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À l’époque des débuts de la télévision, les dramatiques de la RTF sont essentiellement cantonnées au répertoire classique français, avec une représentation limitée du répertoire international. L’ambition de Bluwal est d’enrichir ce répertoire en y intégrant les œuvres d’écrivains étrangers (''Liebelei'' d’Arthur Schnitzler en 1956, mais aussi ''Le Baladin du monde occidental'' du dramaturge irlandais John Millington Synge en 1957, ou encore ''Les Joueurs'' de Nicolas Gogol en 1960). Les jeunes réalisateurs jouissent alors d’une grande liberté dans leurs choix d’adaptations. Toutefois, le budget est restreint, tout comme les conditions de tournage. Bluwal, qui a vu et apprécié le film de [[Max Ophuls]], ''Liebelei'' (1933), souhaite présenter une version fidèle au texte original de Schnitzler, dans un « style dépouillé<ref>Bluwal 2012</ref> », très éloigné de l’adaptation cinématographique. Le réalisateur connaît la traduction de Dominique Auclères ([[Suzanne Clauser]]) publiée dans ''La Petite Illustration théâtrale'' en 1933 et propose le projet à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), avec, dans les rôles principaux, Arlette Thomas (Christine) et Jacques Dasque (Fritz). Selon le réalisateur, le théâtre de Schnitzler, en particulier ses pièces en un acte, se prête parfaitement au format télévisuel, s’inscrivant dans une certaine tradition française théâtrale et cinématographique<ref>Bluwal 2012</ref>. À ce sujet, il exprime son regret face au « monopole » exercé par Dominique Auclères dans le domaine de la traduction des œuvres de l’écrivain autrichien<ref>ibid.</ref>. Il déplore en particulier que la traductrice se soit davantage intéressée aux nouvelles de Schnitzler qu’à son œuvre théâtrale. Il évoque, par exemple, l’impossibilité d’adapter, à l’époque, les grandes pièces en cinq actes, comme ''Le chemin solitaire'' (''Der einsame Weg'') ou ''Terre étrangère'' (''Das weite Land''), étant donné que les traductions françaises de ces œuvres n’existaient pas encore et qu’il était impossible d’en proposer une traduction sans empiéter sur les droits d’auteur détenus par Auclères. Il salue, à cet égard, les adaptations ultérieures de ces pièces par [[Luc Bondy]], réalisées dans les années 1980, qu’il juge très réussies<ref>ibid.</ref>. | À l’époque des débuts de la télévision, les dramatiques de la RTF sont essentiellement cantonnées au répertoire classique français, avec une représentation limitée du répertoire international. L’ambition de Bluwal est d’enrichir ce répertoire en y intégrant les œuvres d’écrivains étrangers (''Liebelei'' d’Arthur Schnitzler en 1956, mais aussi ''Le Baladin du monde occidental'' du dramaturge irlandais John Millington Synge en 1957, ou encore ''Les Joueurs'' de Nicolas Gogol en 1960). Les jeunes réalisateurs jouissent alors d’une grande liberté dans leurs choix d’adaptations. Toutefois, le budget est restreint, tout comme les conditions de tournage. Bluwal, qui a vu et apprécié le film de [[Max Ophuls]], ''Liebelei'' (1933), souhaite présenter une version fidèle au texte original de Schnitzler, dans un « style dépouillé<ref>Bluwal 2012</ref> », très éloigné de l’adaptation cinématographique. Le réalisateur connaît la traduction de Dominique Auclères ([[Suzanne Clauser]]) publiée dans ''La Petite Illustration théâtrale'' en 1933 et propose le projet à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), avec, dans les rôles principaux, Arlette Thomas (Christine) et Jacques Dasque (Fritz). Selon le réalisateur, le théâtre de Schnitzler, en particulier ses pièces en un acte, se prête parfaitement au format télévisuel, s’inscrivant dans une certaine tradition française théâtrale et cinématographique<ref>Bluwal 2012</ref>. À ce sujet, il exprime son regret face au « monopole » exercé par Dominique Auclères dans le domaine de la traduction des œuvres de l’écrivain autrichien<ref>ibid.</ref>. Il déplore en particulier que la traductrice se soit davantage intéressée aux nouvelles de Schnitzler qu’à son œuvre théâtrale. Il évoque, par exemple, l’impossibilité d’adapter, à l’époque, les grandes pièces en cinq actes, comme ''Le chemin solitaire'' (''Der einsame Weg'') ou ''Terre étrangère'' (''Das weite Land''), étant donné que les traductions françaises de ces œuvres n’existaient pas encore et qu’il était impossible d’en proposer une traduction sans empiéter sur les droits d’auteur détenus par Auclères. Il salue, à cet égard, les adaptations ultérieures de ces pièces par [[Luc Bondy]], réalisées dans les années 1980, qu’il juge très réussies<ref>ibid.</ref>. | ||
Les questions de droits d’auteur se sont posées au sujet de l’adaptation de ''Comtesse Mizzi'' (''Mitzi'', 1978), avec Danièle Lebrun, Françoise Giret, Robert Murzeau et Pascal Greggory dans les rôles-titres. Bluwal découvre ce texte en version anglaise à la fin des années 1960, au sein d’un recueil regroupant les meilleures pièces en un acte du répertoire mondial. Il est séduit par ce qu’il qualifie d’« excellente comédie de conversation », qui se prête idéalement, par sa durée et sa structure dramatique, au format télévisuel. Il apprécie particulièrement la distance de Schnitzler et son jugement sur la société de son temps ainsi que les sous-entendus psychologiques qu’il a l’art d’instaurer entre les divers personnages<ref>ibid.</ref>. Il se procure alors le texte allemand et traduit la pièce en vue de l’adapter à l’écran. Après avoir pris connaissance de ce projet, Auclères propose d’abord à Bluwal d’adapter une autre pièce en un acte, ''La femme au poignard'' (''Die Frau mit dem Dolche''), qu’elle a déjà traduite. Face au refus du réalisateur, elle donne finalement son accord de principe pour l’adaptation de ''Comtesse Mizzi'' en lui demandant de revoir sa traduction et de lui soumettre à nouveau le scénario avant la réalisation <ref>Cagneau 2013, 125 | Les questions de droits d’auteur se sont posées au sujet de l’adaptation de ''Comtesse Mizzi'' (''Mitzi'', 1978), avec Danièle Lebrun, Françoise Giret, Robert Murzeau et Pascal Greggory dans les rôles-titres. Bluwal découvre ce texte en version anglaise à la fin des années 1960, au sein d’un recueil regroupant les meilleures pièces en un acte du répertoire mondial. Il est séduit par ce qu’il qualifie d’« excellente comédie de conversation », qui se prête idéalement, par sa durée et sa structure dramatique, au format télévisuel. Il apprécie particulièrement la distance de Schnitzler et son jugement sur la société de son temps ainsi que les sous-entendus psychologiques qu’il a l’art d’instaurer entre les divers personnages<ref>ibid.</ref>. Il se procure alors le texte allemand et traduit la pièce en vue de l’adapter à l’écran. Après avoir pris connaissance de ce projet, Auclères propose d’abord à Bluwal d’adapter une autre pièce en un acte, ''La femme au poignard'' (''Die Frau mit dem Dolche''), qu’elle a déjà traduite. Face au refus du réalisateur, elle donne finalement son accord de principe pour l’adaptation de ''Comtesse Mizzi'' en lui demandant de revoir sa traduction et de lui soumettre à nouveau le scénario avant la réalisation<ref>Cagneau 2013, 125</ref>. Cela est attesté dans le générique où les noms de Marcel Bluwal et de [[Suzanne Clauser|Dominique Auclères]] sont cités conjointement dans la rubrique « adaptation », bien que le réalisateur, comme il le souligne, ait fait seul le travail de traduction et d’adaptation<ref>Bluwal 2012</ref>. | ||
==La série télévisée ''Mozart'' (1982)== | ==La série télévisée ''Mozart'' (1982)== | ||
Quelques années plus tard, en 1982, Bluwal réalise la mini-série intitulée Mozart, une coproduction internationale (dix-sept pays figurent parmi les coproducteurs) retraçant la vie du compositeur. Composée de six épisodes de 85 minutes chacun, elle est diffusée en Belgique à partir du 7 mars 1982 sur RTBF1 et en France à partir du 19 mars 1982 sur TF1. En Allemagne, la première diffusion de la série a lieu le 25 décembre 1982 sur l’ARD. En 2008, un coffret DVD de la série est publié en version allemande sous le titre ''Mozart. Das wahre Leben des genialen Musikers'' (''Mozart. La vraie vie du musicien de génie''). Le coffret DVD français paraît plus tard, en 2014, dans une version restaurée produite par les studios Koba Films. Parmi les comédiens principaux figurent Michel Bouquet, dans le rôle de Leopold Mozart, Christoph Bantzer, acteur allemand qui joue Mozart adulte, et d’autres acteurs et actrices français renommés comme Michel Aumont, Martine Chevallier, Madeleine Robinson, Jean-Claude Brialy ou encore Pierre Arditi. La série, qui a été adaptée sous forme de livre, reçoit un accueil critique favorable, tant en France que dans les pays germanophones<ref>Danel 2014, 185 ; France Culture 2015</ref>. | Quelques années plus tard, en 1982, Bluwal réalise la mini-série intitulée ''Mozart'', une coproduction internationale (dix-sept pays figurent parmi les coproducteurs) retraçant la vie du compositeur. Composée de six épisodes de 85 minutes chacun, elle est diffusée en Belgique à partir du 7 mars 1982 sur RTBF1 et en France à partir du 19 mars 1982 sur TF1. En Allemagne, la première diffusion de la série a lieu le 25 décembre 1982 sur l’ARD. En 2008, un coffret DVD de la série est publié en version allemande sous le titre ''Mozart. Das wahre Leben des genialen Musikers'' (''Mozart. La vraie vie du musicien de génie''). Le coffret DVD français paraît plus tard, en 2014, dans une version restaurée produite par les studios Koba Films. Parmi les comédiens principaux figurent Michel Bouquet, dans le rôle de Leopold Mozart, Christoph Bantzer, acteur allemand qui joue Mozart adulte, et d’autres acteurs et actrices français renommés comme Michel Aumont, Martine Chevallier, Madeleine Robinson, Jean-Claude Brialy ou encore Pierre Arditi. La série, qui a été adaptée sous forme de livre, reçoit un accueil critique favorable, tant en France que dans les pays germanophones<ref>Danel 2014, 185 ; France Culture 2015</ref>. | ||
À la fin de l’entretien réalisé pour ''Télé notre histoire'', Bluwal évoque ce qu’il appelle « l’aventure Mozart » qui a constitué un véritable défi. Sollicité par la société Télécip pour réaliser la série, et disposant de moyens financiers substantiels, il s’engage dans une entreprise particulièrement complexe étant donné qu’elle réunit des comédiens de diverses nationalités, parlant des langues différentes, ce qui nécessite de nombreux ajustements en matière d’interprétation, de raccords et de doublage. Bluwal décide d’aborder le projet de manière didactique en respectant la progression chronologique de la vie de Mozart. Son ambition est de déconstruire les représentations nationales qui prévalent sur le compositeur : celle d’un enfant angélique en France, héritée de la biographie d’Henri Ghéon<ref>https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb321622948</ref>, et celle d’un compositeur olympien, tant en Autriche<ref>Bluwal 1999</ref> qu’en Allemagne<ref>France Culture 2015</ref>. Aux yeux du réalisateur, Mozart incarne une figure universelle, parmi les plus brillantes et les plus extraordinaires qui soient. Dans cette perspective, il propose, à travers cette œuvre destinée au grand public, une mise en scène classique, dépourvue de pathos, où la musique occupe une place centrale. Chaque épisode est accompagné de huit à douze extraits musicaux issus de partitions plus ou moins connues du compositeur. La dimension autrichienne ne joue pas de rôle particulier dans la série ; c’est davantage l’homme créateur et le génie universel que Bluwal a souhaité mettre en lumière dans sa réalisation<ref>France Culture | À la fin de l’entretien réalisé pour ''Télé notre histoire'', Bluwal évoque ce qu’il appelle « l’aventure Mozart » qui a constitué un véritable défi. Sollicité par la société Télécip pour réaliser la série, et disposant de moyens financiers substantiels, il s’engage dans une entreprise particulièrement complexe étant donné qu’elle réunit des comédiens de diverses nationalités, parlant des langues différentes, ce qui nécessite de nombreux ajustements en matière d’interprétation, de raccords et de doublage. Bluwal décide d’aborder le projet de manière didactique en respectant la progression chronologique de la vie de Mozart. Son ambition est de déconstruire les représentations nationales qui prévalent sur le compositeur : celle d’un enfant angélique en France, héritée de la biographie d’Henri Ghéon<ref>https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb321622948</ref>, et celle d’un compositeur olympien, tant en Autriche<ref>Bluwal 1999</ref> qu’en Allemagne<ref>France Culture 2015</ref>. Aux yeux du réalisateur, Mozart incarne une figure universelle, parmi les plus brillantes et les plus extraordinaires qui soient. Dans cette perspective, il propose, à travers cette œuvre destinée au grand public, une mise en scène classique, dépourvue de pathos, où la musique occupe une place centrale. Chaque épisode est accompagné de huit à douze extraits musicaux issus de partitions plus ou moins connues du compositeur. La dimension autrichienne ne joue pas de rôle particulier dans la série ; c’est davantage l’homme créateur et le génie universel que Bluwal a souhaité mettre en lumière dans sa réalisation<ref>France Culture 2015</ref>. | ||
==Références et liens externes== | ==Références et liens externes== | ||
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==Littérature secondaire== | ==Littérature secondaire== | ||
*Cagneau, Irène : | *Cagneau, Irène : Les adaptations de Schnitzler à la télévision française (1956-1979) Germanica, n° 52, 2013, p. 113-131. | ||
*Danel, Isabelle : Marcel Bluwal. Pionnier de la télévision. Une vie, une œuvre, des premiers postes à nos jours. Paris : Scrineo 2014. | *Danel, Isabelle : Marcel Bluwal. Pionnier de la télévision. Une vie, une œuvre, des premiers postes à nos jours. Paris : Scrineo 2014. | ||
*Danel, Isabelle : Bluwal Marcel (1925-2021). In Encyclopædia Universalis. Article mis en ligne le 01/12/2021 et modifié le 10/01/2022. Disponible sur : https://www-universalis-edu-com.ezproxy.uphf.fr/encyclopedie/marcel-bluwal (consulté le 7 mars 2025). | *Danel, Isabelle : Bluwal Marcel (1925-2021). In Encyclopædia Universalis. Article mis en ligne le 01/12/2021 et modifié le 10/01/2022. Disponible sur : https://www-universalis-edu-com.ezproxy.uphf.fr/encyclopedie/marcel-bluwal (consulté le 7 mars 2025). |
Dernière version du 31 mars 2025 à 07:17

Réalisateur français, metteur en scène de théâtre, de cinéma et de télévision, Marcel Bluwal (* 26 mai 1925 à Paris, † 23 octobre 2021 à Paris) est une figure emblématique de la télévision française. À travers ses réalisations de dramatiques, de téléfilms et de séries, il a contribué à la diffusion du théâtre et de la littérature de langue allemande en France et a su atteindre un large public tout en offrant une interprétation originale des œuvres adaptées. Sa mise à l’écran de deux pièces d’Arthur Schnitzler, Liebelei (1956) et Mitzi (1978), ainsi que la réalisation de la série télévisée Mozart (1982) témoignent de son intérêt pour la culture autrichienne et, plus largement, pour la culture germanophone. Cet intérêt s’illustre également dans ses adaptations de deux grandes pièces du répertoire allemand pour la télévision, Woyzeck de Georg Büchner (1964) et Lulu de Frank Wedekind (1978), ainsi que dans ses mises en scène d’opéras de Mozart dans les années 1970-1980.
Biographie
Fils unique d’Henri et Eda Bluwal, émigrés juifs polonais de Varsovie arrivés en France en 1924, Marcel Bluwal naît le 26 mai 1925 à Paris. Il grandit dans un environnement à la fois populaire et cultivé. Son père, cadre au sein d’une usine de meubles et membre du Bund (mouvement socialiste juif), aime à fréquenter, avec son épouse Eda, les artistes et les intellectuels du mouvement surréaliste à la Coupole, permettant au jeune Marcel de passer régulièrement des rues populaires de son quartier à la brillante scène artistique de Montparnasse. Très tôt, il se passionne pour la littérature, la musique et le cinéma. Malgré l’Occupation, il obtient son baccalauréat en juillet 1942. Quelques jours plus tard, il échappe à la « rafle du Vél’ d’Hiv’ » en se cachant avec sa mère chez la professeure de piano de celle-ci. Ils demeureront ainsi cachés pendant un peu plus de deux ans, jusqu’à la Libération[1]. En 1945, Bluwal intègre l’École technique de la Photo et du Cinéma située rue de Vaugirard. Quelques années plus tard, il commence sa carrière au sein de la RTF (Radiodiffusion Télévision Française), institution qu’il ne quittera pas, à l’exception de quelques incursions au cinéma, au théâtre et à l’opéra.
Parmi les réalisations les plus remarquables de Bluwal pour la télévision, il convient de mentionner Dom Juan ou le Festin de pierre (1965), une interprétation audacieuse du classique de Molière avec Michel Piccoli et Claude Brasseur, ainsi que Le Jeu de l’amour et du hasard (1967), adaptation de la pièce de Marivaux, qui reçoit également un accueil critique favorable. Dans le domaine germanophone, c’est l’adaptation de Lulu de Frank Wedekind qui retient particulièrement l’attention de la critique. Lors d’un entretien réalisé pour la série documentaire Télé notre histoire, Bluwal évoque la découverte de ce qu’il considère comme une « immense pièce du répertoire » international. Il entreprend alors de la traduire, de l’adapter et de la mettre en scène pour la télévision française, bénéficiant des fonds nécessaires pour réaliser ce projet ambitieux[2]. En juin 1978, l’adaptation, d’une durée totale de cinq heures, est diffusée en trois parties sur Antenne 2, avec Danièle Lebrun dans le rôle principal.
Dans les années 1950, Bluwal est proche du Parti communiste français, auquel il adhère officiellement en 1970 et qu’il quitte en 1981. Cet engagement se reflète dans ses choix de mise en scène, privilégiant souvent des œuvres à forte dimension sociale et politique. Professeur au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris de 1975 à 1980, il monte des pièces de théâtre pour le Théâtre de la Ville, le Théâtre de l’Odéon et la Comédie Française. Passionné de musique et d’art lyrique, il réalise également, dans les années 1980, plusieurs mises en scène d’œuvres de Mozart pour l’Opéra de la Ruhr, parmi lesquelles figurent Don Giovanni (1981) et Cosi fan tutte (1984), ainsi qu’une adaptation de La Flûte enchantée pour l’Opéra Comique (1986).
Arthur Schnitzler : Liebelei (1956) et Mitzi (1978)
À l’époque des débuts de la télévision, les dramatiques de la RTF sont essentiellement cantonnées au répertoire classique français, avec une représentation limitée du répertoire international. L’ambition de Bluwal est d’enrichir ce répertoire en y intégrant les œuvres d’écrivains étrangers (Liebelei d’Arthur Schnitzler en 1956, mais aussi Le Baladin du monde occidental du dramaturge irlandais John Millington Synge en 1957, ou encore Les Joueurs de Nicolas Gogol en 1960). Les jeunes réalisateurs jouissent alors d’une grande liberté dans leurs choix d’adaptations. Toutefois, le budget est restreint, tout comme les conditions de tournage. Bluwal, qui a vu et apprécié le film de Max Ophuls, Liebelei (1933), souhaite présenter une version fidèle au texte original de Schnitzler, dans un « style dépouillé[3] », très éloigné de l’adaptation cinématographique. Le réalisateur connaît la traduction de Dominique Auclères (Suzanne Clauser) publiée dans La Petite Illustration théâtrale en 1933 et propose le projet à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), avec, dans les rôles principaux, Arlette Thomas (Christine) et Jacques Dasque (Fritz). Selon le réalisateur, le théâtre de Schnitzler, en particulier ses pièces en un acte, se prête parfaitement au format télévisuel, s’inscrivant dans une certaine tradition française théâtrale et cinématographique[4]. À ce sujet, il exprime son regret face au « monopole » exercé par Dominique Auclères dans le domaine de la traduction des œuvres de l’écrivain autrichien[5]. Il déplore en particulier que la traductrice se soit davantage intéressée aux nouvelles de Schnitzler qu’à son œuvre théâtrale. Il évoque, par exemple, l’impossibilité d’adapter, à l’époque, les grandes pièces en cinq actes, comme Le chemin solitaire (Der einsame Weg) ou Terre étrangère (Das weite Land), étant donné que les traductions françaises de ces œuvres n’existaient pas encore et qu’il était impossible d’en proposer une traduction sans empiéter sur les droits d’auteur détenus par Auclères. Il salue, à cet égard, les adaptations ultérieures de ces pièces par Luc Bondy, réalisées dans les années 1980, qu’il juge très réussies[6].
Les questions de droits d’auteur se sont posées au sujet de l’adaptation de Comtesse Mizzi (Mitzi, 1978), avec Danièle Lebrun, Françoise Giret, Robert Murzeau et Pascal Greggory dans les rôles-titres. Bluwal découvre ce texte en version anglaise à la fin des années 1960, au sein d’un recueil regroupant les meilleures pièces en un acte du répertoire mondial. Il est séduit par ce qu’il qualifie d’« excellente comédie de conversation », qui se prête idéalement, par sa durée et sa structure dramatique, au format télévisuel. Il apprécie particulièrement la distance de Schnitzler et son jugement sur la société de son temps ainsi que les sous-entendus psychologiques qu’il a l’art d’instaurer entre les divers personnages[7]. Il se procure alors le texte allemand et traduit la pièce en vue de l’adapter à l’écran. Après avoir pris connaissance de ce projet, Auclères propose d’abord à Bluwal d’adapter une autre pièce en un acte, La femme au poignard (Die Frau mit dem Dolche), qu’elle a déjà traduite. Face au refus du réalisateur, elle donne finalement son accord de principe pour l’adaptation de Comtesse Mizzi en lui demandant de revoir sa traduction et de lui soumettre à nouveau le scénario avant la réalisation[8]. Cela est attesté dans le générique où les noms de Marcel Bluwal et de Dominique Auclères sont cités conjointement dans la rubrique « adaptation », bien que le réalisateur, comme il le souligne, ait fait seul le travail de traduction et d’adaptation[9].
La série télévisée Mozart (1982)
Quelques années plus tard, en 1982, Bluwal réalise la mini-série intitulée Mozart, une coproduction internationale (dix-sept pays figurent parmi les coproducteurs) retraçant la vie du compositeur. Composée de six épisodes de 85 minutes chacun, elle est diffusée en Belgique à partir du 7 mars 1982 sur RTBF1 et en France à partir du 19 mars 1982 sur TF1. En Allemagne, la première diffusion de la série a lieu le 25 décembre 1982 sur l’ARD. En 2008, un coffret DVD de la série est publié en version allemande sous le titre Mozart. Das wahre Leben des genialen Musikers (Mozart. La vraie vie du musicien de génie). Le coffret DVD français paraît plus tard, en 2014, dans une version restaurée produite par les studios Koba Films. Parmi les comédiens principaux figurent Michel Bouquet, dans le rôle de Leopold Mozart, Christoph Bantzer, acteur allemand qui joue Mozart adulte, et d’autres acteurs et actrices français renommés comme Michel Aumont, Martine Chevallier, Madeleine Robinson, Jean-Claude Brialy ou encore Pierre Arditi. La série, qui a été adaptée sous forme de livre, reçoit un accueil critique favorable, tant en France que dans les pays germanophones[10].
À la fin de l’entretien réalisé pour Télé notre histoire, Bluwal évoque ce qu’il appelle « l’aventure Mozart » qui a constitué un véritable défi. Sollicité par la société Télécip pour réaliser la série, et disposant de moyens financiers substantiels, il s’engage dans une entreprise particulièrement complexe étant donné qu’elle réunit des comédiens de diverses nationalités, parlant des langues différentes, ce qui nécessite de nombreux ajustements en matière d’interprétation, de raccords et de doublage. Bluwal décide d’aborder le projet de manière didactique en respectant la progression chronologique de la vie de Mozart. Son ambition est de déconstruire les représentations nationales qui prévalent sur le compositeur : celle d’un enfant angélique en France, héritée de la biographie d’Henri Ghéon[11], et celle d’un compositeur olympien, tant en Autriche[12] qu’en Allemagne[13]. Aux yeux du réalisateur, Mozart incarne une figure universelle, parmi les plus brillantes et les plus extraordinaires qui soient. Dans cette perspective, il propose, à travers cette œuvre destinée au grand public, une mise en scène classique, dépourvue de pathos, où la musique occupe une place centrale. Chaque épisode est accompagné de huit à douze extraits musicaux issus de partitions plus ou moins connues du compositeur. La dimension autrichienne ne joue pas de rôle particulier dans la série ; c’est davantage l’homme créateur et le génie universel que Bluwal a souhaité mettre en lumière dans sa réalisation[14].
Références et liens externes
Bibliographie
Sources
- Bluwal, Marcel : Liebelei (Amourette), RTF, noir et blanc, 1956, 75 minutes.
- Bluwal, Marcel : Mitzi, Antenne 2, couleur, 1978, 75 minutes.
- Bluwal, Marcel : Mozart, Galaxy Films, RAI Radiotelevisione Italiana, Radio Canada Productions, Radio Télévision Belge Francophone, TF1, Télécip, Télévision Suisse Romande, couleur, 1982, 6 épisodes de 85 minutes.
- Bluwal, Marcel : Mozart. D'après la série télévisée de T.F.1 réalisée par Marcel Bluwal, scénario et adaptation de Béatrice Rubinstein et Marcel Bluwal ; dialogues de Félicien Marceau et de Marcel Bluwal. Paris : Librairie Générale Française 1983.
- Bluwal, Marcel : Entretien réalisé le 24.10.1999 pour la série documentaire « Télé notre histoire ». Entretiens patrimoniaux de l’INA, réal. Dominique Froissant. Disponible sur https://entretiens.ina.fr/entretien/27/marcel-bluwal/print (consulté le 7 mars 2025).
- Bluwal, Marcel : Entretien réalisé par Irène Cagneau le 04.09.2012 au domicile du réalisateur.
Littérature secondaire
- Cagneau, Irène : Les adaptations de Schnitzler à la télévision française (1956-1979) Germanica, n° 52, 2013, p. 113-131.
- Danel, Isabelle : Marcel Bluwal. Pionnier de la télévision. Une vie, une œuvre, des premiers postes à nos jours. Paris : Scrineo 2014.
- Danel, Isabelle : Bluwal Marcel (1925-2021). In Encyclopædia Universalis. Article mis en ligne le 01/12/2021 et modifié le 10/01/2022. Disponible sur : https://www-universalis-edu-com.ezproxy.uphf.fr/encyclopedie/marcel-bluwal (consulté le 7 mars 2025).
- France Culture : Marcel Bluwal le téléaste, épisode 5 « Music-Hall, théâtre et musique ». À voix nue, France Culture 2015. Disponible sur : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie/marcel-bluwal-le-teleaste (consulté le 24 mars 2025).
Auteur
Irène Cagneau
Mise en ligne : 28/03/2025