : Revue de synthèse historique, 1914, tome 28, p. 45-50.
  • Réau, Louis, « Vienne et Paris : Les Villes-sœurs de la civilisation européenne ». In : Österreichische Kunst, 15 mai 1937, n°5, p. 3.
  • Réau, Louis, Vienne, Schönbrunn et les Abbayes d’Autriche. Paris : Laurens, 1932.
  • Réau, Louis, Histoire de l’expansion de l’art français. Paris : Laurens, 1924-1933, 4 vol.

Littérature secondaire

  • Aubert, Marcel, « Nécrologie : Louis Réau ». In : Bulletin Monumental, 1961, n°119, 3, p. 243-244.
  • Aymard, André, « Hommage à Louis Réau », In : Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, 1961, p. 227-230.
  • Carolus-Barré, Louis, « Discours du président sortant » In : Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1962, 1964, p. 9-36.
  • Damiron, Suzanne, « Louis Réau (1881 - 1961) : bibliographie de ses travaux (1902 - 1961) ». In : Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, 1961, p. 246-276.
  • Hautecœur, Louis, « Nécrologie : Louis Réau ». In : Revue des Études Slaves, 1961, n°39, 1-4, p. 378-381.
  • Marot, Pierre, « L’œuvre de Louis Réau », In : Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, 1961, p. 231-241.
  • Medvedkova, Olga, « “Scientifiques” ou “intellectuels” ? Louis Réau et la création de l’Institut français de Saint-Pétersbourg ». In : Cahiers du Monde russe, avril-septembre 2002, n°43, 2-3, p. 411-422.
  • Neues Wiener Journal, 5 novembre 1931, p. 7 ; 2 décembre 1931, p. 5 ; 15 juillet 1934, p. 21 ;
  • Neues Wiener Tagblatt (Tages-Ausgabe), 25 novembre 1936 (n°325), p. 10.
  • Pariset, François-Georges, « L. Réau : le Professeur ». In : Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, 1961, p. 243-245.

Auteur

Auteur de la notice : Hugo Tardy

Mise en ligne : 26/02/2024

Dernière modification : 29/02/2024