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Une partie stable du répertoire, environ un tiers des pièces jouées (selon Halczak 1968, p. 440, les auteurs français représentaient un quart de tous les auteurs joués et leurs œuvres même un tiers de l’ensemble des représentations.), étaient en effet des traductions ou des adaptations de pièces de divertissement françaises (comédies et drames sociaux) : des œuvres d’[[Émile Augier]] (1820–1889), dont Laube considérait Le Fils de Giboyer (1862), une pièce qui s’en prenait au clergé et fit grand bruit en son temps, comme « la meilleure pièce [...] dans la nouvelle littérature comique des Français<ref>Laube 1959 : 635</ref> », Théodore Barrière<ref>https://xn--thtre-documentation-cvb0m.com/content/barri%C3%A8re-th%C3%A9odore</ref> (1823–1877, auteur de vaudevilles et de mélodrames), Jean-François Bayard<ref>https://xn--thtre-documentation-cvb0m.com/content/bayard-jean-fran%C3%A7ois-alfred</ref> (1796–1853, auteur de plus de 200 pièces), Alphonse Daudet<ref>https://www.universalis.fr/encyclopedie/alphonse-daudet/</ref> (1840–1897, toujours célèbre aujourd’hui comme auteur des ''Lettres de mon moulin''), Alexandre Dumas fils<ref>https://gallica.bnf.fr/essentiels/dumas-fils</ref> (1824–1895), Octave Feuillet<ref>https://www.universalis.fr/encyclopedie/octave-feuillet/</ref> (1821–1890), Delphine de Girardin<ref>https://gallica.bnf.fr/essentiels/girardin</ref> (1804–1855, autrice de comédies et de tragédies néoclassiques), Henri Meilhac<ref>https://www.universalis.fr/encyclopedie/henri-meilhac/</ref> (1831–1897, auteur avec Ludovic Halévy de quelque 50 pièces) ou [[Victorien Sardou]] (1831–1908, surnommé « l’Empereur du théâtre », auteur de comédies historiques). Mais le principal fournisseur de pièces françaises à cette époque était [[Eugène Scribe]]<ref>Voir Ruprecht 1976</ref> (1791–1861, auteur de plus de 400 pièces), l’un des maîtres, avec Labiche et Feydeau, du vaudeville français : avec 77 mises en scène, il deviendra au XIX<sup>e</sup> siècle l’auteur français le plus joué au Burgtheater. | Une partie stable du répertoire, environ un tiers des pièces jouées (selon Halczak 1968, p. 440, les auteurs français représentaient un quart de tous les auteurs joués et leurs œuvres même un tiers de l’ensemble des représentations.), étaient en effet des traductions ou des adaptations de pièces de divertissement françaises (comédies et drames sociaux) : des œuvres d’[[Émile Augier]] (1820–1889), dont Laube considérait Le Fils de Giboyer (1862), une pièce qui s’en prenait au clergé et fit grand bruit en son temps, comme « la meilleure pièce [...] dans la nouvelle littérature comique des Français<ref>Laube 1959 : 635</ref> », Théodore Barrière<ref>https://xn--thtre-documentation-cvb0m.com/content/barri%C3%A8re-th%C3%A9odore</ref> (1823–1877, auteur de vaudevilles et de mélodrames), Jean-François Bayard<ref>https://xn--thtre-documentation-cvb0m.com/content/bayard-jean-fran%C3%A7ois-alfred</ref> (1796–1853, auteur de plus de 200 pièces), Alphonse Daudet<ref>https://www.universalis.fr/encyclopedie/alphonse-daudet/</ref> (1840–1897, toujours célèbre aujourd’hui comme auteur des ''Lettres de mon moulin''), Alexandre Dumas fils<ref>https://gallica.bnf.fr/essentiels/dumas-fils</ref> (1824–1895), Octave Feuillet<ref>https://www.universalis.fr/encyclopedie/octave-feuillet/</ref> (1821–1890), Delphine de Girardin<ref>https://gallica.bnf.fr/essentiels/girardin</ref> (1804–1855, autrice de comédies et de tragédies néoclassiques), Henri Meilhac<ref>https://www.universalis.fr/encyclopedie/henri-meilhac/</ref> (1831–1897, auteur avec Ludovic Halévy de quelque 50 pièces) ou [[Victorien Sardou]] (1831–1908, surnommé « l’Empereur du théâtre », auteur de comédies historiques). Mais le principal fournisseur de pièces françaises à cette époque était [[Eugène Scribe]]<ref>Voir Ruprecht 1976</ref> (1791–1861, auteur de plus de 400 pièces), l’un des maîtres, avec Labiche et Feydeau, du vaudeville français : avec 77 mises en scène, il deviendra au XIX<sup>e</sup> siècle l’auteur français le plus joué au Burgtheater. | ||
Aux reproches des critiques – comme Franz Xaver Riedl dans la ''Theaterzeitung'' – qui, pour cette raison, considéraient Laube comme un « promoteur des Français » aux dépens des auteurs germanophones, celui-ci répondit succinctement : « Ce n’est pas pour les Français que nous agissons, mais pour le théâtre actuel.<ref>Ibid. : 289</ref> » Les comédies de Scribe, Meilhac et Sardou sont « aussi impartialement européennes et drôles qu’on peut le souhaiter.<ref>Ibid. : 291/ref> » Laube était bien conscient du fait que l’attractivité d’une scène telle que le Burgtheater dépendait en grande partie de la diversité de son programme. Dans un retour sur ses années à la tête du Burgtheater intitulé ''Das Burgtheater'' (1868), il alla même jusqu’à affirmer que cette diversité faisait du Burgtheater une scène européenne plus importante que la Comédie-Française elle-même : « Le Burgtheater a offert depuis bon nombre d’années le répertoire le plus complet, non seulement en Allemagne, mais en Europe. Le Théâtre Français, notre grand rival, ne dépasse nulle part les frontières romanes en raison de sa nature romane fermée et ne peut rien s’approprier de l’étranger comme nous y parvenons. Et il n’y a pas d’autre rival. Les théâtres allemands sont tous restés en retrait, la scène anglaise est tombée en ruine et la scène espagnole comme la scène italienne sont francisées.<ref>Ibid. : 177</ref> » | Aux reproches des critiques – comme Franz Xaver Riedl dans la ''Theaterzeitung'' – qui, pour cette raison, considéraient Laube comme un « promoteur des Français » aux dépens des auteurs germanophones, celui-ci répondit succinctement : « Ce n’est pas pour les Français que nous agissons, mais pour le théâtre actuel.<ref>Ibid. : 289</ref> » Les comédies de Scribe, Meilhac et Sardou sont « aussi impartialement européennes et drôles qu’on peut le souhaiter.<ref>Ibid. : 291>/ref> » Laube était bien conscient du fait que l’attractivité d’une scène telle que le Burgtheater dépendait en grande partie de la diversité de son programme. Dans un retour sur ses années à la tête du Burgtheater intitulé ''Das Burgtheater'' (1868), il alla même jusqu’à affirmer que cette diversité faisait du Burgtheater une scène européenne plus importante que la Comédie-Française elle-même : « Le Burgtheater a offert depuis bon nombre d’années le répertoire le plus complet, non seulement en Allemagne, mais en Europe. Le Théâtre Français, notre grand rival, ne dépasse nulle part les frontières romanes en raison de sa nature romane fermée et ne peut rien s’approprier de l’étranger comme nous y parvenons. Et il n’y a pas d’autre rival. Les théâtres allemands sont tous restés en retrait, la scène anglaise est tombée en ruine et la scène espagnole comme la scène italienne sont francisées.<ref>Ibid. : 177</ref> » | ||
Dans ses écrits sur le théâtre (''Schriften über Theater''), les remarques de Laube sur la Comédie-Française oscillent constamment entre polémique et admiration pour la grande scène française. À un endroit, il s’en prend par exemple au « style déclamatoire creux de l’école française » et le distingue « de la diction naturelle de Schröder<ref>Ibid. : 109</ref> » comme modèle d’un jeu à ses yeux approprié sur scène. Ailleurs, on lit en revanche : « Nous n’avons pas besoin de l’interprétation tragique des Français, une convention nationale, mais bien de la formation de l’organe de la parole, de la clarté de la prononciation qu’ils exigent. C’est précisément en cela que pèche le comédien allemand.<ref>Ibid. : 474</ref> » Cette attitude ambiguë – surreprésentation du ''Konversationsstück'' français contemporain au répertoire du Burgtheater et, en même temps, remarques critiques et polémiques sur la Comédie-Française dans ses écrits sur le théâtre – se reflète dans le point de vue de Laube sur le théâtre français en général : d’une part, il avait une nette préférence pour les comédies françaises modernes, mais d’autre part, il tenait une position ambiguë vis-à-vis de [[Molière]] et de la tragédie française classique : « L’être gaulois nous paraît toujours trop mince lorsqu’il en vient à la solution tragique.<ref>Ibid. : 516</ref> » Laube rompt ainsi clairement avec le « goût » classique français qui avait longtemps prévalu au Burgtheater. Il n’a par exemple jamais monté [[Jean Racine|Racine]]et [[Pierre Corneille|Corneille]], et il ne l’a fait qu’à contrecœur (et avec peu de succès) pour [[Molière]]. En ce qui concerne Molière, Laube était en effet d’avis que les rapports sociaux qu’il dépeint dans ses pièces étaient dépassés et qu’ils étaient, par conséquent, devenus inintéressants<ref>Ibid. : 177</ref>. En revanche, il appréciait tout particulièrement dans les pièces françaises contemporaines à la [[Eugène Scribe|Scribe]] la représentation des problèmes sociaux de son temps. Comme il ressort de son essai ''Eugène Scribe et notre théâtre comique''<ref>Ibid. : 712-718/ref>, Laube s’opposait aux critiques français férus de tradition dans la mesure où il préférait Scribe – le maître de la « composition » – à Molière. | Dans ses écrits sur le théâtre (''Schriften über Theater''), les remarques de Laube sur la Comédie-Française oscillent constamment entre polémique et admiration pour la grande scène française. À un endroit, il s’en prend par exemple au « style déclamatoire creux de l’école française » et le distingue « de la diction naturelle de Schröder<ref>Ibid. : 109</ref> » comme modèle d’un jeu à ses yeux approprié sur scène. Ailleurs, on lit en revanche : « Nous n’avons pas besoin de l’interprétation tragique des Français, une convention nationale, mais bien de la formation de l’organe de la parole, de la clarté de la prononciation qu’ils exigent. C’est précisément en cela que pèche le comédien allemand.<ref>Ibid. : 474</ref> » Cette attitude ambiguë – surreprésentation du ''Konversationsstück'' français contemporain au répertoire du Burgtheater et, en même temps, remarques critiques et polémiques sur la Comédie-Française dans ses écrits sur le théâtre – se reflète dans le point de vue de Laube sur le théâtre français en général : d’une part, il avait une nette préférence pour les comédies françaises modernes, mais d’autre part, il tenait une position ambiguë vis-à-vis de [[Molière]] et de la tragédie française classique : « L’être gaulois nous paraît toujours trop mince lorsqu’il en vient à la solution tragique.<ref>Ibid. : 516</ref> » Laube rompt ainsi clairement avec le « goût » classique français qui avait longtemps prévalu au Burgtheater. Il n’a par exemple jamais monté [[Jean Racine|Racine]]et [[Pierre Corneille|Corneille]], et il ne l’a fait qu’à contrecœur (et avec peu de succès) pour [[Molière]]. En ce qui concerne Molière, Laube était en effet d’avis que les rapports sociaux qu’il dépeint dans ses pièces étaient dépassés et qu’ils étaient, par conséquent, devenus inintéressants<ref>Ibid. : 177</ref>. En revanche, il appréciait tout particulièrement dans les pièces françaises contemporaines à la [[Eugène Scribe|Scribe]] la représentation des problèmes sociaux de son temps. Comme il ressort de son essai ''Eugène Scribe et notre théâtre comique''<ref>Ibid. : 712-718/ref>, Laube s’opposait aux critiques français férus de tradition dans la mesure où il préférait Scribe – le maître de la « composition » – à Molière. | ||
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Cette ambiguïté vis-à-vis du drame français peut se justifier de diverses manières. D’une part, le théâtre français contemporain auquel Laube accordait tant d’importance était à la mode à l’époque et constituait pour ainsi dire un réservoir de pièces auquel le directeur du Burgtheater pouvait aisément recourir pour s’assurer un succès financier dont la scène autrichienne avait par ailleurs grand besoin autour de 1850. Laube a donc mis les pièces françaises au programme du Burgtheater à des fins d’abord « pratiques », c’est-à-dire financières ; en même temps, elles permirent à Laube d’offrir à son public un programme riche et varié, qui ne se limitait pas aux œuvres classiques. D’autre part, les déclarations souvent polémiques de Laube sur la Comédie-Française s’expliquent par le fait qu’il a toujours eu à l’esprit le positionnement du Burgtheater au sein du théâtre européen et qu’il avait en même temps l’intention de faire de cette scène non seulement la scène principale de l’espace germanophone, mais aussi « le » théâtre national par excellence, ce qu’il exprime d’ailleurs clairement dans ses Lettres sur le théâtre allemand ''Briefe über das deutsche Theater''<ref>Ibid. : 58</ref>. | Cette ambiguïté vis-à-vis du drame français peut se justifier de diverses manières. D’une part, le théâtre français contemporain auquel Laube accordait tant d’importance était à la mode à l’époque et constituait pour ainsi dire un réservoir de pièces auquel le directeur du Burgtheater pouvait aisément recourir pour s’assurer un succès financier dont la scène autrichienne avait par ailleurs grand besoin autour de 1850. Laube a donc mis les pièces françaises au programme du Burgtheater à des fins d’abord « pratiques », c’est-à-dire financières ; en même temps, elles permirent à Laube d’offrir à son public un programme riche et varié, qui ne se limitait pas aux œuvres classiques. D’autre part, les déclarations souvent polémiques de Laube sur la Comédie-Française s’expliquent par le fait qu’il a toujours eu à l’esprit le positionnement du Burgtheater au sein du théâtre européen et qu’il avait en même temps l’intention de faire de cette scène non seulement la scène principale de l’espace germanophone, mais aussi « le » théâtre national par excellence, ce qu’il exprime d’ailleurs clairement dans ses Lettres sur le théâtre allemand ''Briefe über das deutsche Theater''<ref>Ibid. : 58</ref>. | ||
Dans cette lutte symbolique, voire politique, pour la domination du champ théâtral européen, le Théâtre Français ne pouvait apparaître à la fois que comme un modèle à suivre ''et'' comme un rival auquel le Burgtheater devait se comparer et se confronter. Il faut ajouter que la question de la « rivalité » entre le Burgtheater et la Comédie-Française s’est répercutée sur un tout autre domaine, celui de l’architecture : les bustes des grands auteurs dramatiques sur la façade du nouveau Burgtheater – les classiques de la littérature mondiale : Calderón, Shakespeare, Molière ; les classiques allemands : Lessing, Goethe, Schiller ; les auteurs tragiques du Burgtheater au XIX<sup>e</sup> siècle : Hebbel<ref>https://friedrich-hebbel.de/gesellschaft/</ref>, [[Franz Grillparzer|Grillparzer]], Halm<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Friedrich_Halm</ref> – ne témoignent pas moins que le discours de Laube de cette rivalité entre les deux scènes comme des exigences élevées du Burgtheater. | Dans cette lutte symbolique, voire politique, pour la domination du champ théâtral européen, le Théâtre Français ne pouvait apparaître à la fois que comme un modèle à suivre ''et'' comme un rival auquel le Burgtheater devait se comparer et se confronter. Il faut ajouter que la question de la « rivalité » entre le Burgtheater et la Comédie-Française s’est répercutée sur un tout autre domaine, celui de l’architecture : les bustes des grands auteurs dramatiques sur la façade du nouveau Burgtheater – les classiques de la littérature mondiale : Calderón, Shakespeare, Molière ; les classiques allemands : Lessing, Goethe, Schiller ; les auteurs tragiques du Burgtheater au XIX<sup>e</sup> siècle : Hebbel<ref>https://friedrich-hebbel.de/gesellschaft/</ref>, [[Franz Grillparzer|Grillparzer]], Halm<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Friedrich_Halm</ref> – ne témoignent pas moins que le discours de Laube de cette rivalité entre les deux scènes comme des exigences élevées du Burgtheater. | ||
==Références et liens externes== | ==Références et liens externes== |
Version du 30 janvier 2025 à 11:55

Heinrich Laube (* 18 décembre 1806 à Sprottau, Silésie, † 1er août 1884 à Vienne) est un écrivain, dramaturge, directeur de théâtre allemand et membre de la diète de Francfort. Après avoir noué des contacts avec diverses scènes viennoises à partir de 1845, il fut nommé directeur artistique du Burgtheater de Vienne à la fin de l’année 1849, poste qu’il occupa pendant plus de 18 ans.
Biographie
Lorsque Laube devint directeur du Burgtheater, il se vit aussitôt confronté à de grandes difficultés financières qu’il s’agissait néanmoins de surmonter au plus vite, sa devise étant : « L’équipement est succinct, mais le spectacle est riche ![1] ». Cette « réhabilitation » du Burgtheater après la direction de Deinhardstein[2] et de Holbein[3], Laube l’entreprit d’une part en proposant un programme littéraire exigeant, comprenant de nouvelles productions des « classiques » allemands Goethe, Schiller et Lessing, mais aussi Shakespeare, sans parler des reprises à succès des pièces de Franz Grillparzer, d’autre part en introduisant des pièces étrangères contemporaines, notamment des comédies de mœurs et des Konversstionsstücke françaises, qui furent nombreuses à être programmées au Burgtheater sous la direction de Laube.
Une partie stable du répertoire, environ un tiers des pièces jouées (selon Halczak 1968, p. 440, les auteurs français représentaient un quart de tous les auteurs joués et leurs œuvres même un tiers de l’ensemble des représentations.), étaient en effet des traductions ou des adaptations de pièces de divertissement françaises (comédies et drames sociaux) : des œuvres d’Émile Augier (1820–1889), dont Laube considérait Le Fils de Giboyer (1862), une pièce qui s’en prenait au clergé et fit grand bruit en son temps, comme « la meilleure pièce [...] dans la nouvelle littérature comique des Français[4] », Théodore Barrière[5] (1823–1877, auteur de vaudevilles et de mélodrames), Jean-François Bayard[6] (1796–1853, auteur de plus de 200 pièces), Alphonse Daudet[7] (1840–1897, toujours célèbre aujourd’hui comme auteur des Lettres de mon moulin), Alexandre Dumas fils[8] (1824–1895), Octave Feuillet[9] (1821–1890), Delphine de Girardin[10] (1804–1855, autrice de comédies et de tragédies néoclassiques), Henri Meilhac[11] (1831–1897, auteur avec Ludovic Halévy de quelque 50 pièces) ou Victorien Sardou (1831–1908, surnommé « l’Empereur du théâtre », auteur de comédies historiques). Mais le principal fournisseur de pièces françaises à cette époque était Eugène Scribe[12] (1791–1861, auteur de plus de 400 pièces), l’un des maîtres, avec Labiche et Feydeau, du vaudeville français : avec 77 mises en scène, il deviendra au XIXe siècle l’auteur français le plus joué au Burgtheater.
Aux reproches des critiques – comme Franz Xaver Riedl dans la Theaterzeitung – qui, pour cette raison, considéraient Laube comme un « promoteur des Français » aux dépens des auteurs germanophones, celui-ci répondit succinctement : « Ce n’est pas pour les Français que nous agissons, mais pour le théâtre actuel.[13] » Les comédies de Scribe, Meilhac et Sardou sont « aussi impartialement européennes et drôles qu’on peut le souhaiter.Erreur de référence : Balise fermante </ref>
manquante pour la balise <ref>
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Dans ses écrits sur le théâtre (Schriften über Theater), les remarques de Laube sur la Comédie-Française oscillent constamment entre polémique et admiration pour la grande scène française. À un endroit, il s’en prend par exemple au « style déclamatoire creux de l’école française » et le distingue « de la diction naturelle de Schröder[14] » comme modèle d’un jeu à ses yeux approprié sur scène. Ailleurs, on lit en revanche : « Nous n’avons pas besoin de l’interprétation tragique des Français, une convention nationale, mais bien de la formation de l’organe de la parole, de la clarté de la prononciation qu’ils exigent. C’est précisément en cela que pèche le comédien allemand.[15] » Cette attitude ambiguë – surreprésentation du Konversationsstück français contemporain au répertoire du Burgtheater et, en même temps, remarques critiques et polémiques sur la Comédie-Française dans ses écrits sur le théâtre – se reflète dans le point de vue de Laube sur le théâtre français en général : d’une part, il avait une nette préférence pour les comédies françaises modernes, mais d’autre part, il tenait une position ambiguë vis-à-vis de Molière et de la tragédie française classique : « L’être gaulois nous paraît toujours trop mince lorsqu’il en vient à la solution tragique.[16] » Laube rompt ainsi clairement avec le « goût » classique français qui avait longtemps prévalu au Burgtheater. Il n’a par exemple jamais monté Racineet Corneille, et il ne l’a fait qu’à contrecœur (et avec peu de succès) pour Molière. En ce qui concerne Molière, Laube était en effet d’avis que les rapports sociaux qu’il dépeint dans ses pièces étaient dépassés et qu’ils étaient, par conséquent, devenus inintéressants[17]. En revanche, il appréciait tout particulièrement dans les pièces françaises contemporaines à la Scribe la représentation des problèmes sociaux de son temps. Comme il ressort de son essai Eugène Scribe et notre théâtre comiqueErreur de référence : Balise fermante </ref>
manquante pour la balise <ref>
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Dans cette lutte symbolique, voire politique, pour la domination du champ théâtral européen, le Théâtre Français ne pouvait apparaître à la fois que comme un modèle à suivre et comme un rival auquel le Burgtheater devait se comparer et se confronter. Il faut ajouter que la question de la « rivalité » entre le Burgtheater et la Comédie-Française s’est répercutée sur un tout autre domaine, celui de l’architecture : les bustes des grands auteurs dramatiques sur la façade du nouveau Burgtheater – les classiques de la littérature mondiale : Calderón, Shakespeare, Molière ; les classiques allemands : Lessing, Goethe, Schiller ; les auteurs tragiques du Burgtheater au XIXe siècle : Hebbel[18], Grillparzer, Halm[19] – ne témoignent pas moins que le discours de Laube de cette rivalité entre les deux scènes comme des exigences élevées du Burgtheater.
Références et liens externes
- ↑ Laube 1959 : 637
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Johann_Ludwig_Deinhardstein
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Franz_Ignaz_Holbein_von_Holbeinsberg
- ↑ Laube 1959 : 635
- ↑ https://xn--thtre-documentation-cvb0m.com/content/barri%C3%A8re-th%C3%A9odore
- ↑ https://xn--thtre-documentation-cvb0m.com/content/bayard-jean-fran%C3%A7ois-alfred
- ↑ https://www.universalis.fr/encyclopedie/alphonse-daudet/
- ↑ https://gallica.bnf.fr/essentiels/dumas-fils
- ↑ https://www.universalis.fr/encyclopedie/octave-feuillet/
- ↑ https://gallica.bnf.fr/essentiels/girardin
- ↑ https://www.universalis.fr/encyclopedie/henri-meilhac/
- ↑ Voir Ruprecht 1976
- ↑ Ibid. : 289
- ↑ Ibid. : 109
- ↑ Ibid. : 474
- ↑ Ibid. : 516
- ↑ Ibid. : 177
- ↑ https://friedrich-hebbel.de/gesellschaft/
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Friedrich_Halm
Bibliographie
Sources
- Laube, Heinrich : Schriften über Theater. Éd. par Eva Stahl-Wisten. Berlin (DDR) : Henschel 1959.
Littérature critique
- Dziemianko, Leszek / Hałub, Marek / Weber, Matthias (dir.) : Heinrich Laube (1806–1884). Leben und Werk. Bestandsaufnahmen – Facetten – Zusammenhänge. Leipzig : Leipziger Universitätsverlag 2016 (Schlesische Grenzgänger, vol. 8).
- Halczak, Katharina : Burgtheater und Comédie Française. Zwei Traditionsbühnen an der Wende zum 20. Jahrhundert. Vienne : Thèse de doctorat (non publiée) 1968.
- Lacheny, Marc : Wechselseitige Diskurse über Burgtheater und Comédie Française von Laube (1849) zu Wildgans. In : Sigurd Paul Scheichl / Karl Zieger (dir.) : Österreichisch-französische Kulturbeziehungen 1867–1938. France-Autriche : leurs relations culturelles de 1867 à 1938. Innsbruck : innsbruck university press 2012, p. 61–90.
- Ruprecht, Hans-George : Theaterpublikum und Textauffassung. Eine textsoziologische Studie zur Aufnahme und Wirkung von Eugène Scribes Theaterstücken im deutschen Sprachraum. Berne : Peter Lang 1976.
- Yates, W. E. : Theatre in Vienna. A Critical History, 1776–1995. Cambridge : Cambridge University Press 1996 (Cambridge studies in German), ici p. 67–76.
Auteur
Marc Lacheny
Mise en ligne : 30/01/2025