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Marc Lacheny
Mise en ligne : 14/06/2024

Version du 14 juin 2024 à 08:13

Fille du philosophe des sciences français Edmond Goblot[1](1858-1935), professeure agrégée d’allemand en 1917, Germaine Goblot (* 15 avril 1892 à Angers – † 21 février 1948 à Lyon) fut une germaniste française engagée qui, au péril de sa vie, cacha des Juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale. D’abord enseignante au lycée des Pontonniers (aujourd’hui : lycée international des Pontonniers) à Strasbourg, elle poursuit sa carrière au lycée de Jeunes Filles de Lyon-Saint-Just après la guerre. C’est avant tout pour son activité en faveur de Karl Kraus en France qu’elle sera évoquée ici.

Biographie

La vaste documentation rassemblée dans le fonds Maximilien Rubel[2] de la Bibliothèque de documentation internationale de l’Université Paris Nanterre, devenue La Contemporaine en 2018, met en lumière la triple nature des relations entretenues par Goblot avec Kraus : traductrice et chercheuse, Germaine Goblot fut aussi une proche du satiriste et de son entourage. C’est par ces différents canaux qu’elle s’est appliquée, à partir de 1929, à faire connaître Kraus en France[3].

Comme traductrice d’abord, Germaine Goblot s’est surtout occupée de la partie aphoristique de l’œuvre krausienne : c’est ainsi qu’elle traduisit, en collaboration avec Maximilien Rubel, des extraits de Sprüche und Widersprüche (traduction parue dans Verbe en 1938) et, seule cette fois, 133 aphorismes de Sprüche und Widersprüche parus, sous le titre Contradictions, dans Nef en 1947, ainsi que 44 aphorismes, là encore tirés de Sprüche und Widersprüche, parus dans Les Lettres Nouvelles en 1954. À cette liste s’ajoutent la traduction d’extraits de Lob der verkehrten Lebensweise, parue sous le titre Éloge de la vie à l’envers, à nouveau dans Verbe en 1938, et celle de Der Biberpelz, parue sous le titre Le manteau de castor dans le Cahier de l’Herne de 1975 consacré à Karl Kraus. Le fonds Rubel contient même des ébauches de traduction, par Goblot et Rubel, des Derniers jours de l’humanité.

Comme chercheuse ensuite, Germaine Goblot reste la première véritable interprète de Kraus en France. Autrice de nombreuses notes non publiées sur le satiriste, auquel elle apporta son soutien en 1930 dans les suites de l’« affaire Kerr[4] », elle consacre à partir de 1929 plusieurs études à l’œuvre et à la biographie de Kraus : un article, intitulé « Karl Kraus et la lutte contre la barbarie moderne », paru dans la Revue d’Allemagne en 1929 et reproduit quasi intégralement dans le numéro 820-826 de Die Fackel (octobre 1929, p. 80-90), qui présente dans les grandes lignes les lectures publiques, la technique satirique, le travail sur la langue et la critique de la presse de Kraus, et un article biographique, intitulé « Les parents de Karl Kraus », publié de manière posthume par Maximilien Rubel dans la revue Études Germaniques en 1950 (n° 5/1, p. 43-53), qui apparaît nourri des échanges amicaux avec le satiriste viennois. Ce qui frappe par ailleurs dans les travaux non publiés de Germaine Goblot sur l’œuvre de Kraus accessibles dans le fonds Rubel, c’est l’importance cardinale accordée à ce qui est généralement considéré, pour citer Musil, comme le « talon d’Achille » (Achillesferse) de Kraus, son lyrisme, plutôt qu’à sa prose (Musil 1978 : 1660). Outre ses notes éparses et ses articles consacrés à Kraus, Goblot entreprit même de préparer, sous la direction du professeur Maurice Boucher, une thèse sur le satiriste intitulée La vie et le verbe dans l’œuvre de Karl Kraus. Néanmoins, une fois que Germaine Goblot eut rédigé les premiers chapitres de sa thèse, les perturbations liées à la guerre bouleversèrent ses projets initiaux et la germaniste française se voua dès lors entièrement à la lutte contre le nazisme. Elle fut emportée par une maladie à l’âge de 55 ans, en 1948, à un moment où elle était plus que jamais décidée à poursuivre son travail sur Kraus.

Sur un plan plus personnel enfin, Germaine Goblot compta, sinon parmi l’entourage le plus proche de Kraus, du moins parmi ses amis, ce dont témoigne la correspondance avec le satiriste rassemblée dans le fonds Rubel. On y trouve en tout trois cartes, un télégramme et une lettre qui documentent non seulement les rapports entre Kraus et la germaniste française, mais encore l’attachement du satiriste au sud de la France, tel qu’il ressort de ses différents séjours dans le Var à partir de 1929 (Gauvrit 2006). On notera que Goblot gardera des liens étroits avec l’entourage de Kraus : Helene Kann[5] envoya ainsi une dizaine de lettres à Goblot avant et après la mort de Kraus (de 1930 à 1939), et l’on constate même une intensification de leur amitié après la mort du satiriste en 1936.

Il faut préciser enfin que Germaine Goblot compta en mai 1931 parmi les signataires de la proclamation du « Theater der Dichtung Karl Kraus ». De son côté, Kraus ne cessa jamais non plus de louer les « efforts [consentis par G. Goblot] pour jeter des ponts entre la culture française et la culture germanique[6] ».

Références et liens externes

Bibliographie

Gauvrit, Christiane : Au Lavandou en 1929. Karl Kraus, celui qui savait… L’écrivain autrichien, critique prophétique du nazisme, séjourna dans le Var. In : Figure libre. Le petit journal du réseau lalan. 2006, p. 4. Lacheny, Marc : Petite contribution à l’histoire des relations culturelles franco-autrichiennes au XXe siècle : Karl Kraus et les germanistes français de son temps. In : Scheichl, Sigurd Paul et Zieger, Karl (dir.) : Österreichisch-französische Kulturbeziehungen 1867-1938 / France-Autriche : leurs relations culturelles de 1867 à 1938. Innsbruck : iup 2012, p. 203–221. Musil, Robert : Prosa und Stücke, kleine Prosa, Aphorismen, Autobiographisches, Essays und Reden, Kritik. Reinbek : Rowohlt 1978. Timms, Edward : Karl Kraus. Apocalyptic Satirist. The Post-War Crisis and the Rise of the Swastika. New Haven and London : Yale University Press 2005.

Auteur

Marc Lacheny

Mise en ligne : 14/06/2024