« Trilogie des films « Sissi » » : différence entre les versions
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La trilogie de films Sissi(1955-1957), réalisée et scénarisée par Ernst Marischka, mettant en scène Romy Schneider en Elisabeth d’Autriche, connaît – jusqu’à ce jour – un grand succès populaire en France. Si les films ont lancé la carrière de Romy Schneider, ils ont aussi participé à faire connaître le personnage et l’histoire autrichienne en France, en imposant cependant une certaine image fantasmée qui a durablement influencé la réception du pays, de son histoire et d’Elisabeth. Cette série de films est composée de trois longs-métrages : Sissi (1955), Sissi impératrice (1956) et Sissi face à son destin (1957). Chaque film retrace un épisode de la vie d’Elisabeth von Wittelsbach, impératrice d’Autriche par son mariage avec l’empereur François-Joseph. Si Elisabeth est depuis sa mort en 1898 l’objet de nombreuses œuvres artistiques – films, livres, pièces de théâtre et désormais séries télévisuelles – la trilogie des années 1950 demeure aujourd’hui encore l’une des représentations les plus connues de l’impératrice à l’écran. | La trilogie de films Sissi(1955-1957), réalisée et scénarisée par Ernst Marischka, mettant en scène Romy Schneider en Elisabeth d’Autriche, connaît – jusqu’à ce jour – un grand succès populaire en France. Si les films ont lancé la carrière de Romy Schneider, ils ont aussi participé à faire connaître le personnage et l’histoire autrichienne en France, en imposant cependant une certaine image fantasmée qui a durablement influencé la réception du pays, de son histoire et d’Elisabeth. Cette série de films est composée de trois longs-métrages : ''Sissi'' (1955), ''Sissi impératrice'' (1956) et ''Sissi face à son destin'' (1957). Chaque film retrace un épisode de la vie d’Elisabeth von Wittelsbach, impératrice d’Autriche par son mariage avec l’empereur François-Joseph. Si Elisabeth est depuis sa mort en 1898 l’objet de nombreuses œuvres artistiques – films, livres, pièces de théâtre et désormais séries télévisuelles – la trilogie des années 1950 demeure aujourd’hui encore l’une des représentations les plus connues de l’impératrice à l’écran. | ||
==Origine, développement et exportation== | ==Origine, développement et exportation== |
Version du 12 septembre 2024 à 15:16
La trilogie de films Sissi(1955-1957), réalisée et scénarisée par Ernst Marischka, mettant en scène Romy Schneider en Elisabeth d’Autriche, connaît – jusqu’à ce jour – un grand succès populaire en France. Si les films ont lancé la carrière de Romy Schneider, ils ont aussi participé à faire connaître le personnage et l’histoire autrichienne en France, en imposant cependant une certaine image fantasmée qui a durablement influencé la réception du pays, de son histoire et d’Elisabeth. Cette série de films est composée de trois longs-métrages : Sissi (1955), Sissi impératrice (1956) et Sissi face à son destin (1957). Chaque film retrace un épisode de la vie d’Elisabeth von Wittelsbach, impératrice d’Autriche par son mariage avec l’empereur François-Joseph. Si Elisabeth est depuis sa mort en 1898 l’objet de nombreuses œuvres artistiques – films, livres, pièces de théâtre et désormais séries télévisuelles – la trilogie des années 1950 demeure aujourd’hui encore l’une des représentations les plus connues de l’impératrice à l’écran.
Origine, développement et exportation

À l’origine de la trilogie de films d’Ernst Marischka, il y a d’abord un Lustspiel, une comédie intitulée Sissys Brautfahrt, créée par Gustav Holm (pseudonyme de Robert Weil[1]) et Ernst Decsey[2] en 1931. Les frères Marischka – Hubert (27 août 1882 à Vienne, † 4 décembre 1959 à Vienne) et Ernst (2 janvier 1893, † 12 mai 1963) – achètent les droits pour adapter la pièce en une opérette, qu’ils nomment simplement Sissy en 1932. C’est l’actrice Paula Wessely[3] qui est choisie pour interpréter le rôle de l’impératrice sur les planches du Theater an der Wien. Cette opérette connaît un grand succès populaire, elle est donnée presque 300 fois en représentation à Vienne entre 1932 et 1938. Les frères Marischka sont à cette époque des figures importantes du milieu du spectacle viennois : ils écrivent, réalisent et parfois même jouent dans de nombreuses comédies, opérettes et films. Toutes leurs productions s’inscrivent dans une célébration légère et joviale du passé, ayant recours à la musique et aux scènes humoristiques pour susciter des sentiments nostalgiques et optimistes. L’opérette Sissy illustre cette tendance, célébrant un passé glorifié, alors que l’Autriche d’après-guerre connaît d’importantes difficultés économiques et politiques. Une première adaptation de l’opérette au cinéma est lancée aux États-Unis par la Columbia Pictures en 1936 : The King Steps Out est une comédie musicale, réalisée par Josef von Sternberg[4] sur un scénario de Sidney Buchman[5], tandis que les frères Marischka, Ernst Decsey et Gustav Holm sont également crédités au scénario. Cependant, le sujet de la monarchie autrichienne parle peu au public américain et le film rencontre un succès modéré, il n’est d’ailleurs que rarement mentionné parmi les adaptations d’Elisabeth à l’écran. Après la Seconde Guerre mondiale, les représentations de l’opérette reprennent à Vienne, rencontrant à nouveau un grand succès – notamment grâce à leur enregistrement et leur diffusion radiophonique sur la station Rot-Weiß-Rot[6].
Fort du succès de son opérette, Ernst Marischka décide d’adapter l’histoire de Sissi sur grand écran et cette fois-ci, le film ne sera pas une comédie musicale. Le premier film Sissi reprend le même nom et la même trame narrative que l’opérette, se concentrant sur la rencontre d’Elisabeth et de François-Joseph, le désir de l’empereur de l’épouser plutôt que sa sœur aînée Hélène et s’achève sur leur mariage à Vienne. Ernst Marischka choisit pour incarner Sissi la toute jeune actrice Romy Schneider (23 septembre 1938 à Vienne, † 29 mai 1982 à Paris) âgée de 17 ans au moment du tournage du premier film. Fille de l’actrice Magda Schneider, Romy Schneider jouit à l’époque déjà d’une notoriété, grâce à ses premiers rôles au cinéma dans des productions autrichiennes et ouest-allemandes, mais surtout grâce au film Les Jeunes années d’une reine, où elle campe le rôle de la jeune reine Victoria.

Ce film, sorti en 1954, marque la première collaboration entre Ernst Marischka et Romy Schneider, avant leur collaboration à la trilogie Sissi. Magda Schneider interprète à l’écran le rôle de la duchesse Ludovica, mère d’Elisabeth, tandis que pour interpréter l’empereur François-Joseph, Marischka choisit un jeune acteur, connaissant une popularité similaire, Karlheinz Böhm[7], fils de Karl Böhm[8], alors directeur de l’Opéra de Vienne. Le tournage du premier film s’étend de la fin du mois d’août au mois de novembre 1955 dans les lieux historiques : les châteaux de Possenhofen et de Schönbrunn ou la villa impériale de Bad Ischl. Si la musique originale est confiée à Anton Profes[9], le réalisateur a également recours à de très nombreux morceaux traditionnellement associés à Vienne, à l’Autriche et à la monarchie des Habsbourg comme le Kaiserlied de Joseph Haydn, la Marche de Radetzky de Johann Strauss père et la valse des Roses du Sud de Johann Strauss fils. Le premier film sort dans les salles en Autriche le 21 décembre 1955. Le succès est immédiat ; deux suites seront tournées, produites et diffusées en 1956, puis 1957. Le deuxième film met en scène la première grossesse d’Elisabeth, ainsi que sa découverte et son soutien à la Hongrie, qui aboutit à son couronnement comme reine de Hongrie, alors que le troisième évoque sa maladie l’éloignant de Vienne et s’achève sur la visite anachronique du couple impérial en Italie. Ernst Marischka envisage alors un quatrième film, mais le projet ne peut aboutir, car Romy Schneider ne souhaite pas reprendre un rôle dont elle déplore la mièvrerie. Elle n’accepte de reprendre le rôle d’Elisabeth qu’à une seule reprise dans sa carrière, en 1972, pour le film Ludwig : le Crépuscule des Dieux du réalisateur italien Luchino Visconti[10], où elle campe une Elisabeth plus fidèle au personnage historique.

La trilogie rencontre un certain succès l’international, tout particulièrement en France, où les films sont distribués par la Société Nouvelle Cinématographique (SNC). Les deux premiers films Sissi et Sissi impératrice sortent la même année, respectivement le 1er mars 1957 et le 16 août 1957. Pour le doublage, Gilberte Aubry[11] prête sa voix à Sissi – elle double Romy Schneider dans tous ses rôles des années 1950 – dans les deux versions du doublage, celle de 1957 et de 1967. Sissi triomphe en France : les deux premiers films totalisent chacun plus de 6 millions d’entrées, faisant d’eux le deuxième et troisième film du box-office français pour 1957. Ces résultats spectaculaires s’expliquent par une affluence de fréquentation des salles, aidé par une diffusion gratuite du premier film pour les écoles, car le film est reconnu comme "œuvre culturelle". Le troisième film, Sissi face à son destin, rassemble 5,7 millions de spectateurs lors de sa sortie le 10 septembre 1958, obtenant la troisième place du box-office français pour l’année 1958. Ce succès populaire s’associe à une certaine reconnaissance professionnelle, puisque le deuxième, puis le troisième film représentent officiellement l’Autriche en compétition lors du festival de Cannes de 1957 et 1958.
Le succès de la trilogie Sissi a également permis à son interprète principale, Romy Schneider, de connaître une grande notoriété en Europe, et plus particulièrement en France, où elle décide de poursuivre et de diversifier sa carrière au début des années 1960 en jouant des rôles plus complexes. Romy Schneider reçoit en 1976 le tout premier César de la Meilleure Actrice pour L'important c'est d'aimer, cimentant sa place dans le paysage cinématographique français – elle est d’ailleurs naturalisée française en 1966. Si elle s’impose comme une actrice majeure, Sissi reste l’un des rôles auquel le public français l’associe le plus. Cela s’explique par le succès, mais surtout par la longévité dont la trilogie Sissi jouit, peu égalée en France pour un film étranger.
Tous les ans, les trois films sont diffusés à la télévision française, souvent à la période des fêtes de Noël, rassemblant un million de téléspectateurs et téléspectatrices en moyenne. Fortes de ce succès d’audience qui ne faiblit pas, d’autres œuvres mettant en scène l’impératrice sont produites ou diffusées en France. En 1997, l’animateur-réalisateur français Bruno Bianchi[12] crée le dessin animé Princesse Sissi, coproduction franco-italienne de 52 épisodes destinée à la jeunesse. Loin de toute véracité historique et pleinement ancré dans l’imaginaire du conte de fées, cette Sissi animée fait découvrir à une nouvelle génération cette vision idéalisée de l’impératrice et de son pays. Plus récemment, les écrans français – d’abord les chaînes du groupe TF1, puis celles du groupe M6 – ont diffusé une nouvelle série télévisuelle sur l’impératrice, intitulée simplement Sisi en Allemagne – mais Sissi en France, trace ici encore de l’impact de la trilogie d’Ernst Marischka. Le premier épisode de cette production allemande de la chaîne privée RTL, diffusé le 23 décembre 2021 sur TF1, a attiré 3 millions de téléspectateurs. Si la série a trouvé en Allemagne son public, puisque RTL produit en 2024 une quatrième saison, elle est rapidement boudée en France, ne parvenant pas à s’imposer réellement. Peut-être souffre-t-elle de la comparaison avec la représentation offerte par Romy Schneider, qui, bien que moins réaliste, a été adoptée et adorée par les téléspectateurs français ? Il faut également noter qu’une autre série sur Elisabeth, Die Kaiserin, diffusée à partir de 2022 sur la plateforme Netflix trouve également en France un public intéressé, puisqu’elle est restée plusieurs semaines en tête du classement des programmes les plus regardés sur la plateforme après sa mise en ligne en France – comme ailleurs dans le monde. Ce succès se retrouve également au cinéma, puisque le film Corsage de Marie Kreutzer (2022) réalise en France 80 142 entrées – soit la meilleure fréquentation en Europe après l’Italie, mais avant l’Allemagne.
La représentation d’Elisabeth proposée dans le film contribue aussi au succès de la trilogie : femme libre, compatissante, toujours montrée comme une épouse amoureuse et une mère dévouée, plus à même de se sentir à l’aise avec les gens du peuple que ceux issus de l’aristocratie, la Sissi de Marischka est une sorte de princesse des temps modernes. Les films d’Ernst Marischka ont introduit et popularisé le personnage historique d’Elisabeth en France, mais la trilogie a également imposé une certaine vision de l’Autriche. Par son caractère nostalgique, typique des Heimatfilme, la trilogie d’Ernst Marischka dépeint l’Autriche comme un paradis bucolique, arrière-plan idéal d’une grande histoire d’amour. Les films sont de véritables cartes postales de l’Autriche, donnant à voir la beauté de sa nature et de ses monuments historiques, incitant les spectateurs à venir découvrir ces paysages par eux-mêmes. Qu’il s’agisse des lieux de tournage ou des morceaux de musique classique utilisés dans les films, ces éléments dressent le portrait d’une nation culturelle de premier plan, au riche héritage historique et artistique et à la nature exaltée qui contribuent à faire oublier un passé récent plus sombre et controversé. La trilogie a permis de faire découvrir l’Autriche à de nombreux Français, offrant une image positive du pays et attirant donc un important public touristique, et ce, aujourd’hui encore. Les films ont durablement marqué les représentations de l’impératrice Elisabeth à l’écran, dont chaque nouvelle version ne semble pouvoir éviter la comparaison avec l’interprétation de Romy Schneider, d’autant plus dans son pays d’adoption, la France, où l’actrice jouit toujours d’une grande popularité, même quarante ans après sa mort.
Références et liens externes
- ↑ https://www.kabarettarchiv.at/Biografie-Robert-Weil
- ↑ https://biographien.ac.at/ID-0.3022566-1
- ↑ https://d-nb.info/gnd/118631756
- ↑ https://www.deutsche-biographie.de/gnd118753630.html
- ↑ https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb13930247z
- ↑ https://hdgoe.at/sendergruppe-rot-weiss-rot
- ↑ https://d-nb.info/gnd/118796585
- ↑ https://d-nb.info/gnd/118512528
- ↑ https://d-nb.info/gnd/134623029
- ↑ https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb12017722k
- ↑ https://www.imdb.com/name/nm4737179/
- ↑ https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb13775915z
Bibliographie
Œuvres audiovisuelles
- Sissi, réalisé par Ernst Marischka, scénario de Ernst Marischka, distribué par Erma-Film, Autriche, 102 min, 1955.
- Sissi – die junge Kaiserin, réalisé par Ernst Marischka, scénario de Ernst Marischka, distribué par Erma-Film, Autriche, 107 min, 1956.
- Sissi – Schicksalsjahre einer Kaiserin, réalisé par Ernst Marischka, scénario de Ernst Marischka, distribué par Erma-Film, Autriche, 109 min, 1957.
Littérature secondaire
- Hametz, Maura E., Schlipphacke, Heidi : Sissi’s World: The Empress Elisabeth in Memory and Myth. New York : Bloomsbury Publishing 2018.
- Scherer, Solène : Sissi(s) à l’écran : les nouvelles représentations de l’impératrice Elisabeth d’Autriche. In : Revue d'histoire culturelle. XVIIIe-XXIe siècles, No 8, 2024. URL : https://journals.openedition.org/rhc/9735
- Schlipphacke, Heidi : « Melancholy Empress: queering empire in Ernst Marischka’s Sissi films ». In : Screen, 2010, p. 232 55.
- Schlipphacke, Heidi : Nostalgia after Nazism: History, Home, and Affect in German and Austrian Literature and Film. Lewisburg : Bucknell University Press 2010.
- Vocelka, Karl : Michaela Vocelka: Sisi: Leben und Legende einer Kaiserin. Munich : C.H.Beck 2014.
Auteur
Solène Scherer
Mise en ligne : 11/09/2024