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La peintre et graphiste Lilly Steiner (*7 avril 1884 à Vienne, † 3 octobre 1961 à Paris) réside à Paris avec son époux Hugo Steiner à partir de 1927. Influencée durant ses années de formation viennoise par le [[sécessionnisme]], elle se tourne vers le [[fauvisme]] après son installation dans la capitale française. Ses œuvres révèlent également des tendances proches de la Nouvelle Objectivité. Jusqu’à l’arrivée des nationaux-socialistes au pouvoir, Steiner maintient des contacts avec les galeries viennoises tout en demeurant à Paris. Elle continue ainsi d’exposer tant à la Neue Galerie qu’à la Galerie Würthle. Ses créations sont également présentées à [[l’Exposition d’art autrichien au Jeu de Paume en 1937 | La peintre et graphiste Lilly Steiner (*7 avril 1884 à Vienne, † 3 octobre 1961 à Paris) réside à Paris avec son époux Hugo Steiner à partir de 1927. Influencée durant ses années de formation viennoise par le [[Sécession viennoise|sécessionnisme]], elle se tourne vers le [[fauvisme]] après son installation dans la capitale française. Ses œuvres révèlent également des tendances proches de la Nouvelle Objectivité. Jusqu’à l’arrivée des nationaux-socialistes au pouvoir, Steiner maintient des contacts avec les galeries viennoises tout en demeurant à Paris. Elle continue ainsi d’exposer tant à la Neue Galerie qu’à la Galerie Würthle. Ses créations sont également présentées à [[l’Exposition d’art autrichien]] au Jeu de Paume en 1937. L’art de Steiner est un exemple des échanges culturels soutenus entre l’Autriche et la France. La famille juive Steiner réussit à survivre à l’occupation nazie dans la clandestinité. Dans certaines de ses œuvres, la peintre a su traduire la terreur engendrée par le régime nazi. | ||
==Biographie, œuvre, expositions== | ==Biographie, œuvre, expositions== | ||
[[fichier:Steiner1.jpg|thumb|left|250px|Lilly Steiner, Im März, 1908]]Lilly Steiner naît sous le nom de Lilly Hoffmann en 1884 à Vienne<ref>Meder 2008, | [[fichier:Steiner1.jpg|thumb|left|250px|Lilly Steiner, Im März, 1908]]Lilly Steiner naît sous le nom de Lilly Hoffmann en 1884 à Vienne<ref>Meder 2008, p. 112- 127</ref>. Elle meurt en 1961 à Paris. Ses racines artistiques sont ancrées dans le [[Sécession viennoise|sécessionnisme]]. Par la suite, dans les années 1920, elle se tourne vers les courants expressionnistes ainsi que vers les tendances proches de la Nouvelle Objectivité. Dès l’âge de quinze ans, elle commence à se former aux techniques graphiques à l’École d’art pour femmes et jeunes filles auprès de Ludwig Michalek<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Ludwig_Michalek</ref><ref>Plakolm-Forsthuber 1994, p. 145</ref>. Entre 1903 et 1914, elle est membre du Club de gravure des artistes viennoises (''Radierklub der Wiener Künstlerinnen''). À partir de 1908, elle expose en tant qu’invitée au [[Hagenbund]], où elle est représentée par la gravure ''En mars'' (''Im März''). Le format carré de cette œuvre ainsi que sa composition épurée renvoient à la Sécession viennoise. | ||
L’environnement intellectuel de Lilly Steiner est remarquable : en 1904, à l’âge de vingt ans, elle épouse l’industriel Hugo Steiner. Ce dernier jouit d’un réseau influent au sein de la société viennoise fin de siècle. Il est le camarade d’école de [[Karl Kraus]] et compte [[Adolf Loos]] parmi ses amis. Ses parents sollicitent les services de l’architecte pour la conception d’une fabrique de plumes ornementales ainsi que de deux locaux commerciaux<ref>Meder 2008, | L’environnement intellectuel de Lilly Steiner est remarquable : en 1904, à l’âge de vingt ans, elle épouse l’industriel Hugo Steiner. Ce dernier jouit d’un réseau influent au sein de la société viennoise fin de siècle. Il est le camarade d’école de [[Karl Kraus]] et compte [[Adolf Loos]] parmi ses amis. Ses parents sollicitent les services de l’architecte pour la conception d’une fabrique de plumes ornementales ainsi que de deux locaux commerciaux<ref>Meder 2008, p. 113</ref>. En 1910, Loos conçoit la maison du couple Steiner située au numéro 10 de la St.-Veit-Gasse, dans l’actuel 13e arrondissement de Vienne. En 1918, Hugo Steiner est le témoin de mariage de Loos et Elsie Altmann<ref>Elsie</ref><ref>Meder 2008, p. 114</ref>. Lilly Steiner entretient également des relations amicales avec le couple d’historiens de l’art Erika Tietze-Conrat<ref>Elsie</ref> et Hans Tietze<ref>https://geschichte.univie.ac.at/en/persons/hans-tietze</ref>, ainsi qu’avec le peintre Oskar Laske<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Oskar_Laske_der_J%C3%BCngere</ref>. Parmi ses amis figure aussi [[Egon Schiele]], qu’elle encourage par des commandes et soutient en lui fournissant les matériaux nécessaires à son art<ref>Steiner 1918</ref>. De plus, elle est en contact avec les représentants du mouvement dodécaphonique, [[Arnold Schönberg]] et [[Alban Berg]]<ref>Loitfellner 2019</ref>. | ||
Pendant la Première Guerre mondiale, la filature de Hugo Steiner, située à Oberwaltersdorf, est dissoute et réaffectée à des productions liées à l’effort de guerre<ref>Meder 2008, | Pendant la Première Guerre mondiale, la filature de Hugo Steiner, située à Oberwaltersdorf, est dissoute et réaffectée à des productions liées à l’effort de guerre<ref>Meder 2008, p. 115</ref>. Cette situation engendre une perte financière considérable. La famille se voit contrainte de fuir Vienne pendant plusieurs mois : ces événements incitent Lilly Steiner à réaliser en 1916 une série de gravures à la pointe sèche intitulée ''Hiver en haute montagne'' (''Winter im Hochgebirge'')<ref>Plakolm-Forsthuber 1994, p. 145</ref>. En 1916, 1917 et 1919, elle expose chez Halm & Goldmann<ref>Meder 2008, p. 114</ref>. En 1920, elle participe à la Kunstschau, puis présente ses œuvres à la galerie Würthle en 1921 et 1923<ref>Meder 2008, p. 114</ref>. En 1925, ses créations sont exposées au [[Hagenbund]], dont elle est membre correspondant<ref>Jesse 2014, p. 357-365</ref>. | ||
[[fichier:Steiner2.png|thumb|200px|Lilly Steiner, Mutter und Kind, 1919]]En 1927, la famille Steiner émigre à Paris. Grâce aux liens étroits qu’il entretient avec l’entreprise de vêtements pour hommes Kniže<ref>Meder 2008, | [[fichier:Steiner2.png|thumb|200px|Lilly Steiner, Mutter und Kind, 1919]]En 1927, la famille Steiner émigre à Paris. Grâce aux liens étroits qu’il entretient avec l’entreprise de vêtements pour hommes Kniže<ref>Meder 2008, p. 115</ref>, Hugo peut prendre la direction d’une des filiales de la société. Lilly connaît également le succès dans la capitale française : elle expose en 1928 à la galerie Zborowksi, puis aux Éditions Bonaparte, chez Druet et au Palais des Tuileries<ref>Meder 2008, p. 119</ref>. Dans des études, elle se consacre à des portraits de chefs d’orchestre, de compositeurs et d’artistes. Elle met ainsi en lumière Arturo Toscanini<ref>https://www.deutsche-biographie.de/sfz122809.html</ref>, [[Alban Berg]] et Aristide Maillol<ref>https://www.deutsche-biographie.de/sfz125792.html</ref> lors de leurs séances de travail. | ||
Le thème de la maternité suscite à plusieurs reprises l’intérêt de Steiner, constituant par ailleurs un exemple significatif du transfert culturel entre l’Autriche et la France. Dans son œuvre Mère et enfant (Mutter und Kind), réalisée en 1919, les contours graphiques marqués prédominent et évoquent l’esthétique du style viennois à la [[Gustav Klimt]]. En 1929, l’artiste se consacre à une composition similaire, alors qu’elle réside déjà à Paris. Elle aborde alors ce motif d’une manière plus picturale, façonnant le groupe à partir de la couleur. Il est possible d’y discerner l’influence d’[[Oskar Kokoschka]] ainsi que celle des peintres [[fauves]] français. | Le thème de la maternité suscite à plusieurs reprises l’intérêt de Steiner, constituant par ailleurs un exemple significatif du transfert culturel entre l’Autriche et la France. Dans son œuvre ''Mère et enfant'' (''Mutter und Kind''), réalisée en 1919, les contours graphiques marqués prédominent et évoquent l’esthétique du style viennois à la [[Gustav Klimt]]. En 1929, l’artiste se consacre à une composition similaire, alors qu’elle réside déjà à Paris. Elle aborde alors ce motif d’une manière plus picturale, façonnant le groupe à partir de la couleur. Il est possible d’y discerner l’influence d’[[Oskar Kokoschka]] ainsi que celle des peintres [[fauvisme|fauves]] français. | ||
À Paris, l’artiste maintient ses relations avec Vienne, par exemple avec la Neue Galerie Otto Kallir-Nirenstein<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Otto_Kallir</ref><ref>Meder 2008, | À Paris, l’artiste maintient ses relations avec Vienne, par exemple avec la Neue Galerie Otto Kallir-Nirenstein<ref>https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Otto_Kallir</ref><ref>Meder 2008, p. 119</ref>. En 1931, elle présente ses œuvres au Künstlerhaus de Vienne. En 1936, elle est représentée à la galerie Würthle et, en 1937, à [[l’Exposition d’art autrichien]] au Jeu de Paume<ref>Meder 2008, p. 120</ref>. À cette époque, Steiner réside à l’hôtel Liberia, situé au 9 rue de la Grande-Chaumière<ref>Meder 2008, p. 120</ref>. Pendant la dictature nazie, les Steiner survivent dans la clandestinité à Paris ainsi que dans le sud de la France. À partir de 1948, l’atelier parisien de l’artiste est établi au numéro 146 de l’avenue des Champs-Élysées<ref>Akt zur Widmung von zwei Gemälden von Lilly Steiner: Selbstbildnis und Composition baroque , Inv.-Nr. 4155 und 4156, Archiv des Belvedere, Wien, Aktenzahl 165/48.</ref>. | ||
Dans un grand nombre d’œuvres, Steiner réagit à l’histoire de son temps, comme en témoigne le tableau L’ondine du Danube (Donauweibchen), réalisé en 1934. En 1938, elle peint son œuvre majeure, Composition baroque. Ce tableau est réalisé en réaction à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne hitlérienne, comme elle le mentionne dans la dédicace de l’œuvre à la Galerie autrichienne du Belvédère. Vers 1939, Steiner commence par ailleurs son tableau Apocalypse. Le désespoir qui prédomine déjà dans Composition baroque y est exacerbé. | Dans un grand nombre d’œuvres, Steiner réagit à l’histoire de son temps, comme en témoigne le tableau ''L’ondine du Danube'' (''Donauweibchen''), réalisé en 1934. En 1938, elle peint son œuvre majeure, ''Composition baroque''. Ce tableau est réalisé en réaction à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne hitlérienne, comme elle le mentionne dans la dédicace de l’œuvre à la Galerie autrichienne du Belvédère. Vers 1939, Steiner commence par ailleurs son tableau ''Apocalypse''. Le désespoir qui prédomine déjà dans ''Composition baroque'' y est exacerbé. | ||
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fichier:Arto8859.jpg|thumb|Lilly Steiner, Donauweibchen, 1934. Foto: Johannes Stoll / Belvedere, Wien | fichier:Arto8859.jpg|thumb|Lilly Steiner, Donauweibchen, 1934. Foto: Johannes Stoll / Belvedere, Wien | ||
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En 1952, elle crée des cartons pour le Grand Prix de L’Union des femmes peintres et sculpteurs (UFPS), pour sa composition Allégorie de la Maternité, ainsi qu’un carton de tapisserie pour les Ateliers Simone André à Aubusson<ref>Loitfellner 2019</ref>. Elle poursuit son activité artistique jusqu’à la fin de sa vie. | En 1952, elle crée des cartons pour le Grand Prix de L’Union des femmes peintres et sculpteurs (UFPS), pour sa composition ''Allégorie de la Maternité'', ainsi qu’un carton de tapisserie pour les Ateliers Simone André à Aubusson<ref>Loitfellner 2019</ref>. Elle poursuit son activité artistique jusqu’à la fin de sa vie. | ||
L’artiste est régulièrement présentée dans des expositions collectives. En 2008, par exemple, ses œuvres sont mises en lumière lors de l’exposition « Vienne – Paris – Van Gogh, Cézanne et l’art moderne autrichien 1880-1960 » (« Wien – Paris – Van Gogh, Cézanne und Österreichs Moderne 1880-1960 ») au Belvédère<ref>Husslein-Arco 2008</ref>. La même année, son œuvre ainsi que son parcours de vie, centré sur son émigration, sont présentés au Musée juif de la ville de Vienne lors de l’exposition « Les modernes s’enfuient. Artistes autrichien.ne.s en France » (« Moderne auf der Flucht. Österreichische KünstlerInnen in Frankreich »). En 2014, son rôle au sein du [[Hagenbund]] est mis en avant lors de l’exposition « Hagenbund – un réseau européen de la modernité 1900-1938 » (« Hagenbund - Ein europäisches Netzwerk der Moderne 1900 bis 1938 ») au Belvédère. En 2022, le musée Leopold aborde un sujet similaire lors de l’exposition intitulée « Hagenbund : de la modernité modérée à la modernité radicale » (« Hagenbund : von der gemäßigten zur radikalen Moderne »)<ref>Wipplinger 2022</ref>. Enfin, les deux expositions « La meilleure moitié. Femmes artistes juives avant 1938 » (« Die bessere Hälfte, Jüdische Künstlerinnen bis 1938 »), qui se tient en 2016 au Musée juif, et l’exposition « Ville de femmes. Femmes artistes à Vienne 1900-1938 » (« Stadt der Frauen. Künstlerinnen in Wien 1900-1938 ») au Belvédère mettent particulièrement l’accent sur l’éviction de son œuvre de la sphère publique par le régime nazi<ref>Winklbauer 2016; Fellner & Rollig 2019</ref>. Une exposition personnelle dédiée à l’artiste reste encore à venir. | L’artiste est régulièrement présentée dans des expositions collectives. En 2008, par exemple, ses œuvres sont mises en lumière lors de l’exposition « Vienne – Paris – Van Gogh, Cézanne et l’art moderne autrichien 1880-1960 » (« Wien – Paris – Van Gogh, Cézanne und Österreichs Moderne 1880-1960 ») au Belvédère<ref>Husslein-Arco 2008</ref>. La même année, son œuvre ainsi que son parcours de vie, centré sur son émigration, sont présentés au Musée juif de la ville de Vienne lors de l’exposition « Les modernes s’enfuient. Artistes autrichien.ne.s en France » (« Moderne auf der Flucht. Österreichische KünstlerInnen in Frankreich »). En 2014, son rôle au sein du [[Hagenbund]] est mis en avant lors de l’exposition « Hagenbund – un réseau européen de la modernité 1900-1938 » (« Hagenbund - Ein europäisches Netzwerk der Moderne 1900 bis 1938 ») au Belvédère. En 2022, le musée Leopold aborde un sujet similaire lors de l’exposition intitulée « Hagenbund : de la modernité modérée à la modernité radicale » (« Hagenbund : von der gemäßigten zur radikalen Moderne »)<ref>Wipplinger 2022</ref>. Enfin, les deux expositions « La meilleure moitié. Femmes artistes juives avant 1938 » (« Die bessere Hälfte, Jüdische Künstlerinnen bis 1938 »), qui se tient en 2016 au Musée juif, et l’exposition « Ville de femmes. Femmes artistes à Vienne 1900-1938 » (« Stadt der Frauen. Künstlerinnen in Wien 1900-1938 ») au Belvédère mettent particulièrement l’accent sur l’éviction de son œuvre de la sphère publique par le régime nazi<ref>Winklbauer 2016; Fellner & Rollig 2019</ref>. Une exposition personnelle dédiée à l’artiste reste encore à venir. | ||
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==Bibliographie== | ==Bibliographie== | ||
*Fellner, Sabine / Rollig, Stella ( | *Fellner, Sabine / Rollig, Stella (dir.) : Stadt der Frauen. Künstlerinnen in Wien 1900-1938 (City of Women. Female artists in Vienna 1900-1938), catalogue d’exposition. Vienne : Belvedere 2019. | ||
*Husslein-Arco, Agnes: Wien-Paris - Van Gogh, Cézanne und Österreichs Moderne 1880 - 1960, | *Husslein-Arco, Agnes : Wien-Paris-Van Gogh, Cézanne und Österreichs Moderne 1880-1960, catalogue d’exposition. Vienne : Belvedere 2008. | ||
*Jesse, Kerstin: „Außerordentliche“ Frauen im Hagenbund. Künstlerinnen und ihre Netzwerke, in: Harald Krejci / Agnes Husslein-Arco (Hgg.), Hagenbund - Ein europäisches Netzwerk der Moderne 1900 bis 1938, Ausst.-Kat. Belvedere | *Jesse, Kerstin: „Außerordentliche“ Frauen im Hagenbund. Künstlerinnen und ihre Netzwerke, in: Harald Krejci / Agnes Husslein-Arco (Hgg.), Hagenbund - Ein europäisches Netzwerk der Moderne 1900 bis 1938, Ausst.-Kat. Vienne : Belvedere 2014, p. 357-365. | ||
*Loitfellner, Tamara: Steiner, Lilly. In: Artists of the World. Berlin, Boston 2019. https://aow-1degruyter-1com-17201fokt04d0.han.onb.ac.at/artist/_00208463 | *Loitfellner, Tamara: Steiner, Lilly. In: Artists of the World. Berlin, Boston 2019. https://aow-1degruyter-1com-17201fokt04d0.han.onb.ac.at/artist/_00208463 | ||
*Meder, Iris: „Lilly Steiner und der Loos-Kreis in Paris“. In: Andrea Winklbauer (Hg.), Moderne auf der Flucht. Österreichische KünstlerInnen in Frankreich, Ausst.-Kat. Jüdisches Museum der Stadt | *Meder, Iris: „Lilly Steiner und der Loos-Kreis in Paris“. In: Andrea Winklbauer (Hg.), Moderne auf der Flucht. Österreichische KünstlerInnen in Frankreich, Ausst.-Kat. Vienne : Jüdisches Museum der Stadt Wien 2008, p. 112- 127. | ||
*Plakolm-Forsthuber, Sabine: „Die weibliche Imaginerie – Bilder der Zwischenkriegszeit“. In: Dies., Künstlerinnen in Österreich 1897 - 1938. Malerei. Plastik. Architektur, | *Plakolm-Forsthuber, Sabine: „Die weibliche Imaginerie – Bilder der Zwischenkriegszeit“. In: Dies., Künstlerinnen in Österreich 1897 - 1938. Malerei. Plastik. Architektur, Vienne 1994, p. 145-208. | ||
*Winklbauer, Andrea (Hg.): Die bessere Hälfte. Jüdische Künstlerinnen bis 1938 (The better half. Jewish women artists before 1938), Ausst.-Kat. Jüdisches Museum Wien, | *Winklbauer, Andrea (Hg.): Die bessere Hälfte. Jüdische Künstlerinnen bis 1938 (The better half. Jewish women artists before 1938), Ausst.-Kat. Jüdisches Museum Wien, Vienne 2016. | ||
*Wipplinger, Hans Peter (Hg.): Hagenbund - von der gemäßigten zur radikalen Moderne / from moderate to radical modernism, Ausst.-Kat. Leopold Museum, | *Wipplinger, Hans Peter (Hg.): Hagenbund - von der gemäßigten zur radikalen Moderne / from moderate to radical modernism, Ausst.-Kat. Leopold Museum, Vienne 2022. | ||
==Auteur== | ==Auteur== | ||
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Dernière version du 5 mai 2025 à 14:17
La peintre et graphiste Lilly Steiner (*7 avril 1884 à Vienne, † 3 octobre 1961 à Paris) réside à Paris avec son époux Hugo Steiner à partir de 1927. Influencée durant ses années de formation viennoise par le sécessionnisme, elle se tourne vers le fauvisme après son installation dans la capitale française. Ses œuvres révèlent également des tendances proches de la Nouvelle Objectivité. Jusqu’à l’arrivée des nationaux-socialistes au pouvoir, Steiner maintient des contacts avec les galeries viennoises tout en demeurant à Paris. Elle continue ainsi d’exposer tant à la Neue Galerie qu’à la Galerie Würthle. Ses créations sont également présentées à l’Exposition d’art autrichien au Jeu de Paume en 1937. L’art de Steiner est un exemple des échanges culturels soutenus entre l’Autriche et la France. La famille juive Steiner réussit à survivre à l’occupation nazie dans la clandestinité. Dans certaines de ses œuvres, la peintre a su traduire la terreur engendrée par le régime nazi.
Biographie, œuvre, expositions

Lilly Steiner naît sous le nom de Lilly Hoffmann en 1884 à Vienne[1]. Elle meurt en 1961 à Paris. Ses racines artistiques sont ancrées dans le sécessionnisme. Par la suite, dans les années 1920, elle se tourne vers les courants expressionnistes ainsi que vers les tendances proches de la Nouvelle Objectivité. Dès l’âge de quinze ans, elle commence à se former aux techniques graphiques à l’École d’art pour femmes et jeunes filles auprès de Ludwig Michalek[2][3]. Entre 1903 et 1914, elle est membre du Club de gravure des artistes viennoises (Radierklub der Wiener Künstlerinnen). À partir de 1908, elle expose en tant qu’invitée au Hagenbund, où elle est représentée par la gravure En mars (Im März). Le format carré de cette œuvre ainsi que sa composition épurée renvoient à la Sécession viennoise.
L’environnement intellectuel de Lilly Steiner est remarquable : en 1904, à l’âge de vingt ans, elle épouse l’industriel Hugo Steiner. Ce dernier jouit d’un réseau influent au sein de la société viennoise fin de siècle. Il est le camarade d’école de Karl Kraus et compte Adolf Loos parmi ses amis. Ses parents sollicitent les services de l’architecte pour la conception d’une fabrique de plumes ornementales ainsi que de deux locaux commerciaux[4]. En 1910, Loos conçoit la maison du couple Steiner située au numéro 10 de la St.-Veit-Gasse, dans l’actuel 13e arrondissement de Vienne. En 1918, Hugo Steiner est le témoin de mariage de Loos et Elsie Altmann[5][6]. Lilly Steiner entretient également des relations amicales avec le couple d’historiens de l’art Erika Tietze-Conrat[7] et Hans Tietze[8], ainsi qu’avec le peintre Oskar Laske[9]. Parmi ses amis figure aussi Egon Schiele, qu’elle encourage par des commandes et soutient en lui fournissant les matériaux nécessaires à son art[10]. De plus, elle est en contact avec les représentants du mouvement dodécaphonique, Arnold Schönberg et Alban Berg[11].
Pendant la Première Guerre mondiale, la filature de Hugo Steiner, située à Oberwaltersdorf, est dissoute et réaffectée à des productions liées à l’effort de guerre[12]. Cette situation engendre une perte financière considérable. La famille se voit contrainte de fuir Vienne pendant plusieurs mois : ces événements incitent Lilly Steiner à réaliser en 1916 une série de gravures à la pointe sèche intitulée Hiver en haute montagne (Winter im Hochgebirge)[13]. En 1916, 1917 et 1919, elle expose chez Halm & Goldmann[14]. En 1920, elle participe à la Kunstschau, puis présente ses œuvres à la galerie Würthle en 1921 et 1923[15]. En 1925, ses créations sont exposées au Hagenbund, dont elle est membre correspondant[16].

En 1927, la famille Steiner émigre à Paris. Grâce aux liens étroits qu’il entretient avec l’entreprise de vêtements pour hommes Kniže[17], Hugo peut prendre la direction d’une des filiales de la société. Lilly connaît également le succès dans la capitale française : elle expose en 1928 à la galerie Zborowksi, puis aux Éditions Bonaparte, chez Druet et au Palais des Tuileries[18]. Dans des études, elle se consacre à des portraits de chefs d’orchestre, de compositeurs et d’artistes. Elle met ainsi en lumière Arturo Toscanini[19], Alban Berg et Aristide Maillol[20] lors de leurs séances de travail.
Le thème de la maternité suscite à plusieurs reprises l’intérêt de Steiner, constituant par ailleurs un exemple significatif du transfert culturel entre l’Autriche et la France. Dans son œuvre Mère et enfant (Mutter und Kind), réalisée en 1919, les contours graphiques marqués prédominent et évoquent l’esthétique du style viennois à la Gustav Klimt. En 1929, l’artiste se consacre à une composition similaire, alors qu’elle réside déjà à Paris. Elle aborde alors ce motif d’une manière plus picturale, façonnant le groupe à partir de la couleur. Il est possible d’y discerner l’influence d’Oskar Kokoschka ainsi que celle des peintres fauves français.
À Paris, l’artiste maintient ses relations avec Vienne, par exemple avec la Neue Galerie Otto Kallir-Nirenstein[21][22]. En 1931, elle présente ses œuvres au Künstlerhaus de Vienne. En 1936, elle est représentée à la galerie Würthle et, en 1937, à l’Exposition d’art autrichien au Jeu de Paume[23]. À cette époque, Steiner réside à l’hôtel Liberia, situé au 9 rue de la Grande-Chaumière[24]. Pendant la dictature nazie, les Steiner survivent dans la clandestinité à Paris ainsi que dans le sud de la France. À partir de 1948, l’atelier parisien de l’artiste est établi au numéro 146 de l’avenue des Champs-Élysées[25].
Dans un grand nombre d’œuvres, Steiner réagit à l’histoire de son temps, comme en témoigne le tableau L’ondine du Danube (Donauweibchen), réalisé en 1934. En 1938, elle peint son œuvre majeure, Composition baroque. Ce tableau est réalisé en réaction à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne hitlérienne, comme elle le mentionne dans la dédicace de l’œuvre à la Galerie autrichienne du Belvédère. Vers 1939, Steiner commence par ailleurs son tableau Apocalypse. Le désespoir qui prédomine déjà dans Composition baroque y est exacerbé.
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Lilly Steiner, Donauweibchen, 1934. Foto: Johannes Stoll / Belvedere, Wien
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Lilly Steiner, Composition baroque, 1938. Foto: Johannes Stoll / Belvedere, Wien
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Lilly Steiner, Apokalypse, 1939/1951. Foto: Belvedere, Wien
En 1952, elle crée des cartons pour le Grand Prix de L’Union des femmes peintres et sculpteurs (UFPS), pour sa composition Allégorie de la Maternité, ainsi qu’un carton de tapisserie pour les Ateliers Simone André à Aubusson[26]. Elle poursuit son activité artistique jusqu’à la fin de sa vie.
L’artiste est régulièrement présentée dans des expositions collectives. En 2008, par exemple, ses œuvres sont mises en lumière lors de l’exposition « Vienne – Paris – Van Gogh, Cézanne et l’art moderne autrichien 1880-1960 » (« Wien – Paris – Van Gogh, Cézanne und Österreichs Moderne 1880-1960 ») au Belvédère[27]. La même année, son œuvre ainsi que son parcours de vie, centré sur son émigration, sont présentés au Musée juif de la ville de Vienne lors de l’exposition « Les modernes s’enfuient. Artistes autrichien.ne.s en France » (« Moderne auf der Flucht. Österreichische KünstlerInnen in Frankreich »). En 2014, son rôle au sein du Hagenbund est mis en avant lors de l’exposition « Hagenbund – un réseau européen de la modernité 1900-1938 » (« Hagenbund - Ein europäisches Netzwerk der Moderne 1900 bis 1938 ») au Belvédère. En 2022, le musée Leopold aborde un sujet similaire lors de l’exposition intitulée « Hagenbund : de la modernité modérée à la modernité radicale » (« Hagenbund : von der gemäßigten zur radikalen Moderne »)[28]. Enfin, les deux expositions « La meilleure moitié. Femmes artistes juives avant 1938 » (« Die bessere Hälfte, Jüdische Künstlerinnen bis 1938 »), qui se tient en 2016 au Musée juif, et l’exposition « Ville de femmes. Femmes artistes à Vienne 1900-1938 » (« Stadt der Frauen. Künstlerinnen in Wien 1900-1938 ») au Belvédère mettent particulièrement l’accent sur l’éviction de son œuvre de la sphère publique par le régime nazi[29]. Une exposition personnelle dédiée à l’artiste reste encore à venir.
Sources et liens externes
- ↑ Meder 2008, p. 112- 127
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Ludwig_Michalek
- ↑ Plakolm-Forsthuber 1994, p. 145
- ↑ Meder 2008, p. 113
- ↑ Elsie
- ↑ Meder 2008, p. 114
- ↑ Elsie
- ↑ https://geschichte.univie.ac.at/en/persons/hans-tietze
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Oskar_Laske_der_J%C3%BCngere
- ↑ Steiner 1918
- ↑ Loitfellner 2019
- ↑ Meder 2008, p. 115
- ↑ Plakolm-Forsthuber 1994, p. 145
- ↑ Meder 2008, p. 114
- ↑ Meder 2008, p. 114
- ↑ Jesse 2014, p. 357-365
- ↑ Meder 2008, p. 115
- ↑ Meder 2008, p. 119
- ↑ https://www.deutsche-biographie.de/sfz122809.html
- ↑ https://www.deutsche-biographie.de/sfz125792.html
- ↑ https://www.geschichtewiki.wien.gv.at/Otto_Kallir
- ↑ Meder 2008, p. 119
- ↑ Meder 2008, p. 120
- ↑ Meder 2008, p. 120
- ↑ Akt zur Widmung von zwei Gemälden von Lilly Steiner: Selbstbildnis und Composition baroque , Inv.-Nr. 4155 und 4156, Archiv des Belvedere, Wien, Aktenzahl 165/48.
- ↑ Loitfellner 2019
- ↑ Husslein-Arco 2008
- ↑ Wipplinger 2022
- ↑ Winklbauer 2016; Fellner & Rollig 2019
Bibliographie
- Fellner, Sabine / Rollig, Stella (dir.) : Stadt der Frauen. Künstlerinnen in Wien 1900-1938 (City of Women. Female artists in Vienna 1900-1938), catalogue d’exposition. Vienne : Belvedere 2019.
- Husslein-Arco, Agnes : Wien-Paris-Van Gogh, Cézanne und Österreichs Moderne 1880-1960, catalogue d’exposition. Vienne : Belvedere 2008.
- Jesse, Kerstin: „Außerordentliche“ Frauen im Hagenbund. Künstlerinnen und ihre Netzwerke, in: Harald Krejci / Agnes Husslein-Arco (Hgg.), Hagenbund - Ein europäisches Netzwerk der Moderne 1900 bis 1938, Ausst.-Kat. Vienne : Belvedere 2014, p. 357-365.
- Loitfellner, Tamara: Steiner, Lilly. In: Artists of the World. Berlin, Boston 2019. https://aow-1degruyter-1com-17201fokt04d0.han.onb.ac.at/artist/_00208463
- Meder, Iris: „Lilly Steiner und der Loos-Kreis in Paris“. In: Andrea Winklbauer (Hg.), Moderne auf der Flucht. Österreichische KünstlerInnen in Frankreich, Ausst.-Kat. Vienne : Jüdisches Museum der Stadt Wien 2008, p. 112- 127.
- Plakolm-Forsthuber, Sabine: „Die weibliche Imaginerie – Bilder der Zwischenkriegszeit“. In: Dies., Künstlerinnen in Österreich 1897 - 1938. Malerei. Plastik. Architektur, Vienne 1994, p. 145-208.
- Winklbauer, Andrea (Hg.): Die bessere Hälfte. Jüdische Künstlerinnen bis 1938 (The better half. Jewish women artists before 1938), Ausst.-Kat. Jüdisches Museum Wien, Vienne 2016.
- Wipplinger, Hans Peter (Hg.): Hagenbund - von der gemäßigten zur radikalen Moderne / from moderate to radical modernism, Ausst.-Kat. Leopold Museum, Vienne 2022.
Auteur
Katharina Lovecky
Traduit de l'allemand par Irène Cagneau
Mise en ligne: 16/04/2025