« Herbert Eichholzer » : différence entre les versions

De decaf-fr
Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
 
Ligne 1 : Ligne 1 :
[[Fichier:Herbert-Eichholzer-Foto-DÖW.png||thumb|Herbert Eichholzer (Photo : Centre de documentation de la résistance autrichienne (DÖW))]]Architecte à Graz, Herbert Eichholzer ((*31 janvier 1903 à Graz, † 7 janvier 1943 à Vienne) a été l’une des figures majeures de la résistance communiste autrichienne contre le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale. Sa confrontation avec l’architecte franco-suisse [[Le Corbusier]] a eu une influence significative sur son œuvre architecturale. La réception particulièrement intense de cet architecte par Eichholzer représente un phénomène unique en son genre dans le domaine de l’architecture autrichienne de l’entre-deux-guerres.
[[Fichier:Herbert-Eichholzer-Foto-DÖW.png||thumb|Herbert Eichholzer (Photo : Centre de documentation de la résistance autrichienne (DÖW))]]Architecte à Graz, Herbert Eichholzer (*31 janvier 1903 à Graz, † 7 janvier 1943 à Vienne) a été l’une des figures majeures de la résistance communiste autrichienne contre le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale. Sa confrontation avec l’architecte franco-suisse [[Le Corbusier]] a eu une influence significative sur son œuvre architecturale. La réception particulièrement intense de cet architecte par Eichholzer représente un phénomène unique en son genre dans le domaine de l’architecture autrichienne de l’entre-deux-guerres.


==Biographie==
==Biographie==

Dernière version du 15 mars 2025 à 10:46

Herbert Eichholzer (Photo : Centre de documentation de la résistance autrichienne (DÖW))

Architecte à Graz, Herbert Eichholzer (*31 janvier 1903 à Graz, † 7 janvier 1943 à Vienne) a été l’une des figures majeures de la résistance communiste autrichienne contre le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale. Sa confrontation avec l’architecte franco-suisse Le Corbusier a eu une influence significative sur son œuvre architecturale. La réception particulièrement intense de cet architecte par Eichholzer représente un phénomène unique en son genre dans le domaine de l’architecture autrichienne de l’entre-deux-guerres.

Biographie

Herbert Eichholzer naît et grandit à Graz. Entre 1922 et 1928, il étudie le génie civil à l’Université technique de Graz. Alors qu’il est encore étudiant, il entreprend de longs voyages à travers l’Europe, jusqu’en Abyssinie et en Érythrée. Après la fin de ses études, il demeure très mobile. Plusieurs séjours de travail en Allemagne, en Grèce, en Turquie, ainsi qu’à Paris et à Moscou lui permettent d’acquérir des expériences professionnelles significatives. Outre d’autres langues étrangères, il parle couramment le français et séjourne à plusieurs reprises en France à partir des années 1920, parfois pendant plusieurs mois. En seulement dix ans, il réalise un nombre considérable de constructions à Graz et en Styrie.

Engagé politiquement à gauche depuis ses années universitaires, il est emprisonné en 1934 en tant que membre de la Ligue de protection républicaine (Republikanischer Schutzbund). Immédiatement après l’Anschluss en 1938, il s’enfuit de Graz en passant par Trieste pour rejoindre Paris, où se trouve la direction étrangère du Parti communiste autrichien. Après quelques mois, il se rend à Istanbul où il rencontre l’architecte Margarete Schütte-Lihotzky. Tous deux reviennent alors par des chemins détournés dans l’Autriche annexée, désormais désignée sous le nom de « Ostmark », pour s’engager dans la résistance communiste. Alors qu’il est interprète dans l’armée allemande à Verdun, Eichholzer est trahi, arrêté et condamné à mort en 1942 pour « préparation à la haute trahison ». Dans sa condamnation à mort[1], il est fait mention de son séjour de travail au sein de l’atelier parisien de Le Corbusier et à ses élèves, majoritairement qualifiés de ‘bolcheviks culturels dégénérés’. Eichholzer est exécuté le 7 janvier 1943 à Vienne.

Œuvre

[Personnalité ouverte à des inspirations multiples, Eichholzer intègre dans son œuvre des éléments hétérogènes. Le Corbusier (1887-1965), qui dirige un important cabinet à Paris et a atteint une renommée internationale dans les années 1920, constitue pour lui un modèle particulier. À Graz, les idées de l’architecte franco-suisse, ainsi que ses plans et ses constructions sont accessibles par le biais de livres et de revues, notamment son ouvrage programmatique Vers une architecture, dont la traduction allemande paraît en 1926 sous le titre Kommende Baukunst. En 1930, une exposition itinérante du Deutscher Werkbund présentée à Graz met également en avant les projets de Le Corbusier. Les représentants conservateurs et nationalistes de l’architecture traditionnelle, qui dominent la vie culturelle locale et auxquels Eichholzer a souvent dû s’opposer, considèrent Le Corbusier avec mépris, le qualifiant de ‘constructeur de la machine à habiter’, symbole d’un technicisme international ‘sans âme’. Ils ne voient en lui qu’un ‘Français’ excentrique, étranger à l’essence allemande.

Au cours de l’hiver 1929-1930, Eichholzer effectue un stage de trois mois (probablement non rémunéré) dans l’atelier d’architecture parisien co-dirigé par Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Il fait ainsi partie des nombreux collaborateurs et volontaires venus du monde entier pour découvrir sur place les réalisations de l’architecte. Selon ses propres dires, pendant cette période de volontariat, il s’occupe de la planification de projets d’envergure tels que le bâtiment administratif Zentrosojus à Moscou. Il est probable qu’il ait visité également des bâtiments de Le Corbusier à Paris ou dans les environs. Cette expérience professionnelle a une influence déterminante sur son œuvre. Dès lors, il s’adapte au modèle établi par l’atelier parisien tant dans son style graphique que dans la présentation de ses plans (typographie, numérotation, etc.).

Quelques années plus tard, il intègre également dans ses propres projets les impressions recueillies auprès de Le Corbusier et Jeanneret en matière de construction et d’esthétique. Certaines de ses maisons individuelles, construites en partie avec des collègues de Graz, affichent ainsi, avec leurs escaliers en béton brut, leurs pilotis, leurs fenêtres en bandeaux et leurs jardins sur les toits, un lien étroit avec les maisons de la Cité Frugès de Pessac (1924-1926), déjà renommée à l’époque, mais aussi avec la villa Savoye[2] à Poissy (1929-1931), qui est en cours de construction lors du séjour d’Eichholzer à Paris. Ces éléments évoquent également les projets de la maison Citrohan[3] et de l’Immeuble-Villa[4], réalisés en 1922. En 1935, Eichholzer exprime à un maître d’ouvrage de Graz « son estime pour Le Corbusier et ses plans grandioses visant à un réaménagement architectural du centre de Paris selon des méthodes de construction entièrement nouvelles[5] ».

Französische Architektur der Gegenwart im Hagenbund, Affiche de Lois Pregartbauer (1899-1971), 1934

Par cette proximité manifeste avec Le Corbusier, Eichholzer se trouve à l’époque à l’opposé de ses collègues viennois, qui n’ont guère d’affinités avec l’architecte. Seul Ernst A. Plischke[6], avec lequel Eichholzer entretient des relations au milieu des années 1930, fait exception. Par ailleurs, contrairement aux arts plastiques, l’architecture française suscite un intérêt relativement limité à Vienne. En 1934, l’exposition « Französische Architektur der Gegenwart » (« Architecture française du temps présent »), présentée par le Hagenbund et organisée par la Société des Architectes Diplômés par le Gouvernement (SADG), constitue une exception à cette tendance ; néanmoins, elle ne présente aucune réalisation de Le Corbusier.

La similitude des projets de mobilier de l’atelier d’Eichholzer avec ceux de la designer irlandaise Eileen Gray[7] (1878-1976), qui a travaillé en France, constitue également une spécificité dans le domaine de l’architecture autrichienne. En effet, alors que les créations de Gray n’ont pas reçu d’accueil particulier à Vienne durant cette période, il est probable qu’Eichholzer en ait eu connaissance lors de son séjour à Paris, comme le montrent par exemple le choix du liège ainsi que certaines combinaisons de formes et de matériaux dans ses meubles. Ainsi, le rembourrage cylindrique à l’apparence volumineuse associé à l’acier tubulaire ou au bois de plusieurs de ses fauteuils réalisés en 1932-1933 rappelle le fauteuil Bibendum de Gray, datant de 1929. Cette année-là correspond précisément à celle où Eichholzer se trouve à Paris, où il pourrait avoir visité la galerie Jean Désert, espace dédié à la vente des meubles de Gray.

En 1936, Eichholzer soumet avec Friedrich Zotter[8], son ancien professeur à l’Université technique de Graz, un projet au concours pour le pavillon de l’État autrichien à l’Exposition universelle de Paris. En 1937, il se rend à nouveau dans la capitale française, en lien avec cet événement, et visite probablement à cette occasion la cité de la Muette[9] réalisée par les architectes Eugène Beaudouin[10] et Marcel Lods[11] dans la banlieue de Drancy. Cette vaste cité a été mise en avant en 1935 dans des revues spécialisées autrichiennes telles que l’Allgemeine Bau-Zeitung et la Zeitschrift des Österreichischen Ingenieur- und Architekten-Vereines comme une expérience ambitieuse de normalisation avancée dans le domaine de la construction de logements, sans toutefois susciter un écho significatif en Autriche. Eichholzer, pour sa part, est conscient de la nécessité d’industrialiser le processus de construction.

En 1938, avant de poursuivre son exil vers la Turquie à l’invitation de Clemens Holzmeister[12], il se rend une dernière fois à Paris. Pendant six mois, il travaille comme collaborateur indépendant auprès d’Albert Laprade[13] (1883-1978), alors architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux. Il conçoit des hôtels et des lotissements dans les Alpes françaises, probablement en relation avec le barrage de Génissiat en cours de construction sur le Rhône, conçu par Laprade et d’autres architectes, qui doit alors être utilisé à des fins touristiques.

Références et liens externes

Bibliographie

  • Ecker, Dietrich : Herbert Eichholzer. Architekt (1903–1943). Dirigé par Peter Schurz. Vienne–Graz : Neuer Wissenschaftlicher Verlag 2004.
  • Senarclens de Grancy, Antje : Keine Würfelwelt. Architekturpositionen einer « bodenständigen » Moderne. Graz 1918–1938. Graz : HDA-Verlag 2007.
  • Senarclens de Grancy, Antje / Halbrainer, Heimo : Totes Leben gibt es nicht. Herbert Eichholzer 1903–1943. Architektur – Kunst – Politik. Vienne–New York : Springer-Verlag 2004.

Auteur

Antje Senarclens de Grancy

Traduit de l'allemand par Irène Cagneau

Mise en ligne : 15/03/2025